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VENISE 2025 Compétition

Critique : Silent Friend

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- VENISE 2025 : Le film excentrique et charmant d'Ildikó Enyedi s'intéresse à un arbre planté dans le jardin d'une université allemande, à trois époques différentes du XXe siècle

Critique : Silent Friend
Tony Leung Chiu-Wai dans Silent Friend

Silent Friend [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Ildikó Enyedi
fiche film
]
d’Ildikó Enyedi, qui suit un siècle de la vie d'un arbre ginkgo, va certainement semer des idées dans votre esprit. C’est un film merveilleusement sincère, sans une once de cynisme pour détourner de sa curiosité optimiste sur le monde naturel et ce qu’il nous reste encore à découvrir à son sujet. Hélas, en essayant de fusionner des expériences de biologie avec les activités des humains de manière à former des arcs dramatiques classiques, le film se délite, comme une tentative de conversation entre deux personnes qui n’ont pas de langue en commun. Silent Friend est le dernier film à avoir fait sa première mondiale en compétition à la Mostra de Venise.

Si les trois fils narratifs qui se succèdent ici suffisent largement à remplir les deux heures et demie que dure le film, une fois terminée l'exposition, après que Silent Friend a progressivement montré ses cartes, ses spéculations scientifiques peu communes ont du mal à résonner. L'idée assez pittoresque autour de laquelle s'articule le film est que le grand arbre qui surplombe le jardin botanique de l'Université de Marbourg est le témoin silencieux de l’activité humaine qui se déploie autour de lui à trois moments distincts de l'histoire : en 1908, en 1972 et en 2020. L’université a été fondée en 1527 et l'arbre planté en 1832, de sorte que le bicentenaire de la plante approche (ce qui ne représente qu’un cinquième de sa durée de vie d'un millier d’années). Les relations entre la flore et les humains mises au premier plan ont beau être fourmillantes, l'"ami silencieux" du titre fait plus l'effet d'une présence détachée qu'Ildikó Enyedi invoque régulièrement (et son traité sur les problèmes de communication entre les organismes ne fait que souligner ce fait), mais sans obtenir l’impact poignant qu’elle recherche.

L'iconique Tony Leung Chiu-Wai incarne, dans le segment qui s'avère de loin le plus intéressant, le professeur Wong (sans doute en référence au plus grand cinéaste avec lequel il ait collaboré, Wong Kar-Wai), en visite à Marbourg pour ses recherches en neurologie et pour donner une série de cours. L'observation qui ressort de ses expériences récentes sur l’activité cérébrale des bébés, dans sa version vulgarisée, est que comme ces derniers utilisent davantage leurs capacités cérébrales que les adultes (qui n'en emploient typiquement de 10 %), leur conscience phénoménologique est telle que techniquement, c'est comme s'ils étaient sous l'effet de psychotropes. Au moment où le confinement rendu nécessaire par la pandémie de covid interrompt ses cours, un TED Talk donné par une botaniste malicieusement nommée  Alice Sauvage (Léa Seydoux) le sensibilise aux correspondances entre les réactions physiques des plantes et celles des humains. L'hypothèse n'a rien à voir avec les idées pseudo-scientifiques sur la "conscience" : elle est que les changements et ajustements subtils à leur environnement qui s'opèrent au fil du temps chez les plantes (le ginkgo étant son grand sujet d'expérimentation) ressemblent aux nôtres et que c'est juste la vitesse de réaction qui est bien moindre.

Ce type d'exploration se retrouve dans les deux autres segments du film. Dans le chapitre initial, la toute première étudiante de sexe féminin à rejoindre l'université (Luna Wedler), en 1908, découvre l’utilité de la photographie, une discipline alors encore balbutiante, pour mesurer le développement des plantes. Dans le deuxième, situé au sommet du radicalisme post-mai 68, un étudiant rebelle (Enzo Brumm) reprend les expériences de la fille dont il est amoureux (Marlene Burow) sur les réactions subtiles de son géranium à différentes conditions environnementales. Les premiers spectateurs du film ont jusqu'ici été charmés par ce sujet s'adressant plus à l'hémisphère gauche du cerveau, ce qu'on voit rarement dans le cinéma d’auteur, mais pour l'auteur de ces lignes, les attentes générées par le récit d'Enyedi quant aux découvertes scientifiques qui vont nous être dévoilées retombent quand vient le dénouement, trop vague et décevant. Cette conclusion semble être une déclaration sur la distance irréductible qui nous séparera toujours des autres êtres vivants qui ne sont pas comme nous dotés d'une conscience, et le résultat involontaire de cela est que le film aussi reste légèrement insaisissable.

Silent Friend est une coproduction entre l’Allemagne, la France, la Hongrie et la Chine qui a réuni les efforts de Pandora Film, Inforg-M&M Film, Galatée Films et Rediance. Les ventes internationales du film sont assurées par Films Boutique

(Traduit de l'anglais)


Galerie de photo 05/09/2025 : Venice 2025 - Silent Friend

29 photos disponibles ici. Faire glisser vers la gauche ou la droite pour toutes les voir.

Ildikó Enyedi, Tony Leung Chiu-wai, Luna Wedler, Enzo Brumm, Sylvester Groth, Léa Seydoux
© 2025 Fabrizio de Gennaro for Cineuropa - fadege.it, @fadege.it © 2025 Isabeau de Gennaro for Cineuropa @iisadege

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