05/09/2025 - VENISE 2025 : Dans son premier long-métrage, Akihiro Hata plonge au cœur d'un chantier dystopique, mêlant sujets sociaux et atmosphère inquiétante

Le premier long-métrage de Akihiro Hata, Grand Ciel [+lire aussi :
interview : Akihiro Hata
fiche film], sélectionné dans la section Orizzonti de la Mostra de Venise, suit le personnage de Vincent (Damien Bonnard), qui travaille dans l'équipe de nuit sur le chantier de construction d'un quartier urbain futuriste censé être un chef-d’œuvre d’ingénierie. Cependant, cette promesse perd vite son éclat, car soudain, un des ouvriers disparaît mystérieusement et Vincent et ses collègues se retrouvent avec une foule de questions et le soupçon qu'on leur a menti pour étouffer l'affaire. Très peu de temps après, un autre employé vient à manquer, et la tension monte en flèche.

L’élément le plus frappant de ce site futuriste, appelé Grand Ciel, est ce que Hata a lui-même décrit, en choisissant soigneusement ses mots, comme "ce béton omniprésent, froid et minéral dont la poussière qui reste dans l'air, comme un brouillard toxique constant, s'insinue dans chaque fissure, menaçant de vous engloutir, tandis que le chantier géant continue de se développer encore et encore, à tout prix". La capacité de transformer ces mots en un objet filmique est sans doute la plus grande réussite de l'auteur de Grand Ciel, qui est autrement, hélas, un film qui fait de son mieux pour courir mais au lieu de ça, tend à boîter de temps en temps en chemin. Toutes les composantes du film sont de très bonne qualité, mais par moments, cette précision technique semble l'emporter sur la profondeur émotionnelle, ce qui crée un décalage subtil, mais perceptible.  

Au-delà de ça, le film est porté par un commentaire social sous-jacent qui fait son petit effet. Les productions (ou coproductions) françaises excellent souvent pour ce qui est d'aborder des questions sociales sans avoir la main lourde, soit ajoutant un peu de comédie, soit en flirtant avec le thriller (comme l'a fait aussi, l'année dernière, l'extraordinaire La nuit se traîne [+lire aussi :
critique
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fiche film]). En l'espèce, si l'œuvre de Hata est aussi attrayante, c'est parce qu’elle mêle une esthétique futuriste (celle du complexe urbain en cours de construction) avec une intrigue très réaliste et des personnages qui disent des dialogues bien écrits et crédibles. Cette interprétation habile du texte par une troupe d'acteurs tous bien choisis pour leurs rôles rehausse la qualité du scénario, écrit par le réalisateur avec Jérémie Dubois.

Cet environnement magistralement conçu, avec l'aide du chef opérateur David Chizallet et des chefs décorateurs Aurore Casalis et Mathieu Buffler, pourrait être vu comme l'exemple parfait de ce qu'il faut imaginer et développer pour un film de ce genre. Grand Ciel fait même quasiment figure de chef-d'œuvre en la matière. Les films en 3D n'ont pas remporté pas tous les suffrages, il y a plus de dix ans, pour toute une série de raisons, mais ici, tout à une dimension fortement tactile : on a l'impression qu'on peut presque toucher les surfaces et les espaces qui apparaissent ici, sentir leur odeur. Et les teintes de bleu et de gris combinées avec le jaune et le blanc des éclairages artificiels utilisés sur le chantier site vont définitivement rester gravées dans l’esprit du public.

Pour un réalisateur à son premier film, il faut reconnaître qu'Akihiro Hata a superbement orchestré ces éléments disparates, même si le sentiment d’ensemble est que le film manque un peu de "cœur" puisqu'il s'adresse avant tout au cerveau, ce qui nous distancie très légèrement de son contenu. Une résonance émotionnelle plus prononcée aurait certainement fait du film un vrai petit bijou filmique.

Grand Ciel a été produit par Good Fortune Films (France) et ​​Les Films Fauves (Luxembourg). Les ventes internationales du film sont assurées par WTFilms.

(Traduit de l'anglais)