VENISE 2025 Semaine internationale de la critique
Critique : 100 Nights of Hero
par David Katz
- VENISE 2025 : Julia Jackman donne vie à un conte de fées féministe opulent où Emma Corrin joue une servante qui aide Maika Monroe à repousser les avances d'un prétendant

Le cinéma britannique semble évoluer sur un spectre qui va du réalisme social au récit en costumes, et si le film de clôture de la Semaine internationale de la critique de Venise, 100 Nights of Hero [+lire aussi :
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fiche film], ne réinvente pas franchement le second de ces genres, il l'aborde sous un angle moderne, en termes de sujet comme d'allure visuelle. La réalisatrice Julia Jackman, qui a choisi de situer l'action de son film presque entièrement dans un domaine baronnial, arrive habilement à façonner un univers alternatif nettement imaginaire où les figures habituelles du genre sont détournées pour formuler un message d’émancipation queer et féministe. Le film, débordant d'humour pince-sans-rire, de couleurs et d'élégance, va amener un peu d'hilarité à la Mostra, les festivals évitant souvent de programmer des comédies, et fera ensuite la même chose au Festival BFI de Londres, dont il assurera la clôture.
Dans ce domaine mystérieux, inspiré d'un roman graphique d’Isabel Greenberg, l’hétéronormativité et le patriarcat prévalent au moyen de règles imposées par une divinité appelée l’Homme Oiseau (Richard E Grant) et ses compères les Frères Bec. Après l'avoir mise sur la sellette autour d’une grande table, comme une malveillante commission d’admission à l’université, les autorités ordonnent à Cherry (Maika Monroe) de concevoir un enfant avec son aristocrate de mari, Jerome (Amir El Masry), dans les cent nuits, sans quoi elle sera exécutée. Comme Jerome s'oppose lui aussi aux lois en place, quoique de façon plus subreptice, compte tenu du fait (très évident mais non déclaré) qu'il est gay, il fait un pari avec son copain Manfred (joué par un Nicholas Galitzine qui pratique très plaisamment l'autodérision) : si ce dernier parvient à séduire Cherry, il lui laissera toutes ses terres.
Si la sexualité de Cherry est ambiguë, sa servante Hero (Emma Corrin) conçoit une méthode pour la protéger, et potentiellement la courtiser. Hero fait partie d’un ordre secret de conteuses-enchanteresses (dans un pays où lire et écrire est interdit) et comme Shéhérazade (à laquelle il est fait allusion à travers la référence aux Mille et Une Nuits du titre), elle raconte des histoires qui hypnotisent physiquement et intellectuellement Manfred, une manœuvre dilatoire qui empêche ce dernier de s'en prendre à Cherry. Hélas, on n'entend et voit qu'un seul récit entier, où la star de l'électro-pop à la mode Charli XCX joue Rosa la curieuse, qui est à la fois un contre-exemple à ne pas suivre et une héroïne dans le folklore local. Pour se rebeller contre le mariage arrangé prévu par son père, et malgré les bonnes intentions de celui-ci, elle devient une des premières auteures d'histoires qui circulent partout dans le pays, presque comme aux temps du samizdat en URSS, et la figure publique que constitue Charli XCX fait encore davantage résonner son personnage de modèle pop féministe à qui on ne la fait pas.
Jackman, bien soutenue par sa cheffe décoratrice Sofia Sacomani, arrive à donner à l'ensemble un ton aussi ludique que bien maîtrisé. La curiosité des deux personnages de gardes (qui évoquent les figures plus comiques qu'intégrait Shakespeare dans ses tragédies pour détendre un peu l'atmosphère) par rapport aux histoires de Hero permet d'atténuer la sensation du péril croissant, donnant au public l’impression d'être dans le secret d’une blague sophistiquée partagée avec les personnages et l'auteure du film. La profondeur de champ choisie par la cheffe opératrice Xenia Patricia, inspirée de La Favorite [+lire aussi :
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fiche film] de Yorgos Lanthimos, offre l'air de rien un cadrage humoristique aux regards noirs que se jettent Cherry et Manfred, qui ont pour parfait contrepoint le comportement impassible de Hero.
100 Nights of Hero peut aussi donner une légère impression de superficialité du fait du nombre de stars britanniques qui y font de courtes apparitions (gonflant la liste des acteurs pour que le film semble de plus grande envergure qu'il ne l'est vraiment) et pour son point de vue politique sympathique, mais pas si provocant que ça. Cela dit, Jackman a incontestement le mérite d'avoir bien su contrôler le ton de son film : elle lui évite ainsi de tomber dans la fantaisie dispersée alors qu'elle travaille avec le genre de matière qui fait souvent du tort aux jeunes réalisateurs. Il est évident que la cinéaste ne va pas s'arrêter là, surtout compte tenu du soutien dont elle a bénéficié jusque-là de la part du monde du cinéma britannique. Peut-être qu'elle aura, la prochaine fois, davantage d’ambition.
100 Nights of Hero est une coproduction entre le Royaume-Uni et les États-Unis qui a réuni les efforts de Erebus Pictures et Project Infinity. Les ventes internationales du film sont gérées par WME Independent.
(Traduit de l'anglais)
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