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TORONTO 2025 Platform

Critique : To the Victory!

par 

- Valentyn Vasyanovych réimagine pour l'Ukraine un futur à la fois morose et courageux

Critique : To the Victory!
Valentin Vasyanovych (à gauche) et Volodymyr Kuznetsov dans To the Victory!

En des temps affreux comme ceux qu’on nous vivons actuellement, oser imaginer un futur fait figure d'un acte de courage, et si la chose est déjà difficile psychologiquement, pour faire un film sur ce qui nous attend, il faut plus qu'un espoir fou, aveugle au reste – d'autant plus que le cinéma est un médium qui est toujours déjà passé, bien quoiqu'un film se conjugue toujours au futur pendant sa réalisation. Le réalisateur ukrainien Valentyn Vasyanovych, dont les deux films précédents – Atlantis [+lire aussi :
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(2019), qui imaginait l'avenir, et Reflection [+lire aussi :
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(2021), qui imaginait le passé – ont fait leur première à Venise, présente son petit dernier, To the Victory! [+lire aussi :
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, au Festival de Toronto, dans la section Platform. Le titre plein d'entrain (ou ironique) du film annonce d'emblée son ambiguïté, et à raison, car elle coïncide aussi avec l'ambivalence de Vasyanovych par rapport à ce qu’on appelle une réalité filmique. Dans ce film, plus que jamais auparavant, le cinéaste mélange vraie réalité et réalisme cinématographique, non seulement en embauchant comme acteurs les membres de son équipe technique, mais également en jouant lui-même le rôle principal, celui d’un réalisateur nommé Valyk qui essaie de tourner un film sur les relations familiales après la guerre.

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"Un an après la guerre", dit un carton dans la scène d’ouverture, où on voit Valyk et son fils Yaroslav (Hryhoriy Naumov) discuter autour de la table du petit-déjeuner jusqu’à ce qu’une voix hurle : "Coupez !". À l’évidence, c’est une scène du film de Valyk. To the Victory! intègre régulièrement des interjections méta-narratives, assez pour déstabiliser le spectateur dans l’idée qu'il se fait de ce qui est "vrai" et de ce qui est "fictionnel" : et après tout, les Ukrainiens vivant à Kiev ne doivent-ils pas inventer leur vie quotidiennement depuis que leur réalité est celle, pleine de violents paradoxes et de mort, qu'on appelle aussi la guerre.

À la radio, ça parle de la crise démographique qui va frapper l’Ukraine après la guerre. On apprend aussi que le film se passe en 2026, et c'est un excellent choix, de la part de l'auteur, de placer ce détail dans un commentaire fait en passant, nous laissant entrevoir que le futur est proche, mais entièrement impossible. Situer To the Victory! dans un an seulement change entièrement le tissu narratif. Comme tous les autres films du réalisateur ukrainien, celui-ci consiste en une série de scènes autonomes, longues et en plan fixe, mais dont le dynamisme sert de contrepoint à l'immobilité de la caméra, de sorte que la forme ne prend jamais le pas sur le contenu. Les scènes sont pourtant très quotidiennes. Elles montrent des moments en famille, des conversations avec les amis, des beuveries chargées d’alcool, et à chaque occasion, on sent peser sur les personnages des mots que nul ne dit à voix haute, mais qui plombent chaque silence. Et dans chaque épisode, derrière le tableau de la vie quotienne, on sent une urgence brûlante. Ceci est-il un futur, ou un post-scriptum ?

Traumatisme de la vie en temps de guerre, distance et précarité peuvent ronger n’importe quelle relation, même solide, et c'est la peur qui s'empare aussi de Valyk. Son désir de faire un film sur les familles qui éclatent après la guerre, alors même que la sienne est en train de se déliter, est peut-être un acte de réparation. Le futur est aussi proche qu'il est impossible à atteindre. Cependant, Vasyanovych arrive à établir une distance émancipatrice par rapport à son film, qui aurait autrement facilement pu s'écrouler, compte tenu de la ligne de séparation mince voire inexistante entre ses comédiens et son équipe. En l'espèce, cette distance ouvre un espace où peuvent s'exprimer plusieurs crises existentielles : celle d’une personne, celle d’une famille, celle d’un pays et celle du cinéma dans son ensemble.

To the Victory! est une coproduction entre l’Ukraine et la Lituanie qui a réuni les efforts d'Arsenal Films et M-Films, en coproduction avec ForeFilms. Les ventes internationales du film ont été confiées à Best Friend Forever.

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(Traduit de l'anglais)

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