FILMS / CRITIQUES France / Belgique
Critique : Rembrandt
par Fabien Lemercier
- Pierre Schoeller délivre un film captivant sur une chercheuse dans le nucléaire saisie par un mystérieux et impérieux chamboulement de sa pensée en lien avec la crise climatique

"Celle que tu es, celle que tu deviens, celle que tu choisis d’être." C’est une trajectoire individuelle comme happée par l’aube d’un jour nouveau dans un monde contemporain à l’avenir gorgé de turbulences imprévisibles dans laquelle s’est plongé Pierre Schoeller avec le passionnant, intriguant et intelligent Rembrandt [+lire aussi :
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"Il y a quelque chose qui débloque, c’est quelqu’un d’autre." Les quadragénaires Yves (Romain Duris) et Claire (Camille Cottin) vivent en osmose depuis plus de 25 ans, dans leur vie privée (ils ont une fille d’une vingtaine d’années interprétée par Celeste Brunnquell) et professionnelle (ils sont ingénieurs dans l’industrie nucléaire). Mais un événement bizarre survient alors qu’ils visitent la salle 22 de la National Gallery de Londres (en marge d’un déplacement à la centrale en construction de Hinckley Point) : Claire est saisie d’une espèce de transe mystique à la vue de trois tableaux de Rembrandt (Vieil homme assis dans un fauteuil, Un homme âgé comme saint Paul, Portrait of Hendrikje Stoffels), y décelant un crime. Un épisode totalement déconcertant et inquiétant pour Yves, d’autant plus que Claire est d’ordinaire une personnalité "sérieuse, précise, solide". Des qualités qu’elle exprime dans son métier de chercheuse au Commissariat à l’Énergie Atomique où elle se lance dans une recherche clandestine sur l’impact potentiel sur le parc nucléaire français (aux horizons 2029, 2060 et 2100) des "extrêmes des extrêmes", des phénomènes climatiques statistiquement improbables (mais qui peuvent néanmoins survenir, comme les vagues scélérates ou le dôme de chaleur à 51° de Lytton, au Canada, en 2021). Mais communiquer le fruit de ses questionnements aura des conséquences et l’existence de Claire prendra un nouveau tournant…
Passionnante et remarquablement informée, Rembrandt est une œuvre rugueuse, ne s’offrant pas clé en main au spectateur, mais le prenant régulièrement à contre-pied en faisant appel aussi bien à la dimension extrasensorielle individuelle qu’à la conscience collective de la crise climatique et énergétique actuellement en gestation avancée. Flirtant avec le fantastique (référence directe à Stanley Kubrick) et porté par une tranchante Camille Cottin (subtilement épaulée par Romain Duris), le film est également magistralement mis en scène dans une ambiance en clair-obscur (Nicolas Loir à la direction de la photographie). Son caractère de miroir civilisationnel sans fard légèrement moralisateur en dérangera sans doute certains qui préfèrent vivre dans le déni, la corruption ou l’optimisme béat, mais pour d’autres qui comme Claire ne peuvent "se satisfaire d’une demi-vie", il sera comme une "lumière qui ne quitte plus la nuit quand on est seul et qu’on ferme les yeux."
Rembrandt a été produit par Trésor Films et coproduit par France 3 Cinéma, Les Productions du Trésor et la société belge Artemis Productions. Playtime pilote les ventes internationales.
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