25/09/2025 - Dans son premier long, Irati Gorostidi mène une enquête fascinante et provocante sur le mouvement alternatif né dans les années 70 dans le contexte de la lutte ouvrière au Pays basque

Aro berria (“nouvelle ère" en français), le premier long-métrage d'Irati Gorostidi, projeté dans la section New Directors du 73e Festival de San Sebastian, est un prolongement, voire une extension, de son court-métrage Contadores (dévoilé à la Semaine de la Critique de Cannes). Le court proposait une reconstitution détaillée, et très intéressante, des assemblées de travailleurs à l'usine de compteurs d'eau de San Sebastian. Le sujet des discussions était la stratégie à adopter pour négocier la convention collective régissant leurs conditions de travail. Le long-métrage plonge encore plus loin dans ce moment historique fondateur pour la classe ouvrière du Guipuscoa, et raconte ce qui s’est passé après, au terme du mouvement.

Gorostidi se concentre sur un groupe concret de travailleurs : ceux qui ont l'ambition d'user des nouvelles conditions de travail qu'ils souhaitent obtenir comme instrument pour transformer la société de manière radicale, depuis la base. Quand, après des semaines de grève et de protestation, une convention collective est signée qui ne les satisfait pas, certains décident de démissionner et de partir à la montagne. Là, ils vont fonder une communauté qui leur servira de base pour bâtir une société plus juste, libre et égalitaire. Si ce que le film raconte tient beaucoup de la reconstitution historique, c'est que la réalisatrice a passé des années à enquêter sur ce sujet, au centre de plusieurs de ses travaux antérieurs. Son intérêt pour la question vient aussi du fait que ses parents ont fait partie d'une communauté alternative, peu avant sa naissance.

Au fait que Gorostidi maîtrise parfaitement son sujet s'ajoutent le brio et l'audace avec lesquels elle a construit l'objet cinématographique à travers lequel elle raconte cette histoire. Bien soutenue par un magnifique groupe d’acteurs et d’actrices peuplé de visages peu connus, et par des décors et des costumes qui recréent extrêmement fidèlement l'époque évoquée, Aro berria parvient à nous transporter dans une époque et un lieu fascinants. Le voyage dans le temps soulève beaucoup de questions dont les résonances actuelles sont retentissantes. La précarité des conditions de travail et l’exploitation abusive de la classe ouvrière continuent d’être des problèmes très présents. L’exploration spirituelle, en empruntant des voies alternatives à ce que propose la tradition occidentale, ainsi que les modèles de cohabitation qui défient la structure familiale conventionnelle, sont également des réalités de plus en plus vivantes et répandues. Peut-être le moment qu'explore Aro berria a-t-il été une sorte d’expérience séminale qui continue de faire des émules aujourd'hui. Quoiqu'il en soit, l’exercice consistant à se retourner vers le passé pour analyser les motivations de ce groupe d'hommes et de femmes est extrêmement intéressant.

Dans cette reconstitution de faits aussi galvanisants que curieusement peu connus, ce qui est particulièrement hallucinant est la manière dont sont ici recréées les dynamiques de transe émotionnel, psychologique et sexuelle où les personnages s'immergent. On ne peut que saluer l’admirable niveau d’engagement et le courage de toute la troupe, et applaudir l’honnêteté et l’élégance avec laquelle Gorostidi, bien assistée par son chef opérateur Ion de Sosa, dépeint ces moments absolument indescriptibles et fascinants à observer.

Aro berria a été produit par Apellániz y Sosa et Sr. y Sra. Producciones.

(Traduit de l'espagnol)