SAN SEBASTIAN 2025 Hors-compétition
Critique série : Anatomía de un instante
par Alfonso Rivera
- Alberto Rodriguez nous rappelle combien il a été difficile de laisser grandir sainement la jeune démocratie espagnole à travers trois figures clefs de l'époque, témoins directs du coup d'État de 1981
Anatomie d'un instant est le titre d'un excellent livre de Javier Cercas qui, à partir de la tentative de coup d’État survenue en Espagne le 23 février 1981, retrace le parcours de trois personnalités qui joué un rôle clef pendant ces années d'énorme tension politique et des figures qui ont orchestré cet attentat contre la démocratie espagnole, encore balbutiante. Le Sévillan Alberto Rodríguez en a tiré une série, Anatomía de un instante, qu'il présente actuellement hors compétition au 73e Festival de San Sebastian (ainsi que le long-métrage Los Tigres [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film]), et qui reprend non seulement le titre du livre, mais adopte également une structure similaire.
Cette série originale Movistar Plus+ témoigne de nouveau (après La Peste [+lire aussi :
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fiche série], également réalisée par Rodríguez, Antidisturbios [+lire aussi :
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fiche série] ou encore La Mesías [+lire aussi :
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bande-annonce
fiche série]) de la puissance de la plateforme espagnole en matière de production : elle n’a pas lésiné sur les moyens pour recréer l'époque et transformer les acteurs (par le miracle du maquillage et des coiffures – félicitations à Yolanda Piña pour ce travail !) en véritables clones des personnages réels. Ainsi, un Alvaro Morte bien rasé, méconnaissable, livre la meilleure interprétation de sa carrière, imitant à merveille le sourire de jeune premier du président Adolfo Suarez, tandis qu'Eduard Fernández (dernier lauréat en date du Goya du meilleur acteur), cigarette à la main, scanne le monde et ses habitants à travers ses lunettes avec la même perspicacité que le dirigeant communiste Santiago Carrillo et qu'un formidable Manolo Solo (figure centrale du meilleur épisode des quatre qui composent cette série) s'immerge dans l’âme et le cœur tiraillés du capitaine général (et vice-président) Manuel Gutiérrez Mellado.
À ces trois figures s’ajoutent un Miki Esparbé qui copie parfaitement la voix légèrement nasillarde du roi Juan Carlos I et un David Lorente qui arbore une énorme moustache, un tricorne et un pistolet dans le rôle du responsable du coup d'État, Antonio Tejero, soutenu par les militaires Jaime Milans del Bosch (interprété par Oscar de la Fuente) et Alfonso Armada (Juanma Navas) pour prendre d'assaut au son des balles le palais de Las cortes (chambre des députés).
La série, scénarisée par Rafael Cobos (le frère artistique du réalisateur), Fran Araújo et Rodríguez, s’ouvre sur la reconstitution de ce coup d’État maudit de 1981 et se ferme sur le procès de ses auteurs. Entre les deux se déploie, à un rythme frénétique porté par une mise en scène efficace et minutieuse, tout un réseau de manigances, conspirations et de conversations visant à étouffer dans l'œuf la jeune démocratie espagnole, sans lui laisser le temps de grandir avec toutes les garanties qu'un tel régime exige.
La série devient ainsi un thriller chargé de tension où ce qui est menacé d’extermination n’est autre que la liberté enfin obtenue par les Espagnols. Un moment crucial de l’histoire d’un pays qui n'avait jusque-là jamais été raconté avec autant de cran, d’énergie et de clairvoyance, en montrant combien il a été difficile (et il reste quelques mesures à prendre pour parachever cette transition) de faire cohabiter les idées progressistes d'une part, et de l'autre les privilèges des fidèles à Franco, qui a opprimé l’Espagne pendant des décennies en imposant une dictature dont il a été très difficile de sortir pour de bon, comme le montre dans le détail cette fiction conçue à partir des faits.
La série Anatomía de un instante a été produite par Movistar Plus+ (qui la lancera officiellement le 20 novembre) et DLO Producciones en association avec ARTE France. Ses ventes internationales sont assurées par Movistar Plus+ International.
(Traduit de l'espagnol)
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