Critique : Easy Girl
par Birgit Heidsiek
- Dans ce film dramatique, Hille Norden s'enfonce dans les profondeurs de la vie émotionnelle d'une jeune femme qui essaie de chasser les souvenirs de son passé à travers une vie d'excès

Easy Girl [+lire aussi :
interview : Hille Norden
fiche film] est le premier long-métrage de fiction de la réalisatrice et actrice allemande Hille Norden. Le scénario du film, écrit par elle, a été semi-finaliste pour le Prix allemand du scénario en 2022. Ce film dramatique qui traite de liberté, d’amitié et de vulnérabilité féminine a fait sa première mondiale au Filmfest Hamburg.
Nore (Dana Herfurth) et Jonna (Luna Jordan) sont deux célibataires dans leur vingtaine qui se retrouvent dans un bar branché. Jonna est fascinée par Nore, sûre d’elle, pétillante, qui aime porter pour sortir des tenues sexy et colorées qu’elle a cousues elle-même. Elle se souvient de leurs années d’école ensemble, pendant lesquelles Nore avait déjà la réputation d'être une femme fatale précoce. Aujourd'hui encore, Nore continue de se jeter tête baissée dans une vie de plaisirs. Quand elle emménage chez Jonna, elle amène avec elle son mode de vie débridé, fait d'alcool, de cigarettes et d'un flot continu d’hommes qu’elles se partagent comme deux sœurs. Jonna sent néanmoins que son amie ne va pas si bien, au milieu de ce cycle sans fin d’alcool et de sexe, et qu’elle risque de sombrer davantage dans l’abîme. Elle se met donc à chercher les raisons du mal-être qu'elle perçoit, et c'est ainsi que les deux amies vont s'enfoncer de plus en plus loin dans l’enfance vulnérable et traumatisée de Nore.
Le premier acte du film fait donc figure de virée festive effrénée, mais on évolue au fil du récit vers une exploration douloureuse du passé de Nore, qui a été victime d’agressions sexuelles quand elle était petite. Les abus et la violence endurés pendant son jeune âge jetant une ombre terrible sur son âme, c'est la douleur qu'elle cherche à vaincre à travers le sexe, en utilisant ses amants comme des objets. Le film revisite le thème central de Lolita de Vladimir Nabokov, qui fit scandale à sa parution, mais qui est aussi devenu une pièce maîtresse de la littérature mondiale et a donné lieu à une adaptation pour l'écran par Adrian Lyne. Le film d’Hille Norden, porté par deux personnages féminins principaux, établit très clairement qu'avoir des relations sexuelles avec une enfant, aussi séductrice que sa conduite puisse paraître, outrepasse les limites et constitue un abus sexuel sur mineure.
Easy Girl est tout sauf un drame linéaire en trois actes avec des rebondissements et un dénouement rédempteur. Au contraire, le film saute sans cesse d’un niveau à l’autre, entremêlant présent et passé, événements réels et univers intérieurs. Les échanges entre les deux amies deviennent ainsi une forme de thérapie par la parole et un moyen de faire face au traumatisme.
Ce film qui parle de liberté et de sexualité féminine captive par sa puissance visuelle, le travail à la caméra, les éclairages, les costumes et les décors offrant une expérience riche. Par ailleurs, les deux actrices principales, Herfurth (de la série Call My Agent: Berlin) et Jordan (de la série Euphoria), sont tout à fait convaincantes et crédibles.
Easy Girl a été produit par Leitwolf Filmproduktion (Hambourg) et Kinescope Film (Brême) avec ZDF/Das Kleine Fernsehspiel. Les ventes internationales du film ont été confiées à Reason8.
(Traduit de l'anglais)
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