Critique : 40 secondi
par Vittoria Scarpa
- À partir de l'ouvrage de la chroniqueuse Federica Angeli sur l'homicide de Willy Monteiro Duarte, Vincenzo Alfieri retrace de manière vivante et cohérente les heures qui ont précédé la tragédie

L’été du Covid, dans une petite ville aux portes de Rome, deux groupes de jeunes de vingt ans s'affrontent, dans une explosion de violence sans raisons. Dans la nuit du 5 au 6 septembre 2020, à Colleferro, un garçon d’origine cap-verdienne, Willy Monteiro Duarte, perd la vie devant une discothèque. Il est passé à tabac et laissé inerte sur le trottoir pour avoir défendu un ami lors d’une banale dispute entre jeunes. Ceux qui s'acharnent sur lui sont deux frères jumeaux, tous deux combattants de MMA. Le tout aura duré à peine 40 secondes. Pendant des semaines, ces faits bouleversants vont remplir les pages des journaux, occuper des heures d’émissions télévisées, mobiliser toutes sortes d'experts. Tous se demandent comment il est possible que des motifs aussi futiles déchaînent une telle férocité. Il n’y a pas de vraie réponse, mais dans son nouveau film, 40 secondi, présenté à la 20e Fête du cinéma de Rome, Vincenzo Alfieri (Il corpo [+lire aussi :
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Le film, coécrit par le réalisateur avec Giuseppe G. Stasi (auteur de la série encensée The Bad Guy [+lire aussi :
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Les quatre récits commencent le matin et finissent par converger, à trois heures du matin, dans le même lieu maudit : l'esplanade située devant la discothèque où, pour un compliment maladroit adressé à Michelle, les esprits vont s’échauffer rapidement. La situation aurait pu en rester là, mais l’arrivée des deux jumeaux et leur intervention brutale, disproportionnée, vont laisser Willy à terre. Au-delà de la reconstitution du fait divers, le film, bien construit dans toutes ses parties, est le portrait d’une jeunesse en colère, sans morale, dans une province où règne l’ennui. La troupe, qui réunit des acteurs professionnels (parmi lesquels on peut aussi citer Francesco Di Leva, Sergio Rubini et Maurizio Lombardi) et des non professionnels repérés dans la rue, correspond parfaitement au récit. Le langage des jeunes de cette zone et leurs comportements ont été minutieusement étudiés par le réalisateur au cours de mois d’entretiens sur le terrain, et ça se voit. Un bon spécimen de cinéma d'intérêt civique qui fait office d’avertissement et qui, comme ça a été le cas l’an dernier avec Il ragazzo dai pantaloni rosa [+lire aussi :
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40 secondi a été produit par Eagle Pictures, qui le lancera dans les salles italiennes le 19 novembre.
(Traduit de l'italien)
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