Critique : Leila
- Alessandro Abba Legnazzi reconstitue une séparation observée selon le point de vue de ceux qui l'ont subie : le réalisateur lui-même et sa fille

Dans Leila, projeté dans la section Panorama Italia d'Alice nella Città pendant la Fête du cinéma de Rome, Alessandro Abba Legnazzi tente, avec la participation de Clementina Abba Legnazzi et Giada Vincenzi, une petite expérience sensible d'ordre documentaire, mais avec des séquences mises en scène, qui cherche à recoller les morceaux d’une blessure familiale à travers le prisme d’une imagination partagée.
Le récit s’articule autour de Clementina, neuf ans, qui retourne avec son père, Alessandro, dans la maison de montagne où la famille passait autrefois ses vacances. C’est un lieu symbolique, chargé d’absences : c’est là que, quelques années plus tôt, Clementina s’est réveillée pour constater que sa mère repartait déjà, un sac à dos sur les épaules, sans donner de vraie explication. À la question qu'elle lui pose, "Pourquoi ?", le père choisit de ne pas dire la vérité telle quelle, brute. Au lieu de ça, il invoque un univers fantaisiste où père et fille deviennent Leila et Tonio, deux aviateurs excentriques lancés dans une mission imaginaire pour retrouver la mère.
Ainsi, le film propose la reconstitution d’une séparation observée du point de vue de ceux qui l’ont vécue, mais aussi un exercice de gestion du chagrin à travers la mise en récit. Ce qui rend le projet si singulier, c’est qu’Alessandro et Clementina n'incarnent pas des personnages de fiction (ils sont réellement père et fille), et que leur jeu devient un outil permettant de combler un vide émotionnel toujours présent.
Leila, tourné dans des tons désaturés entre les blancs paysages montagneux et l'intérieur de la maison, construit un discours visuel en adéquation avec sa nature intime. Le montage discret et respectueux d’Enrico Giovannone accompagne ce dialogue entre réalité et invention, laissant de l’espace aux silences, aux gestes du quotidien et aux conversations entre le père et la fille.
Le résultat a toutefois ses limites. Par moments, le film paraît trop apollinien et maîtrisé, comme si la mise en scène servait à tempérer l’émotion plutôt qu'à l’explorer pleinement. La peine causée par la séparation, notamment dans ses phases les plus aiguës, semble déjà surmontée, ou du moins tenue à distance, ce qui amoindrit une partie de l'impact émotionnel qu'aurait pu avoir le film. Les conversations, certes sincères et affectueuses, en disent toutefois peu sur le conflit originel, et les quelques flashbacks ne suffisent pas à bien rendre la complexité du traumatisme familial.
Ceci étant dit, Leila a une grâce qui lui est propre, un ton très doux qui procède de la simplicité et de l'honnêteté de l’approche choisie. Le film trouve sa raison d’être dans l'idée de montrer que l’imagination peut contribuer à la guérison, constituer une passerelle entre deux générations qui apprennent à redéfinir leurs espaces et leurs rôles. En ce sens, la dimension ludique n’est pas tant une fuite hors du réel qu’une façon de se le réapproprier.
Leila ne voyagera sans doute pas énormément au-delà des événements tournés vers la jeunesse, comme Alice nella Città : son langage s’ancre dans une forme d’intimité extrême qui ne dépasse peut-être pas les frontières du récit personnel, mais c'est dans ce choix mesuré que réside sa pureté : celle d’un petit film sincère et lucide qui parvient, à sa manière, à parler de douleur et de renaissance avec modestie et délicatesse.
Leila a été produit par la société italienne Start.
(Traduit de l'anglais)
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