Critique : Feels Like Home
par Olivia Popp
- Gábor Holtai se lance dans le long-métrage avec un thriller bien exécuté, mâtiné de drame de chambre

Le Hongrois Gábor Holtai se lance dans le long-métrage avec Feels Like Home, un thriller mâtiné de huis clos articulé autour d'un kidnapping qui a récemment fait sa première mondiale dans la section Noves Visions du Festival de Sitges, où il a remporté le Méliès d’argent du meilleur long-métrage fantastique (lire l'article) décerné par un jury issu de la Méliès International Festivals Federation. Il est a présent au programme du Festival de Thessalonique.
Feels Like Home, écrit par Holtai avec Attila Veres, nous plonge d’entrée de jeu dans son univers en nous donnant à connaître la vie de Rita (Rozi Lovas), au chômage depuis peu. Soudain, elle se fait enlever et ses ravisseurs lui disent qu’elle s’appelle en réalité Szilvi Árpád. Elle découvre vite que les autres “membres de la famille”, dont un enfant, sont tous des solitaires qui ont été kidnappés, comme elle, et qu'on force à jouer un rôle sous les ordres de Papa (Tibor Szervét), qui laisse tout le sale boulot au nouveau frère de Rita, Marci (Áron Molnár).
Le film, plus proche du thriller que de l’horreur, suit les efforts de Rita pour s’échapper coûte que coûte. Ses tentatives sont toutefois contrées par Papa ou entravées par l’empathie qu’elle ressent par rapport à ses "frères et sœurs"/codétenus, ainsi que par la lente métamorphose qui fait qu'elle devient peu à peu vraiment Szilvi. Au moyen de procédés comme la pose d’une caméra en plongée extrême au-dessus de différentes pièces, la photographie de Dániel Szőke instille un sentiment d’enfermement total dans l’environnement qui est celui de Rita, inscrivant chaque espace dans l'ensemble avec un grand sens du détail. Le jeu de Lovas est rehaussé par des gros plans qui saisissent sur son visage la moindre angoisse existentielle, le moindre tressaillement, ce qui amène le spectateur à s'interroger sur le prochain stratagème auquel elle va tenter de recourir avant même qu'elle n'ait dit un mot, une opération qui s'avère assez jubilatoire.
Du fait de l’évolution des allégeances et des désirs des personnages, le film ne tourne jamais en boucle, même si son grand point de bascule (qui survient au bout d’une heure et quinze minutes environ) aurait pu arriver un peu plus tôt. Quoiqu'il en soit, les 45 dernières minutes du film sont un régal, à mesure que la capacité d’action de Rita (ou peut-être devrait-on dire Szilvi) s’affirme, que ses objectifs évoluent et que ses liens avec les autres membres de la famille se resserrent et se relâchent. Ainsi, Feels Like Home esquive bien l'écueil typique des films de genre avec des angles similaires, tournés dans un seul lieu, à savoir que les personnages sont souvent trop peu développés et que ces films tendent à répéter les mêmes motifs narratifs.
Au lieu de cela, le scénario de Holtai et Veres déroule tout à fait habilement les motifs de l'inquiétante prémisse, qui repose sur une vision légèrement distendue du réel où l’indifférence des témoins et la complicité des participants sont poussées à l’extrême. Quand Rita/Szilvi est autorisée à sortir de la maison pour la première fois, elle découvre combien les voisins sourient et opinent du chef sans réagir, bien qu'ils sachent pertinemment ce que trame Papa. Sous ses airs apparemment inoffensifs de “film fantastique”, Feels Like Home parvient ainsi à poser une question très pertinente : même en sachant que ce que vous avez sous les yeux est abject, jusqu’à quel point êtes-vous prêt à détourner le regard, si cela garantit que vous resterez sain et sauf ?
Feels Like Home a été produit par la société hongroise CineSuper. Les ventes internationales du film sont assurées par Celluloid Dreams.
(Traduit de l'anglais)
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