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ARRAS 2025

Critique : N121 – Bus de nuit

par 

- Morade Aïssaoui signe un premier long métrage hyper intense, mêlant cinéma de genre et puzzle de sociologie contemporaine, en huis-clos au cœur d’un bus où tout part en vrille

Critique : N121 – Bus de nuit
Gaspard Gevin-Hié, Riadh Belaïche et Bakary Diombera dans N121 – Bus de nuit

"Si vous êtes réunis dans ce bus, c’est un signe du destin." La rencontre ou la confrontation entre l’individu et le collectif est une question faisant beaucoup débat actuellement dans des sociétés démocratiques où les désirs antagonistes, les clivages et les tensions se multiplient, pour de bonnes ou de mauvaises raisons. C’est ce sujet porté à pleine ébullition qu’aborde N121 – Bus de nuit, le prometteur premier long métrage de Morade Aïssaoui, projeté dans la section Perspectives du cinéma français du 26e Arras Film Festival.

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Mais comme le cinéaste n’avait nulle envie de barber son public avec un déroulé sociologique pontifiant, il a choisi le véhicule du cinéma de genre et d’une spirale envenimée de turbulences amenant ses personnages principaux dos au mur dans un climat dévoilant à la fois tous les poisons cachés gangrenant le quotidien des classes populaires (incivilité, égoïsme, racisme, xénophobie, quête d’un bouc-émissaire, envie, colère intériorisée prête à exploser, etc.) et les ressources inattendues de la solidarité.

L’amitié et la vie dans la même cité de banlieue parisienne lient depuis l’enfance les jeunes Aïssa (Riadh Belaïche) en bonne voie vers une carrière de footballeur professionnel, Oscar (Bakary Diombera) qui baby-sitte un père alcoolique et hargneux depuis le décès de sa mère, et Simon (Gaspard Gevin-Hié) dont le frère est en prison. De sortie dans la capitale pour faire la fête, le trio passe une très bonne soirée (même s’ils sont recalés à l’entrée d’une boite de nuit) sur le pont des Arts et prend le bus de nuit 121 pour rentrer. Mais là, tout déraille très vite à partir d’une petite embrouille provoquée par un passager impoli. Le ton monte, le moqueur Oscar s’interpose, des insultes jaillissent, ("commencez par dire à ce sauv ge d’arrêter de m’agresser") suivies de bousculades. Le chauffeur envoie un appel de détresse et une arme surgit, entrainant une tentative d’intervention de la police et un coup de feu qui ne fait qu’empirer les choses. Prenant le contrôle du bus, nos trois amis paniqués ("ça va très mal finir cette histoire", "Ils nous prennent pour des terroristes", "personne ne va nous croire") foncent dans la nuit avec quelques autres passagers et la police à leurs trousses…

"On veut juste descendre du bus." Montant graduellement le niveau ambiant de stress au fur et à mesure de l’errance du bus en fuite, le réalisateur joue avec beaucoup de naturel sur les interactions entre les passagers, chacun révélant progressivement les nœuds et les souffrances intériorisés de sa personnalité. Un puzzle humain en huis clos roulant qui dessine une société cosmopolite à fleur de peau dont la désunion et la méfiance aigues évoluent au fil de péripéties haletantes (comme en temps réel) avant que ne s’opère une prise de conscience collective ("il n’y a pas d’eux, il n’y a pas de nous : on est tous dans la même galère, on est ensemble") alors que le danger s’accroit. Une rugueuse parabole de fracture et de réconciliation sociale à 200 à l’heure et dans la douleur que Morade Aïssaoui emballe dans une musique très présente signée Paul Sabin et qui tranche agréablement (et avec du punch) avec les sujets habituels des premiers longs français, comme un héritier moderne (toutes proportions gardées) de La Haine de Mathieu Kassovitz et de The We and The I [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
de Michel Gondry. Un cinéaste d’action non dénué de réflexion dont on suivra avec curiosité la suite de la carrière pour voir quel virage il prendra.

N121 – Bus de nuit a été produit par Ripley Films et Cheyenne Federation, et coproduit par Wild Bunch (qui distribuera le film dans les salles françaises le 4 février prochain) et Umedia. WTFilms pilote les ventes internationales.

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