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ARRAS 2025

Critique : Solitary

par 

- Eamonn Murphy dissèque avec une simplicité tranchante et un suspense habilement épicé de paranoïa, les angoisses inexprimées d’un fermier veuf vivant dans l’isolement

Critique : Solitary
Gerry Herbert et Cate Russell dans Solitary

"Stressé ? – Parfois – Le sommeil ? - Peu". La vieillesse, avec son cortège de décès parmi les proches, d’éloignement inévitable des générations suivantes qui vivent leurs vies, de ralentissement physique et de rétrécissement de la vie sociale, n’est pas un champ de roses, la perception de sa propre vulnérabilité pouvant effriter les armures mentales les plus solides. Mais elle peut prendre des proportions encore plus perturbantes quand des menaces rôdent. Tel est le sujet, ambiancé dans la campagne profonde de la province du Leinster, de Solitary, le premier long métrage d’Eamonn Murphy, couronné meilleur film indépendant irlandais à Galway et projeté en première internationale en compétition au 26e Arras Film Festival.

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"On n’a pas besoin de parler, tu sais. On peut juste rester assis en silence si tu préfères". Brendan (Gerry Herbert) est un homme de très peu de mots. Veuf depuis cinq années, le fermier est enchaîné à la routine des jours, de la gestion de ses vaches laitières à de petites échappées en ville pour les courses, la messe dominicale, un petit tour au pub désert, ou pour rendre service à sa vieille amie Peg (Frances Blackburn). Mais il ne se plaint pas, gardant son lourd chagrin pour lui et supportant stoïquement la solitude avec ses repas en solo, sa radio dans la cuisine, son chien Boots et le tic-tac incessant de l’horloge. Bien qu’entouré par son aimante fille Siobhán (Cate Russell) qui veut s’établir à Dublin et qui propose en vain à son père de venir habiter chez elle, par Shane (Cailum Carragher) qui vient bientôt l’aider pendant les journées de travail à la ferme, et par le policier William (Emmet Kelly) qui veille de loin sur lui, Brendan est profondément seul.

Et la nuit, c’est encore autre chose car au cœur des Midlands, dans le comté de Laois, il n’y nulle âme qui vive aux alentours de son domicile et le moindre bruit (le vrombissement d’un moteur, des sons de pas, un inconnu à la porte – à qui Brendan n’ouvre pas - demandant une roue de secours, etc.) le réveille, inquiet et en alerte. Un état d’hypervigilance qui va s’exacerber quand on cambriole un jour sa maison en son absence et encore davantage quand il est ensuite témoin d’une violente agression au pub (son vieil ami le barman y laissera sa vie) par trois voleurs qui disparaissent en le menaçant d’éventuelles représailles ("je connais ton visage"). Progressivement, Brendan se barricade, prenant l’habitude de déambuler dans sa maison la nuit, un marteau à la main…

Filmé en plans fixes privilégiant l’expressivité des traits (mention spéciale à l’acteur principal dont le charisme minéral emplit à merveille l’écran) à l’agitation des dialogues, Solitary est un film très simple, réaliste et émouvant sur les cicatrices du passage du temps, l’entêtement compréhensible mais périlleux de l’autonomie à tout prix, et la difficulté à communiquer son malaise intérieur, y compris à ses proches. Flotte un parfum tragique de fin d’existence en approche et de quotidien asséché à l’extrême que le réalisateur explore dans ses nuances les plus fines en réussissant à lui donner un souffle de tension en injectant habilement des éléments de cinéma de genre (délinquance et enquête policière, ambiance nocturne oppressante parfois à la lisière du film d’horreur) bien orchestrés par la musique de Jonathan Casey. Un ensemble qui fait de ce film autoproduit avec très peu de moyens un bel exemple de l’art cinématographique consistant à en exprimer beaucoup avec peu.

Solitary a été produit par Prophecy.

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