Critique : No Comment
- Petter Næss compose une comédie dramatique politique divertissante, dont les thèmes principaux résonneront sans doute bien au-delà des frontières de la Norvège

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fiche film], le Norvégien Petter Næss revient à la satire politique, armé d’un sens aigu du timing et d’une fine compréhension de la manière dont les démocraties contemporaines communiquent, manipulent et finissent par s’auto-consument. Le film, déjà sorti dans les salles norvégiennes le 22 août, figure cette année parmi les titres en compétition officielle au Festival Black Nights de Tallinn. Ce qui est intéressant, c'est que No Comment se positionne comme une audacieuse satire politique mâtinée de comédie dramatique, c'est-à-dire qui allie au commentaire acéré un ton léger et accessible. Le résultat est une histoire à la fois très norvégienne et indéniablement universelle.
La prémisse est simple mais porteuse : la Première Ministre Alma Solvik (Laila Goody) se retrouve engloutie par un scandale en pleine campagne électorale. Son mari, Sondre (Torbjørn Aamodt), s’est fait épingler pour des opérations boursières douteuses qui semblent reposer sur des informations d'initiés glanées auprès du gouvernement d’Alma. Alors que la presse est à l'affût et que l’opposition se prépare à sauter sur l'occasion, Alma et sa conseillère en communication Karianne (une Pia Tjelta à laquelle il ne vaut mieux pas se piquer, totalement délicieuse), calculatrice en diable, s’empressent d’improviser une stratégie de gestion de crise. Leur solution est abrupte et impitoyable : tout mettre sur le dos de Sondre et passer à autre chose, une approche cristallisée dans le mantra “Sondre est le coupable.”
Næss et le scénariste Ståle Stein Berg ancrent ingénieusement leur récit dans un présent non spécifié mais reconnaissable, et obtiennent ce faisant un juste équilibre entre source d'inspiration réelle et distanciation fictionnelle. Les deux principales forces politiques à l'œuvre ici sont réduites à des étiquettes génériques, les "Jaunes" et les "Bleus", un procédé qui dégage le film de toute spécificité locale et rend la satire valable bien au-delà des frontières norvégiennes. Les spectateurs des quatre coins du monde trouveront forcément dans cette histoire des échos du comportement de leur propre classe politique : jeux de pouvoir dans les arrière-salles, éminences grises tirant les ficelles, équipes de communication de plus en plus tentaculaires entièrement dédiées à remodeler la réalité, le tout face à un électorat à la fois enthousiaste, anxieux et naïf.
À cet égard, No Comment s'avère assez contondant. Le film dissèque non seulement les mécanismes de la communication politique, mais aussi l’écosystème qui soutient cela : la crédulité du public, l’opportunisme de l’opposition et, surtout, un paysage médiatique de plus en plus accro aux scandales, aux ragots et aux demi-vérités graveleuses.
Les interprétations des acteurs portent efficacement ce mélange de cynisme et d’humour. Goody fait d’Alma une femme qui tente de rester Première Ministre à la fois à la tête du pays et chez elle, mais dont la contenance se fissure juste assez pour trahir l’absurdité de la situation. Tjelta (après une autre prestation pointue et abrasive cette année dans Don’t Call Me Mama [+lire aussi :
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fiche film], présenté à Karlovy Vary) excelle dans le rôle de Karianne, une stratège dont l’efficacité glaciale frise la cruauté comique.
Sur le plan formel, Næss opte pour une mise en scène simple et immédiate, privilégiant des cadrages directs et un langage visuel épuré. L’exécution se rapproche parfois un peu trop de l’esthétique télévisuelle, mais le film compense par un tempo soutenu et un scénario qui maintient un rythme soutenu. Au niveau technique, Gaute Gunnari à la photographie, Sunniva Rostad aux décors et Perry Eriksen au montage, livrent un travail compétent et fonctionnel qui soutient le récit sans attirer inutilement l’attention.
En résumé, No Comment s'impose comme une dramédie politique divertissante et bien calibrée qui observe le spectacle de la démocratie avec lucidité, ironie et une pointe d’exaspération. Le film ne réinvente pas le genre, mais propose un instantané pertinent de la politique comme théâtre, des médias comme accélérateur, et des électeurs à la fois comme spectateurs et complices.
No Comment a été produit par Maipo Film (Oslo). Les ventes internationales du film sont assurées par TrustNordisk.
(Traduit de l'anglais)
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