Critique : Así chegou a noite
par Alfonso Rivera
- Angel Santos signe un film existentiel au rythme mesuré qui revendique le silence, le monde naturel et l'art de disparaître en ces temps hyperconnectés de surproduction et de surstimulation

Así chegou a noite, projeté en première mondiale la semaine dernière dans le cadre de la Competición Albar du 63e Festival international du film de Gijón/Xixón (où il a remporté le prix de la mise en scène – lire l'article), marque le retour d’Angel Santos au long-métrage, dix ans après. Le film, entièrement tourné en Galice, sa terre natale, en galicien et en castillan, est une œuvre dialoguée (qui sait aussi ménager de grands silences), modeste et intimiste, au caractère indépendant et existentiel affirmé, qui flirte avec la philosophie.
Así chegou a noite, interprété par Denís Gómez et Violeta Gil (déjà dans les rôles principaux du court-métrage Así vendrá la noche, 2021), un film qui coïncide, dans son désir d’élargir le champ de bataille, avec un autre titre espagnol en lice au même festival, A la cara [+lire aussi :
critique
fiche film] de Javier Marco, suit Pablo tandis qu'il installe son atelier de sculpture dans une zone rurale isolée du littoral où il s’est retranché, coupant tout contact avec ses amis et sa famille. Quand son ancienne amoureuse, Andrea, rentre du Canada et vient à sa rencontre, cela éveille en lui le besoin de fuir de nouveau.
Cette fiction au rythme tranquille, proche du documentaire contemplatif, rejoint l’œuvre précédente du cinéaste originaire de Pontevedra par sa passion pour les paysages filmés (auxquels il consacre des plans longs et larges) et son intérêt marqué pour les espaces (une usine, l’atelier, une cabane…) où évoluent les personnages (qui ne sont que trois : le couple principal plus un responsable de camping incarné par Miquel Insúa), habités par un certain romantisme existentialiste.
Pablo, qui ne répond ni au téléphone, ni aux e-mails, est un personnage qui vit dans les marges, un homme qui a volontairement décidé de s’éloigner de tout et de tous, sans que les raisons de sa décision ne nous soient expliquées. Un héros aussi solitaire n’est pas chose courante dans le cinéma actuel, ni dans notre société, où l’interconnexion, le consumérisme et la productivité sont les leitmotivs qui guident nos vies chargées de stress.
Et c’est cela qui rend fascinant cet homme tranquille, dévoué à sa vocation (la céramique), qui parle très peu et ne transmet pas ce qu’il pense, ce qui provoque le chaos et la confusion chez ses proches, toujours en train d’interroger les causes de ce caractère réservé et hermétique d'anachorète. C'est un être qui fait l'effet d'avoir voyagé dans le temps depuis un siècle lointain, car il aime et recherche la solitude, la paix et le silence, ces dons de la Nature que notre époque de cris et de fureur semble dénigrer.
Ainsi, à partir de ces éléments, le film (signé par un admirateur déclaré de Rivette, Bergman ou encore Antonioni, et ça se sent) se déploie, sans hâte ni excès, inexorablement, vers une seconde partie où l’absence s’empare du récit et où la caméra se concentre sur le personnage féminin central, une femme qui finira peut-être elle aussi par choisir la solitude, la paix et la beauté apaisantes de la côte galicienne.
Así chegou a noite a été produit par Maruxiña Film Co., Amateurfilms et Matriuska Producciones.
(Traduit de l'espagnol)
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