BLACK NIGHTS 2025 Compétition Premiers Films
Critique : My First Love
par Mariana Hristova
- Le premier long très personnel de Mari Storstein interroge l'ouverture d'esprit des gens qui se disent ouverts tout en condamnant avec ironie la désexualisation des personnes handicapées

My First Love de la réalisatrice débutante Mari Storstein, inspiré de sa vie et fondé sur les recherches effectuées par elle pour le documentaire Letter to Jens (2011), qui démontrait à quel point la commune norvégienne où l’on réside détermine la vie qu’on peut mener, raconte l’histoire d’une jeune fille en fauteuil roulant, au seuil de l’âge adulte, qui réussit à se bâtir une vie sociale et amoureuse jusqu’à ce que les dispositifs d’assistance censés lui faciliter la vie se mettent soudain à lui barrer la route. Nombre de films qui abordent le sujet du handicap soulignent la stigmatisation dont sont victimes les personnes ayant des besoins spécifiques, mais cette comédie dramatique romantique d'apprentissage, récemment présentée au Festival Black Nights de Tallinn dans la compétition Premiers Films, traite de questions un peu différentes : dans quelle mesure le système de santé se soucie-t-il vraiment des gens, même dans un État-providence aussi réputé que la Norvège, et y aura-t-il un jour une vraie solution ?
Ella (Marie Flaatten), s’apprête à entamer sa première année d’université dans une autre ville. Le fait d'avoir toujours été en fauteuil roulant ne l'a pas empêchée d’avoir une vie épanouie, notamment grâce à sa famille, aimante, qui ne l’a jamais considérée comme incapacitée, mais aussi, en très grande partie, grâce à son assistant personnel. Cependant, la Ville de Lillehammer, où elle va résider pour ses études, ne peut pas lui fournir une telle prise en charge privée, de sorte que sa seule option, dans un premier temps, est d’emménager dans un foyer pour personnes en situation de handicap. Conscients de l’inflexibilité de ce type d’institution, ses parents lui conseillent de différer son départ d’un an et d’attendre de trouver une meilleure solution, mais Ella a hâte de prendre son envol.
La jeune fille s'intègre rapidement dans l’environnement universitaire. Là, son attention est attirée par Oliver (Niels Skåber), poète et guitariste. Ils commencent à se fréquenter, timidement mais avec ardeur, mais le personnel de santé qui encadre la vie d'Ella s’avère davantage un obstacle qu’une aide, dans ce tournant naturel de la vie : on la surveille de près, on lui impose des couvre-feux et les visites nocturnes lui sont interdites, comme si l’amour et le sexe étaient l'apanage des gens valides. La vie d’Ella au foyer fait davantage l'effet d'une réclusion monastique forcée que d'une existence d'étudiante, ce qui la frustre sans la décourager : elle est déterminée à s’y opposer.
My First Love, dont la structure fait l'effet d'être un peu trop linéaire et qui ne joue pas vraiment des outils offerts par le cinéma, évoque plus un téléfilm où l’urgence du sujet et la volonté de communiquer les émotions qui l'entourent l’emportent sur la recherche formelle artistique. En revanche, la sincérité avec laquelle sont partagées ces expériences, vécues par l'autrice elle-même, est si réconfortante qu’on se laisse facilement happer par le monde d’Ella et d’Oliver, dont l’amour, tel celui d'un Roméo et d'une Juliette modernes, se heurte à l’étroitesse d’esprit des institutions.
Le jeu de l’actrice non professionnelle Marie Flaatten est d’une authenticité désarmante, tant dans la patience et l’humour avec lesquels elle encourage son entourage à la traiter comme si elle était "normale" ("Détends-toi, tu ne vas pas me casser", dit-elle à Oliver lors de leur première nuit romantique) que dans ses réactions de colère face aux préjugés qui limitent sa liberté.
La fin, porteuse d’espoir, suggère une nuance militante, mais le film est bien plus que cela, car il équilibre de manière très fluide son propos social et ses élans purement humanistes.
My First Love a été produit par la société norvégienne Nordisk Film Production, en coproduction avec Filmbin. Les ventes internationales du film sont assurées par l'agence danoise TrustNordisk.
(Traduit de l'anglais)
Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.






















