Critique : La petite cuisine de Mehdi
par Fabien Lemercier
- Amine Adjina associe avec justesse les ingrédients tragicomiques de la complexité de la double-culture dans un premier long métrage porté par Younès Boucif et Hiam Abbass

"C’est quoi le problème avec ta mère ? – Soit je lui présente ma copine et je la tue, soit ma copine me quitte." Avec son premier long métrage, La petite cuisine de Mehdi, coup de coeur du public au festival de Saint-Jean-De-Luz et lancé le 10 décembre dans les salles de l’Hexagone par Pyramide, Amine Adjina renouvelle intelligemment le classique sujet de l’écartèlement d’un jeune homme entre les deux femmes de sa vie, en explorant les tiraillements provoqués par une double allégeance culturelle, au pays d’origine de ses parents (l’Algérie en l’occurrence) et à la France où il tente de s’épanouir professionnellement et affectivement. Un potentiel conflit de valeurs brassant beaucoup de thématiques (l’intégration, l’exil, les traditions, les souvenirs, la famille, la honte sociale, la dissimulation, les mensonges, etc.) que le néo-cinéaste met en scène très astucieusement à travers des péripéties à la lisière de la comédie.
"Tu sors avec moi, pas avec ma famille – Pourquoi tu me caches ?" Mis sous pression par sa copine Léa (Clara Bretheau) avec qui il est sur le point de racheter le restaurant Le Baratin où ils travaillent tous les deux, le jeune chef-cuisinier Mehdi (Younès Boucif) est aux abois depuis que sa sœur, de passage à l’improviste, a failli dévoiler la vérité ("mon frère nous cache, il a honte de nous"). Loin de vivre en Algérie comme le prétend Mehdi, leur mère Fatima (Malika Zerrouki) prépare une fête chez elle à Lyon pour célébrer la circoncision de leur neveu.
Mis au pied du mur par Léa qui menace de le quitter s’il ne la présente pas, Mehdi est pris entre le marteau et l’enclume car sa mère, spécialiste des chantages affectifs, de santé fragile et qui s’est beaucoup sacrifiée pour ses enfants, ne rêve que d’une chose : qu’il se marie à une fille d’origine algérienne. Afin de se tirer d’affaire et de continuer à compartimenter sa vie, Mehdi met en place un stratagème risqué : faire jouer le rôle de sa mère par une autre femme, Souhila (une exceptionnelle Hiam Abbass), la tenancière du bar populaire Le Mostaganem. Mais la ruse créera plus de complications encore…
Sous couvert d’amusantes mésaventures liées à la personnalité débordante et imprévisible de Souhila, La petite cuisine de Mehdi (dont le scénario a été écrit par le réalisateur) traite avec acuité la question des dilemmes de l’identité en distillant sous la surface un parfum touchant de mélancolie amplifié par la musique signée Amine Bouhafa. En pianotant sur la symbolique culinaire, le réalisateur réussit aussi à donner une dimension très concrète à tous les éléments de cette dualité (passé/avenir, racines/nouveau pays, famille/horizons sentimentaux) qu’il faut unifier pour pouvoir avancer sereinement dans l’existence. Une recette de vie qui passe également par une exigence : "quand on aime, il faut avoir du courage."
Produit par Ex Nihilo et coproduit par Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma, La petite cuisine de Mehdi est vendu à l’international par Pyramide.
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