Financement, l’état d’urgence
par Fabien Lemercier
Alarmisme en coulisses, inquiétudes plus feutrées des ténors : la question du financement de la production cinématographique en France a donné aux Rencontres de Beaune une tonalité très différente du triomphalisme de l’an passé. Pourtant, comme l’a souligné David Kessler, directeur général du CNC, tout va bien «en termes de réalité macroéconomique, de nombre de films et de budgets».
La production a en effet explosé, passant en dix ans de 146 longs-métrages à 204, avec des records de financements à la clé : 749 millions d’euros en 2001 pour les films d’initiative française.
Cette accélération masque cependant des tensions qui sont devenues flagrantes cet été avec les incertitudes sur l’avenir de Canal+, l’incontournable source de financement du cinéma français. Les déséquilibres s’accroissent avec une montée en puissance des grosses productions. Les petits budgets survivent avec moult difficultés, mais les principales victimes du moment sont les productions moyennes, confrontés à un brutal assèchement des financements. Une situation préoccupante aggravée par un effet domino où les difficultés d’un acteur du secteur entraînent très vite des répercussions sur l’ensemble de la chaîne cinématographique.
Plusieurs solutions pour enrayer cette évolution ont été évoquées et le Ministre de la Culture et de la Communication, Jean-Jacques Aillagon a lancé une mission sur le financement qui rendra ses conclusions en janvier. L’objectif : maintenir le niveau de financement du cinéma par les télévisions, mais diversifier les sources afin de diminuer la dépendance.
Parmi les instruments envisagés et débattus à Beaune, certaines pistes se révèlent prometteuses, mais encore limitées. En matière de coproduction européenne par exemple, tout reste à faire, de la simplification d’accords trop complexes au développement de connexions entre les producteurs, en passant par des fonds de soutien mieux dotés et des accès privilégiés aux télévisions. Dans le domaine des financements régionaux, une bonne nouvelle a été annoncée avec l’augmentation à 10 millions d'euros en 2003 du fonds de soutien aux industries techniques cinématographiques et audiovisuelles de la région Ile-de-France. Néanmoins l’extension permanente de ce type de financement à toutes les régions françaises semble difficile en raison des disparités des ressources régionales et des inconnues liées à la future loi sur la décentralisation en France.
En dehors d’une possible redynamisation des outils fiscaux qui n’a guère éveillé de débat parmi les professionnels, il faut signaler l’entrée depuis décembre dernier de La Banque Européenne d’Investissement sur le territoire cinématographique et audiovisuel français. En collaboration avec les établissements financiers Coficiné et Cofiloisirs, la BEI accorde des prêts à des conditions de marché pour des projets de films solides (pré-vente aux télévisons, minimum garanti des distributeurs en salles).
Au final, la solution la plus simple à mettre en œuvre semble être l’augmentation de la contribution du secteur de la vidéo au Fonds de soutien du cinéma français. Mais cette perspective ne suffit pas à rassurer les nombreux professionnels, cinéastes et producteurs, qui se sentent également désarmés face aux goulots d’étranglement de la distribution en salles et aux plus vastes problématiques de la culture en Europe.
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