La bataille de la concentration et de la diversité culturelle
par Fabien Lemercier
«Faire un film, c’est un problème. Le distribuer, c’est un cauchemar». Ce constat lapidaire de Margaret Ménégoz, productrice des Films du Losange et présidente de la Commission d’agrément du CNC, reflète l’autre versant des difficultés traversées actuellement par le cinéma français. Un sentiment partagé par Alexis Dantec, chercheur à l’Observatoire français des conjonctures économiques, qui a pointé la concentration croissante des secteurs de l’exploitation et de la distribution, les stratégies de saturation des écrans lors des sorties de films (environ 200 copies maximum en 81, plus de 800 aujourd’hui) et la réduction drastique de la durée de vie des films en salles. Mis en cause, les exploitants renvoient la responsabilité sur les distributeurs et les producteurs qui déclencheraient une avalanche ingérable de copies sur les salles. Accusé numéro un à Beaune, la distribution se défausse sur le nombre de films produits augmentant sans cesse, alors que l’année ne compte pas plus de 52 semaines. Bref, l’entente ne règne pas, même si beaucoup souhaiteraient ralentir la spirale.
Car la concentration en cours dans le monde du cinéma et de l’audiovisuel peut générer des rapports de force d’une totale disproportion. Ainsi, aux Etats-Unis, les majors et leurs filiales récoltent 90 pour cent des recettes en salles alors que les indépendants distribuent 100 fois plus de films. Par ailleurs, les chaînes de télévision US produisent elles-mêmes 92 pour cent de leurs programmes (contre 50 pour cent il y a dix ans), réduisant les réalisateurs indépendants à exercer leur diversité dans l’anonymat. C’est surtout ce dernier point de l’intégration verticale qui a fait réagir certains producteurs français qui ont réclamé un renforcement du droit de la concurrence, afin d’éviter les abus des chaînes de télévision devenues à la fois producteurs, distributeurs et exploitants.
Tout aussi conscients de ces vastes enjeux, les cinéastes présents à Beaune avec à leur tête la présidente de l’ ARP, Coline Serreau, ont réclamé l’inscription du principe de la diversité culturelle dans la future Constitution européenne. Ils ont aussi appelé les Etats européens à la plus grande vigilance pour refuser toute libéralisation du secteur audiovisuel et cinématographique lors des négociations de l’OMC. Un appel à la mobilisation résonnant comme une réponse volontariste aux voix pessimistes qui s’exprimaient sans s’harmoniser depuis trois jours.
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