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Du monopole des télévisions de service public
au système dual

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Aux Pays-Bas, la naissance en 1919 de la radio publique grâce à l’installation d’un émetteur par une association de passionnés a créé un modèle original : l’Etat prend en charge le réseau et répartit les temps d’antennes entre des associations d’auditeurs finançant leurs programmes par les contributions de leurs membres. Repris après la seconde guerre mondiale, ce modèle est appliqué à la télévision en 1953. La société publique NOS s’occupe de l’exploitation du réseau de diffusion, des émissions d’information, du sport et des programmes éducatifs, et partage le temps d’antenne avec des associations de téléspectateurs.
Fin 1989, le Commissariat aux Médias applique la directive Télévision Sans Frontières et autorise une première chaîne commerciale, RTL-Veronique (devenue RTL 4) qui émet depuis Luxembourg via le satellite ASTRA et est diffusé sur le câble. Depuis, le marché audiovisuel néerlandais est devenu avec l’Allemagne l’un des plus compétitifs d’Europe : dix chaînes de télévision nationales (dont trois publiques) pour 6,3 millions de foyers qui ont aussi accès à une vingtaine de chaînes par câble (dont une dizaine d’étrangères attirant 18 pour cent des téléspectateurs). Les parts de marché de la télévision publique et ses recettes publicitaires se réduisent alors progressivement au profit de chaînes privées soutenues par une industrie de la production performante. Les différentes mesures prises en 1994 et 1994 (autorisation du parrainage) pour améliorer la compétitivité de la télévision publique, sans remettre en cause le principe associatif de la programmation(1), ont eu peu d’effet dans cet environnement très concurrentiel. Le gouvernement a également suivi les conclusions de la commission Ververs et créé une direction centralisée(2) chargée de mettre en place une programmation complémentaire entre les trois chaînes publiques. Mais lors du prochain renouvellement des concessions de la télévision publique, le système associatif pourrait être abandonné, d’autant plus que financement public est désormais totalement assuré par le budget de l’Etat, depuis la suppression de la redevance en 2000.

Au Danemark, le gouvernement a mis fin en 1988 au monopole de la 1ére chaîne de Danemark Radio et choisi un système de duopole public. La seconde chaîne TV 2(3) a été confiée à un établissement indépendant, à capital public, financée majoritairement par la publicité. Parallèlement, un certain nombre de télévisions privées ont été autorisées sur le câble.

En Finlande, 1957 la première chaîne de télévision YLE 1, gérée par l’établissement public Suomen Yleisradio partage son antenne depuis son lancement en 1957 avec MTV, opérateur commercial financé par la publicité et locataire de tranches horaires. Cette formule est étendue en 1964 à la seconde chaîne, puis en 1987 à la troisième.
En 1993, MTV occupe 38 pour cent du temps d’antenne des trois chaînes et le gouvernement décide de privatiser la troisième chaîne qui devient MTV3 (42 pour cent d’audience en 1998). Les deux premières chaînes, YLE 1 et YLE 2 restent dans le secteur public et une seconde chaîne commerciale est autorisée en 1994, Kanal 4. Cependant les mutations technologiques et les mouvements de concentration entre opérateurs laissent présager de profonds bouleversements du paysage audiovisuel finlandais. Pour préparer la télévision publique à la Société de l’Information, le gouvernement lui a donné en 1994 une nouvelle base juridique facilitant l’ouverture de son capital et limitant à 70 pour cent le contrôle de l’Etat.

En Suède, la radiotélévision est gérée jusqu'en 1990 par Sveriges Radio AB, un holding au statut de Fondation, dont le capital est réparti entre actionnaires privés, groupes industriels (20 pour cent), entreprises de presse (20 pour cent) et secteur public (60 pour cent). Exclusivement financée par la redevance et les subventions, la radiotélévision publique est partagée en 1991 entre trois Fondations : la SVT pour les deux chaînes de télévision, SR et Severige UtbidningsRadio pour la radio et la télévision éducative. Trois sociétés anonymes filiales à 100 pour cent des trois fondations(4) assurent l’exploitation des services de radiodiffusion.
En mars 1991, la forte pénétration de chaînes commerciales du satellite et du câble oblige le gouvernement à mettre fin au monopole de la télévision publique et à autoriser la création d’une chaîne nationale privée TV 4, financée par la publicité(5). Face aux chaînes importées(6), TV4 va s’affirmer, ce qui entraîne la diminution de moitié de l’audience des deux chaînes publiques. En 1995, le Parlement décide de baisser le budget de la SVT de 11 pour cent en trois ans, puis la loi de juin 1996 incite la télévision publique à augmenter ses commandes à la production indépendante, à réduire ses effectifs de plus de 10 pour cent et à se réorganiser pour renforcer sa compétitivité.

En Grande-Bretagne, la monopole télévisuel de la BBC lancé en 1936 est remis en cause par Lord Hankey qui fut chargé de planifier le redémarrage de la télévision à la fin de la guerre. En 1946, la licence de la BBC est donc reconduite simplement à titre provisoire jusqu'à décembre 1951. Le renouvellement de la licence et de la Charte de la BBC en 1952 donne l’occasion à la majorité conservatrice d’évoquer la possibilité de développer une télévision régionale. Et deux ans plus tard, le ‘Television Act’ met fin au monopole de la BBC en créant l'Independant Television Authority et en instaurant un duopole de service public télévisuel(7). Les structures de direction de la BBC et de l’ITA se ressemblent d’ailleurs beaucoup, chacune dotée d'un conseil de douze Gouverneurs nommant le Directeur général. L’ITA va évoluer avec souplesse par rapport à ses missions de service public pour permettre aux nouvelles sociétés d'exploitation de l’Independant Television (ITV) de se développer avec des programmes populaires. En 1960, la BBC n’attire plus que 35 pour cent des téléspectateurs, malgré ses efforts pour adapter sa grille à la concurrence. Le gouvernement confie alors une mission d'évaluation de la télévision commerciale et de réflexion sur l'avenir de la télévision britannique, au directeur de la Banque d'Angleterre, Lord Pilkington. Celui-ci fustige le laxisme de l’ITA, érige la BBC en exemple et recommande la création d’une seconde chaîne au sein de la BBC. La naissance de BBC2 en avril 1964 va permettre une programmation plus populaire sur BBC1 et donner à l'ITA la possibilité d’organiser la mission de service public de la télévision commerciale(8).
La télévision britannique vit son âge d’or. Au début des années 70, la BBC attire la moitié des téléspectateurs avec BBC 1 (40 pour cent) et BBC 2 (10 pour cent), tandis qu’ITV séduit le reste de l’audience. Mais cet équilibre est instable car la télévision indépendante dispose de ressources beaucoup plus importantes(9).
En 1987, l’économiste Alan Peacok se livre à une étude prospective sur la télévision à la demande du gouvernement de Margaret Thatcher peu satisfait de la BBC. Contrairement aux attentes de ses commanditaires, il prend position pour la BBC et se montre très critique pour la télévision indépendante. Opposé à tout financement publicitaire de la BBC, il recommande l’indexation de la redevance sur l’indice des prix (mesure adoptée en 1988), sans exclure l’introduction partielle de services à péage sur les deux chaînes de la BBC(10). Le rapport reproche à ITV d'abuser de son exclusivité publicitaire par des pratiques tarifaires prohibitives. Afin de briser ce monopole en faisant jouer la concurrence, il propose de rompre les liens entre ITV et Channel 4 et de vendre les concessions régionales d’ITV pour ouvrir l’audiovisuel à de nouveaux opérateurs. Enfin, pour favoriser l’industrie de la production, le rapport préconise de réserver aux producteurs indépendants 25 pour cent des temps d'antenne d’ITV et des deux chaînes de la BBC.
Le «Broadcasting Act de 1990» reprend l’essentiel de ces idées. L’ITV perd son monopole sur la télévision commerciale qui est partagée entre trois chaînes hertziennes nationales : Channel 3 qui regroupe les opérateurs des quatorze licences régionales et de la télévision du matin, Chanel 4 ‘Trust public’ indépendant et Channel 5. La nouvelle instance de régulation, l’ITC(11), est déchargée de la gestion du réseau assuré auparavant par l’IBA(12) et contrôle l’ensemble des services privés de télévision en Grande-Bretagne quel que soit le support de diffusion : toutes doivent obtenir une licence ou une autorisation.
La BBC, dont la licence et la Charte royale ont été renouvelées en 1996, n’a pas échappé aux turbulences de l’audiovisuel britannique et a dû s’adapter, subissant de profondes réformes pour se maintenir face à la concurrence croissante et développer de nouveaux services relevant de sa mission de service public dans l’environnement numérique.

Au début des années ‘90, le système dual associant radio diffuseurs publics et privés, s’est imposé en Europe. Mais les évolutions des structures des télévisions publiques ont eu des répercussions sur leurs sources de financement.

1 - Chacune des trois chaînes publiques se devait d’avoir une couleur différente : Nederland 1 l’éthique et les valeurs morales, Nederland 2 familiale et confessionnelle, Nederland 3 culturelle et informative, les journaux télévisés, le sport et programmes éducatifs de la NOS étant diffusés sur les trois chaînes.

2 – Un conseil d’administration de trois membres est chargé de définir les stratégies de développement et de concevoir la programmation des trois chaînes publiques dirigées chacune par un coordonateur, dispositif complété par un conseil de surveillance représentant les associations responsables de la programmation.

3 – Le Ministre des Communications nomme cinq des huit membres du Conseil d’administration de TV 2 qui a mission de produire et de diffuser un programme de télévision régionale avec obligation de créer des établissements régionaux gérés par leurs propres conseils d’administrations.

4 – Deux filiales communes, complètent ces dispositifs, l’une la RIKAB pour la perception de la redevance reversée au "Broadcasting Fund Service" du ministère des finances, l’autre la SRF pour les services communs organisée en trois branches : RTH (santé et médecine du travail), SRTVF (bâtiments) et SRFA (comité d'entreprise).

5 – La chaîne commerciale, attribuée en novembre 1991, à Nordic TV/TV4, se doit de diffuser une "proportion considérable de programmes suédois" et être représentative "des différents secteurs de la société suédoise".

6 – TV 3 du groupe Kinnevic de Kanal 5 du groupe SBS et de deux chaînes à péage TV 1000et Canal+Nordic

7 – L’Independant Television Authority (ITA) a "pour devoir d'assurer des programmes de télévision sous la forme d'un service public destiné à répandre l'information, l'éducation et la distraction". L'ITA, sera remplacée, en 1974 lors de l'autorisation des radios privées, par l'IBA, Independant Broadcasting Autority

8 – Le territoire de la Grande-Bretagne sera découpé en 14 régions, correspondant à peu près aux régions d'émission de la BBC, et dans chacune de ces régions l’ITC attribuera une licence de télévision, sauf à Londres où la licence sera partagée entre deux sociétés opérant l'une en semaine et l'autre le week-end. Ces licences seront assorties de cahiers des charges détaillés qui entendaient, notamment, garantir le respect de la mission de service public et aligner la production de l'ITV sur celle de la BBC.

9 – Budget 1968, était de 54 M £ pour la BBC et 100 M £ pour l’ITV.

10 – A l'automne 1988, la BBC ouvrira la nuit un service crypté d'émissions pour les professions médicales, paramédicales et les étudiants en médecine.

11 – L’ITC a vocation à autoriser et contrôler l'ensemble des services de télévision privés diffusés en/ou depuis la Grande-Bretagne (hertzien, câble et satellite) même si ceux-ci n'utilisent pas de fréquences allouées par les autorités britanniques. Les chaînes satellites diffusées depuis la Grande-Bretagne par des satellites non britanniques (non domestic satellite -NDS-) comme BskyB, sur le satellite luxembourgeois ASTRA, doivent obtenir une autorisation de l'ITC, selon une procédure simplifiée de "licence for non domestic satellite". De même, les télévisions émises depuis l'étranger vers le territoire de la Grande-Bretagne sont tenues de demander une autorisation (Licensable Programme Service -LPS-), relevant du régime de la déclaration. Faute de cette licence, l’ITC peut interdire la vente en Grande-Bretagne des systèmes de décodage nécessaires à la réception, la reprise du programme par les câblo-opérateurs britanniques et la commercialisation d'espaces publicitaires en Grande-Bretagne.

12 – Financée par les compagnies indépendantes de télévision, l'ITC qui emploie de l’ordre de 200 personnes, à Londres et dans ses 11 bureaux régionaux, ne participe pas, comme l'IBA, au fonctionnement et à la programmation de Channel 3 mais exerce un contrôle a posteriori de la conformité du programme à la législation et aux contrats de licence ainsi qu’au code déontologique de la radiodiffusion élaboré par le Broadcasting Standard Council -BSC. Les infrastructures techniques de transmission et de diffusion, préalablement gérées par l'IBA, ont été cédées à une société privée, NTL National Transcommunication Limited, au capital de 70 millions de £ créée en 1991, qui assure la transmission et la diffusion hertzienne de la télévision et de la radio privée.

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