L’évolution du financement de la radiodiffusion publique en Europe
par Jean Noël Dibie
Dans la majorité des pays européens, la télévision publique a d’abord été financée par une redevance, dont les revenus augmentaient avec le parc de téléviseurs. La mise en place d’une redevance additionnelle pour la télévision couleur a d’abord permis d’assurer la croissance des revenus indispensables à une télévision en développement. Le nombre de téléviseurs en service arrivant presque à son maximum, les Etats considérèrent alors la publicité comme un bon moyen pour financer la télévision sans trop augmenter la redevance. Cependant, chaque pays de l’Union européenne a choisi des solutions différentes, en fonction des particularismes nationaux. Tandis que la Grande-Bretagne et la Suède refusent fermement la publicité sur les antennes des chaînes publiques, la plupart des autres Etats l’autorisent avec des limites strictes pour ne pas porter préjudice à la presse écrite et par crainte de transférer aux annonceurs le contrôle économique des chaînes publiques.
L’Autriche, la France, l’Irlande, l’Italie et la Communauté française de Belgique choisissent le principe de financement mixte, associant redevance et publicité. L’Allemagne et les Pays-Bas, attachés au principe du financement public, considèrent le financement publicitaire comme un complément nécessaire. Le Danemark, lui, adopte une solution originale en confiant ses deux chaînes publiques à deux entités distinctes, l’une financée par la redevance, l’autre par la publicité.
En l’absence de redevance en Espagne où elle n’a jamais existé et au Portugal où elle a été supprimée à la fin des années 80, les pouvoirs publics essayent en vain de financer exclusivement leurs télévisions publiques avec la publicité, mais l’environnement concurrentiel est trop fort.
La Finlande et la Grèce ont rejoint récemment le camp des pays qui refusent la publicité sur les télévisions publiques (auquel appartient aussi la Communauté flamande de Belgique), l’une après la privatisation de la troisième chaîne, l’autre à cause de l’évolution de son marché télévisuel.
Au-delà des diversités, les modèles de financement de la radiodiffusion publique en Europe doivent être conforme au droit communautaire. Aussi, les Etats membres de l’Union européenne ont souligné dans le protocole d’Amsterdam, que la mission d’intérêt général culturel et social de la télévision publique leur donne l’obligation de définir et d’organiser la mission du service public de radiodiffusion, et de pourvoir à son financement.
Dans l’environnement concurrentiel actuel, le financement des radiodiffuseurs publics (indispensables pour le pluralisme de l’information) ne peut ignorer l’équilibre économique nécessaire entre opérateurs publics et privés. C’est la raison pour laquelle des règles limitent le financement publicitaire des télévisions publiques. Dans la même logique, des mécanismes ont été instaurés par les Etats membres pour garantir la transparence des relations financières avec les pouvoirs publics : aides directes ou indirectes, contrôle de l’exécution de leur mission de service public et de l’utilisation de leurs ressources. De son côté, la Commission veille à ce que le financement des télévisions publiques n’altère pas les conditions des échanges, et elle s’assure de la pertinence des procédures nationales garantissant la transparence de leur financement des radiodiffuseurs publics.
Aujourd’hui, les pays de la Communauté européenne disposent de systèmes audiovisuels équilibrés entre opérateurs publics et commerciaux, ce qui répond aux attentes du téléspectateur à la fois «citoyen» et «consommateur. Dans l’environnement analogique de la télévision, caractérisé par la rareté, cet équilibre garantit le pluralisme des opinions et la diversité culturelle, sources de la richesse de l’Europe. Désormais, opérateurs publics et privés, pouvoirs publics nationaux et communautaires, doivent prévoir et organiser leur avenir numérique.
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