La Télévision Numérique de Terre, des choix techniques et industriels
par Jean Noël Dibie
La TNT repose sur plusieurs considérations techniques. D’abord, il s’agit de diffuser plus de programmes avec moins de puissance, en utilisant moins de fréquences et en offrant la qualité de l’image et du son numérique. Aujourd’hui, un canal équivalent à une fréquence analogique permet la diffusion et la réception de cinq à six programmes numériques(1), avec une puissance 20 à 30 fois plus faible que celle d’un seul programme analogique.
La télévision numérique va également introduire l’interactivité : chaque téléspectateur pourra établir un lien direct avec le diffuseur (donc intervenir sur le contenu du programme), et se raccorder aux réseaux Internet et à des périphériques informatiques(2) donnant accès à des services interactifs (dans la limite des capacités imposées par l’utilisation de fréquences hertziennes).
Enfin, la TNT va favoriser la mobilité et les récepteurs portables. En effet, la réception numérique nécessite moins de puissance et n’est pas sensible aux échos. Elle permet donc de s’affranchir des contraintes de «l’antenne râteau» dirigée vers l’émetteur pour capter un signal optimal. Comme pour la radio, cette liberté est favorable à la mobilité, sous réserve des solutions technologiques retenues pour les réseaux d’émetteurs(3).
Au-delà des paramètres techniques, les principales incertitudes liées au développement de la TNT viennent des luttes entre les opérateurs techniques, les industriels et les réseaux de distribution qui avancent des exigences contradictoires pour préserver leurs acquis. Les grands opérateurs de réseaux, souvent en position de quasi-monopole ou de duopole pour la diffusion hertzienne analogique, essayent d’imposer pour le numérique, un modèle calqué sur la télévision analogique. Les fabricants d’équipements de réception, industriels et distributeurs de téléviseurs, préfèrent un développement progressif de la TNT afin de réaliser d’abord des marges importantes sur des récepteurs haut de gamme numériques, alors qu’un essor rapide stimulerait la demande d’adaptateurs bon marché. Autre conséquence de leur logique commerciale : la mobilité ne les séduit pas car elle entraînerait la vente de téléviseurs portables moins coûteux. De leur côté, les fabricants et installateurs d’antennes sont évidemment hostiles aux choix techniques qui permettraient de s’affranchir des contraintes d’antenne. Quant aux opérateurs de bouquets commerciaux du câble et du satellite, ils tentent sous de multiples prétextes de retarder le lancement de la TNT, vue comme un nouveau concurrent. Tirant parti du temps gagné, ils renforcent leurs positions en misant sur la hausse de l’équipement des foyers pour recevoir la télévision numérique par satellite ou câble, afin de restreindre l’espace pour le numérique hertzien. Une stratégie plus élaborée de regroupement de bouquets numériques autour de plates-formes satellitaires nationales est aussi mise en œuvre. Son objectif : renforcer la pénétration du satellite, mais aussi s’imposer comme l’opérateur naturel de l’ensemble des services de télévision numérique par satellite, câble ou voie hertzienne, en mettant en avant la complémentarité des supports de diffusion.(4)
1 - Les progrès attendus des technologies de compression numériques devraient permettre, à terme, de diffuser plus de programmes avec le même niveau de qualité.
2 - Alors que Microsoft développe la technologie Greco qui permet de lire des pages web sur n’importe quel terminal numérique, Sony a passé un accord avec AOL Time Warner en vue de faciliter la connexion au réseau Internet en dotant de connexions tous ces équipements commercialisés aux Etats Unis, y compris les téléviseurs
3 - Deux types de réseaux d’émetteurs permettent la diffusion numérique:
- les réseaux MFM (Multiple Frequencies Network), calqués sur les réseaux analogiques, qui recourent à des émetteurs puissants installés sur des points hauts desservant une vaste zone de réception;
- les réseaux SFM (Single Frequency Network), proche du modèle de la radio en FM, qui revient à installer des émetteurs de petite ou moyenne puissance à proximité des points de réception.
Les réseaux MFM, retenus en Europe par le Royaume Uni et la France pour la TNT, permettent plus difficilement de s’affranchir des contraintes d’antennes les réseaux SFM, adoptés par l'Espagne, le Danemark, les Pays-Bas et l'Allemagne, qui permettent en outre d’utiliser utilisant la même fréquence pour des programmes nationaux ou régionaux.
4 - En France Canal Satellite, faisant valoir son expérience en matière de distribution et de gestion d’abonnés, souhaite se positionner comme l’opérateur commercial de la TNT, comme l’opérateur de téléphonie mobile ORANGE qui met aussi en avance son expérience en ce domaine.
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