16/08/2005

Pour succéder à la critique de cinéma italienne Irene Bignardi à la direction artistique du Festival international du film de Locarno, ainsi qu'à son adjointe Teresa Cavina, le Suisse Frédéric Maire, critique de cinéma lui aussi, a été nommé à l'unanimité. C'est ce qu'a annoncé Marco Solari, président du festival, le 14 août dernier, mettant ainsi fin à un suspense qui a tenu en haleine la 58e édition close la veille.

Agé de 44 ans, francophone de langue maternelle italienne, le nouveau directeur a plus d'une corde à son arc. Entré en cinéma à l'adolescence par la réalisation de fictions courtes et moyennes – tout en poursuivant des études de sciences politiques et de lettres – il a débarqué au Festival de Locarno à 17 ans pour siéger au Jury des jeunes, dont il deviendra ensuite secrétaire. La rédaction du Pardo News, organe du festival, lui est ensuite confiée en 1990, puis celle du catalogue dès 1992. Sous l'ère de Marco Müller, dont il est resté proche, il est membre de la Commission des programmes et chef du service de presse. Il a encore cosigné l'ouvrage édité à l'occasion du 50e anniversaire de la manifestation (“Festival internationale du film Locarno, Chronique et filmographie, 10 ans, 1988-1997”, 1998). Durant les cinq années du règne d'Irene Bignard, il a apporté sa contribution en présentant au public les films du programme. Tout en poursuivant son activité critique aux quotidiens neuchâtelois "L'Impartial" et "L'Express" depuis 1983, puis en élargissant son audience en prêtant sa voix à la Radio svizzera di lingua italiana et à la Radio suisse tomande, Frédéric Maire, dès 1993, s'est essentiellement consacré à La Lanterne Magique, ciné-club au succès phénoménal destiné à inoculer le goût du cinéma aux enfants qu'il a cofondé et qu'il codirige. Implantée dans 68 localités suisses (225'000 spectateurs en 2004!), mais aussi en France, en Italie, en Allemagne, en Espagne et en Roumanie, la Lanterne Magique emploie plus de 20 personnes, dispose d'un réseau de quelque 600 collaborateurs et d'un budget de près d'un million d'euros. Egalement cofondateur et animateur depuis 1991 de Passion Cinéma, ciné-club pour adultes cinéphiles – agrémenté d'un journal qu'il rédige! – Frédéric Maire a encore trouvé le temps, depuis 2001, de siéger au Comité Encouragement de la culture cinématographique de l'Office fédéral de la culture, celui-là même qui examine entre autres les demandes de soutien des… festivals suisses! De 2000 à 2004, il a aussi été membre de la commission d'experts de la Fondation Montecinemaverita de Lugano, qui a soutenu nombre de films de l'Est et du Sud primés dans des grands festivals.

Nommé pour trois ans au moins à la direction artistique de Locarno, Frédéric Maire a du pain sur la planche, mais il y a fort à parier que ce cinéphile aux compétences multiples, doué de surcroît d'un sens inné de la diplomatie, lui donnera une nouvelle impulsion. Car comme l'a relevé la presse internationale, la programmation pléthorique et éparpillée des dernières éditions a passablement dilué l'identité du festival. Alors que les grands films inédits en Suisse se font toujours plus rares sur la Piazza Grande – au grand dam du public et des distributeurs suisses! – les sections se sont multipliées et l'orientation Human Rights imprimée par Irene Bignardi est particulièrement contestée.

Depuis son accession au rang de festival A, la position de Locarno, à mi-parcours entre Cannes et Venise, n'est certes pas des plus confortables. Les œuvres les plus prestigieuses sont évidemment convoitées par ses deux grands concurrents, mais la réputation cinéphile de Locarno, notamment ancrée par David Streiff et Marco Müller, ajoutée à la magie d'une Piazza Grande pouvant accueillir plus de 8000 spectateurs sous les étoiles, sont des atouts que Frédéric Maire saura probablement mettre à profit. Pour l'instant, le nouveau directeur se garde bien de tirer des plans sur la comète: “Dans un premier temps, il convient d'instaurer un dialogue constructif avec les personnes directement liées à la programmation telles Tiziana Finzi (Cinéastes du présent, Compétition vidéo), Chicca Bergonzi (Léopards de demain), Nadia Dresti (Industry Office), mais aussi avec le Comité directeur et le Comité administratif, afin de définir les priorités du festival pour les années à venir. Locarno est tout d'abord un festival international, mais c'est aussi une manifestation suisse. Il doit donc être une vitrine de la création mondiale pour les Suisses, mais aussi l'inverse: c'est à mon sens fondamental.” Frédéric Maire, qui entrera officiellement en fonction le 1er octobre, dévoilera la nouvelle tonalité de Locarno en août 2006, avec la 59e édition du festival.