Vendredi… ou un autre jour : Seul ou l'autre
par Anne Feuillère
Sélectionné cet été au Festival de Locarno et présenté en ce moment même à la première édition du Festival International du Film de Montréal, Vendredi ou un autre jour du français Yvan Le Moine est projeté au Festival International du Film Francophone de Namur en compétition officielle. Adapté du roman du français Michel Tournier, son premier long métrage, Le nain rouge présenté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes en 1998, s'intitulait "Sceptique, première partie ou : La Colère." De nouveau, cette adaptation du Vendredi ou les limbes du Pacifique du même auteur, porte un "sur-titre" : "Sceptique, deuxième partie ou : L'Orgueil." Ce rôle d'un acteur de théâtre échoué sur la grève et confronté à une solitude extrême a valu à Philippe Nahon le Prix du meilleur acteur décerné par la Critique à Locarno.
Tourné en Haute Définition, l'absence de profondeur de champ et la netteté de l'image donne de la vie de ce Robinson une description minutieuse, une réalité brutale. Ses souvenirs, orangés et brûlants, contrastent avec le dépouillement de l'île et ses couleurs boueuses. Entre cette vie de langage et de spectacle et la vérité de sa nouvelle condition, l'homme doit s'inventer pour survivre. Et la seule manière de ne pas totalement perdre la raison est de reconstruire sur cette île un ordre, calqué sur cette ancienne vie. Mais le langage déserte peu à peu la pensée. Et la voix en son off de cet acteur qui raconte son isolement, voix venue de son journal, devient de plus en plus inquiétante, qui traduit sa folie montante, son enfermement et sa difficulté à lutter contre la désolation. Vendredi sauvé d'une mort certaine, n'est pas tout de suite l'objet d'une rencontre. Au contraire, il offre après un vague répit à cette sourde folie, devenant la proie des caprices d'un dément. Le soliloque que se joue pour survivre ce Monsieur de Nohan se transforme désormais en comédie où il tient lieu de maître à ce sauvage-esclave. Mais Le Moine fait de ce jeune garçon gracile, un indomptable effronté. Il faudra donc que les deux hommes s'affrontent longtemps pour que le premier finisse par abandonner l'ordre qu'il avait mis en place et que Vendredi devienne enfin un compagnon. "Et c'est donc le "sauvage" qui devient l'initiateur de l'homme cultivé alors que celui-ci prétendait le domestiquer, l'éduquer et le convertir. Peut être un peu de l'histoire du monde qui s'écrit aujourd'hui…" explique le réalisateur. C'est que les airs poudrés de cette civilisation lointaine, sa rapacité et ses enthousiasmes de bordel décadent ont des couleurs d'empire romain à l'heure de sa chute et ce Vendredi très shakespearien des airs crépusculaires.
Produit par A.A. Les Films Belges en coproduction avec la France, l'Italie, la Slovaquie, et avec l'aide de la Communauté Française de Belgique, le film a été soutenu par Eurimages. Acheté par f for film, il sera distribué en Belgique par IFD (Imagine Film Distribution).
Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.