La diversité menacée
par Fabien Lemercier
Comme chaque année à la même période, la problématique des embouteillages de sorties en salles revient sur le devant de la scène. Mercredi prochain, 10 longs métrages démarreront leurs carrières et trois d'entre eux espèrent mobiliser respectivement des combinaisons de 600, 550 et 400 copies. Et les semaines suivantes s'annoncent tout aussi chargées avec 11 nouveautés le 19 octobre, 10 le mercredi 26 octobre, 59 sorties programmées sur les cinq mercredi de novembre et l'impressionnant chiffre de 17 nouveaux longs métrages arrivant en salles le 7 décembre. Un déferlement qui va laisser sur le carreau de nombreux films n'ayant même pas le temps de déclencher un bouche-à-oreille, et qui préoccupe de nombreux distributeurs de films de qualité.
Interrogé par Cineuropa, Jean Labadie de Bac Films a souligné les dangers de cet engrenage: "A partir du moment où un film de Disney sort sur 900 copies en décembre, cela démontre l'absence d'accord entre exploitants et distributeurs pour donner plus de chances à des films un peu différents. Je pense que l'escalade de plus en plus forte sur le nombre de copies et sur l'inflation des frais d'édition est extrêmement dangereuse pour notre métier. Car ce qui fait la spécificité de la France, c'est d'avoir pu préserver la diversité, la diversité des pays représentés par leurs cinématographies, la diversité de taille des films, la diversité de sujets. Cette diversité est menacée par l'inflation des copies des très gros films américains et de quelques très gros films français. Les output deals entre les Studios et les chaînes de télévision payantes sont un des facteurs de la multiplication des sorties car les studios ont intérêt à sortir tous leurs films, même ceux qu'ils auraient naturellement laissés au panier auparavant. Nettoyer un peu de ce côté-là calmerait beaucoup le marché. Une décision d'équilibre et une approche raisonnable sur les mises en place des films n'obligeraient pas les films français à suivre dans l'inflation. Il est très difficile d'expliquer aujourd'hui à un producteur français que sortir sur 100 copies est une vraie sortie car il a l'impression qu'il n'est nulle part par rapport à des films moyens, médiocres, souvent mauvais qui sortent entre 200 et 400 copies. Il y a un vrai rééquilibrage à réaliser car le danger de cette situation, c'est que les gens aillent voir des films par rapport à un appel de la mise en place et non un appel de la qualité, qu'il y ait une certaine déception et que cette déception pousse les spectateurs à se tourner vers d'autres distractions que le cinéma."
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