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Création de l’Institut Polonais du Cinéma

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La même somme qu’en 2004 – 5, 2 millions d’euros environ – est prévue au budget de l’Institut Polonais du Cinéma instauré en vertu de la nouvelle loi votée l’été dernier. Cette somme proviendra du Ministère de la Culture. L’Institut est créé afin de mettre en oeuvre la politique nationale du cinéma (“créer les conditions du développement des productions et des coproductions de films; inspirer et soutenir le développement de tous les genres de la création cinématographique polonaise, surtout des films artistiques; soutenir les débutants et le développement artistique des jeunes réalisateurs; accorder une aide financière aux projets de films, à la production, la distribution et la promotion du cinéma polonais”). Ces 5,2 millions d’euros ne constituent pourtant que 20% du budget total que l’Institut estime avoir à sa disposition. Le Fond National de la Promotion de la Culture participera à hauteur de 1,5 million d’euros au budget de l’Institut et la part principale du budget de 25, 4 millions d’euros devrait provenir de la taxe de 1,5% sur le chiffre d'affaires que la loi impose, en vertu de l’article 19, aux exploitants, aux distributeurs, aux chaînes de télévision, aux opérateurs de plateformes numériques et aux télévisions câblées et qui devrait rapporter 18,7 millions d'euros. C'est précisément sur la base de cet article 19 que les entrepreneurs privés ont violemment dénoncé ce qu'il estime être “un protectionnisme d’Etat bureaucratique”. Il était ainsi difficile de trouver un terrain d’entente entre les milieux artistiques, fervents défenseurs de cette loi, et les entrepreneurs. Après de longs mois de discussion virulente, une large campagne d’information et de promotion lancée par le ministre de la culture Waldemar Dąbrowski, et soutenu par les milieux intellectuels et artistiques, a été couronnée par le succès du vote de la loi (lire la news du 13 juillet). Ses adversaires ne manquent pourtant pas d’obstination, car même si la loi permet de se mettre au diapason du système européen, c’est devant le Tribunal Constitutionnel qu’ils l’accusent de contrevenir aux droits constitutionnels de liberté et d’égalité de l’individu et de l’entrepreneur.

Cet argument qui accuse la loi de rompre le principe d’égalité des chances se base avant tout sur la différence de potentiel économique entre les vieux studios de production d'Etat et les entrepreneurs privés, présents sur le marché depuis 15 ans maximum. Les studios, en plus de leurs activités courantes, profitent d’une part des revenus des droits sur les films réalisés pendant des dizaines d’années et vendus aux télévisions et d’autre part d'avantages sur le plan immobilier en disposant d'équipements partiellement maintenus par l’Etat, et peuvent ainsi réaliser de substantielles économies. Du côté des entrepreneurs privés et de leur potentiel économique naissant, on ne se considère pas capable de s'adapter de manière efficace aux mécanismes fiscaux imposés et l'on cible les télévisions qui, avec leur puissance économique dominante, devraient payer plus que les autres.

L’instauration de l’Institut Polonais du Cinéma a signifié la mise en liquidation des trois agences dépendant du Ministère de la Culture. La transmission des compétences des trois institutions à un seul organisme soulève des doutes dans une partie du milieu concerné. Mais Agnieszka Odorowicz, la directrice du nouvel Institut nommée en octobre dernier par le Ministre Dąbrowski, repousse ces doutes par l’argument économique: la dotation du Ministère destinée au fonctionnement de l’Institut (1 million d’euros) est beaucoup plus basse que celle accordée auparavant aux trois agences.

La concentration des compétences en une seule institution ne pose finalement pas tant de problème que le pouvoir accordé à sa directrice. La loi – comme le souligne les entrepreneurs qui devront payer les impôts – ne leur garantit pas la possibilité de contrôler les dépenses. Il est vrai que parmi les 11 membres du Conseil de l’Institut il y a cinq représentants du groupe des entrepreneurs mais le pouvoir du Conseil n'est que consultatif, et tout le pouvoir décisionnaire revient à la directrice.
Ce qui n’est pas non plus tout a fait clair dans le texte de loi, c’est la définition du “film artistiquement ambitieux” qui, contrairement aux autres, peut compter sur un soutien plus élevé (jusqu’à 90% du budget de production). Les producteurs polonais dénoncent aussi le caractère vague de la définition du “film polonais”; ils indiquent la possibilité d'une l’interprétation selon laquelle un fort soutien financier pourrait être accordé aux coproductions multilatérales dans lesquelles l’apport polonais ne constituerait qu’une part minime de la totalité de l’investissement (voir ci-dessous).
La question de la privatisation de la propriété cinématographique d’Etat (notamment les studios) occupe une place à part. Ici encore la loi n'est pas explicite. Enfin, la dernière question qui se pose est politique: le texte de loi ainsi que le recrutement pour les postes vacants à l’Institut n'ont-ils pas été réalisés dans la précipitation, simplement afin de devancer les élections d’octobre 2005 et le changement du pouvoir?

Indépendamment de tous ces scepticismes, il faut constater que le vote et la mise en vigueur de la loi était une nécessité que le cinéma polonais, au bord de la faillite, ne pouvait attendre plus longtemps. Car la loi ouvre aux cinéastes polonais, au moins en principe, la possibilité de se positionner sur la même ligne de départ que leurs collègues européens.

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