email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

Royaume-Uni - La situation du marché (octobre 2002)

par 

La situation du marché

Il y a seulement cinq ans on pouvait parle de Londres comme d’une ruche en activité où trouvaient la juste collocation aussi bien les professionnels du cinéma commercial que de celui indépendant et d’auteur. Londres disputait à Los Angeles le rôle de protagoniste en matière d’exportation internationale de films indépendants. Mais à cause des débâcles de l’économie mondiale de l’après 11 septembre, l’effondrement du German Neuer Markt et de l’incertitude qui pèse sur la télévision à péage en Europe, les vendeurs britanniques, exactement comme les sociétés du monde entier, ont perdu une bonne partie des forces et de confiance.
L’an 2002 avec la clôture de Film Four, Granada Films et Signpost Films a été une année tout particulièrement difficile pour toute l’industrie cinématographique britannique.
Cineuropa enquête en long et en large sur les sociétés de vente à l’étranger britanniques et sur les continuels ajustements auxquels ont du se soumettre les indépendants pour s’adapter à un marché qui évolue continuellement.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

La Période rose

Vous souvenez-vous il y a cinq ans? Pour les cinéastes indépendants des deux rives de l’Atlantique, Londres était un cœur pulsant et en expansion permanente, où l’on pouvait frapper à la porte d’une grande variété de bureaux pour faire partir son projet, sans s’inquiéter du budget. On avait le choix entre les sociétés importantes telles que PolyGram, Capitol Film, United Artist, Icon Entertainment International, Intermedia et J&M Entertainment qui offraient des services du même niveau que les studios américains, mais aussi entre FilmFour, The Sales Company et une douzaine d’autre sociétés qui développaient des films d’auteurs.
Trainspotting, Secrets & Lies Full Monty et Mister Bean séduisaient le public et la critique du monde entier et la sensation que le Royaume-Uni était un lieu dynamique et créatif se renforçait, et où aussi les films à petit budget pouvaient devenir des succès internationaux de longue durée, avec les même chances de marché que des films plus commerciaux et ‘riches’.
De nouveaux acteurs entrèrent sur la scène des financements et des exportations internationales : Jeremy Thomas de Hanway Films, Renaissance Films, sous la co-direction du producteur Stephen Evans et de l’ancien journaliste Angus Finney avec Bill Stephens en directeur des ventes, et Alibi Films inaugurée par le duo Gareth Jones et Hilary Davis, déjà protagonistes chez Handmade Film.
Des sociétés étrangères comme Lola Films, du producteur espagnol Andres Vicente Gomez et le groupe français Pathé, ouvrirent des bureaux à Londres pour suivre les ventes de leurs projets en langue anglaise.
Deux ans plus tard, entre 1999-2000 l’euphorie associée au boom actionnaire du nouveau marché allemand, la croissance des productions britanniques, rendue possible par les coupes fiscales et par les liquidités de la Lotterie, mais aussi par la le boom des productions britanniques possible grâce aux diminutions fiscales et à la liquidité des loterie, mais aussi par les films connus internationalement (Shakespeare in Love, Notting Hill, Billy Elliot ou Chicken Run), donnait aux agents de vente un sens d’invulnérabilité que le revers économique aurait bien vite démonté.

Retour à la réalité

La douche froide était en effet derrière la porte, et bon nombre d’exploitants et de producteurs britanniques ont du accepter le fait que la période d’euphorie était définitivement conclue. Dès lors quelques unes des principales sociétés indépendantes sont disparues du marché (J&M, Alibi, United Artists, Lola Films UK), tandis que d’autres comme Intermedia ont déménagé à Hollywood. L’ouverture de Signpost Films en 2001 a été une tentative courageuse de Stewart Till pour faire face à la réalité du marché, mais son rêve a eu une brève existence : la société a tiré le rideau le mois dernier.
Les exportateurs britanniques sont encore dans l’attente de temps meilleurs : et tous, même les compagnies financièrement en bonne santé comme Pathé International, oeuvrent avec une attention particulière pour les risques. «Pathé n’a jamais couru de gros risques» confirme le directeur des ventes de la société, Alison Thompson.
«Généralement nous prenons notre temps, en cherchant d’avoir toujours un mélange de films, d’une part les grosses productions comme le dernier film de Jane Campion In the cup, actuellement en post-production, et de l’autre des œuvres de jeunes réalisateurs aux résultats moins prévisibles».
Les sociétés de vente s’adressent aux distributeurs internationaux en se pliant aux évolutions du marché, concentré sur deux genres distincts : les films de genre ou réalisés par des cinéastes très connus (deux exemples qui lors du dernier Mifed ont obtenu de bons résultats : le dessin animé de Pathé The Magic Roundabout et The Company de Robert Altman, de Capitol Film) et de petits films d’auteurs avec la marque d’un festival ou de la critique comme Bloody Sunday (Portman) ou Joue-la comme Beckham (Work).
Selon Angus Finney de Rennaissance Film «le marché a profondément changé et des films de 10/12 millions de dollars sont plus difficiles à financer aujourd’hui». On se concentre plutôt sur des projets de 4/5 millions de dollars alors que des films de 15/20 millions de budget, signés par des réalisateurs célèbres, anglais ou américain comme Neil La Bute (Nurse Betty), Roger Michell (Notting Hill) ou Oliver Parker (Un mari idéal sont des projets en devenir résultats de longues négociations.
Si Renaissance utilise son fond de développement d’un million de dollars pour attirer les réalisateurs les plus connus, beaucoup d’autres sociétés ont au contraire augmenté leurs activités de production et de financement : Hanway Films et Winchester par exemple ont assumé l’expert de vente Gareth Jones en tant que chef du département de production et de financements.

London Screenings, le début de la fin?

Cette année les London Screenings, en programme à Londres du 28 au 31 Octobre, font partie intégrante du marché cinématographique d'automne, avec le MIFED qui commence une semaine plus tard à Milan.
Le fait que ces deux marchés aient lieu dans deux différentes villes européennes, à si peu de distance l'un de l'autre, a toujours représenté un problème pour les vendeurs et les acheteurs; pas tellement pour les grands acquéreurs, qui peuvent se permettre les frais de deux déplacements, mais pour la grande majorité des petites sociétés. C'est pourquoi depuis l'année dernière, à cause des difficultés économiques et politiques croissantes, la plupart des distributeurs et fournisseurs du monde cinématographique ont admis leur impossibilité à soutenir des frais doubles et la nécessité de choisir l’un des deux événements.
L'année dernière, plusieurs major américaines, Miramax et Good Machine en tête, ont déserté le MIFED, et seulement certains d'entre eux ont participé aux journées de Londres: au lendemain du 11 Septembre, la peur pour la sécurité de leurs employés a été l’un des facteurs déterminants de cette décision.

Cette année c'est la crise noire aux London Screenings : les associations d'exportation françaises et anglaises, immédiatement suivies par une douzaine parmi les plus importantes compagnies américaines, ont en effet boycotté le rendez-vous londonien, affaibli dans ses finances, sans parler de sa crédibilité.
Cineuropa fait le point sur l'histoire des London Screenings, sur les raisons de l'exode des plus importants vendeurs et sur la nécessité, comme l'ont fait remarquer plusieurs de leurs représentants, de rationaliser les marchés cinématographiques en général.

La guerre pour le contrôle

Les London Screenings ont vu le jour à la fin des années quatre-vingt, voulus par certains vendeurs étrangers à la recherche d’une occasion privilégiée pour montrer aux gros acheteurs (en particulier les grandes compagnies d’Hollywood orientées vers le MIFED) leurs ‘produits de premier choix’.
Parmi les plus importants distributeurs internationaux beaucoup apprécièrent la possibilité d'éviter le chaos de Milan et de profiter des films en avant-première, projetés dans une douzaine de salles publiques et privées; et les contrats se signaient souvent devant un verre ou à la fin d’un repas consommé en toute tranquillité dans l’un des nombreux restaurants du quartier West End.
Tant qu’ils sont restés informels et ‘officieux’, les London Screenings ont aussi représenté une étape idéale pour les vendeurs non anglais, lesquels choisissaient Londres du moment qu’ils pouvaient compter sur des titres de premier ordre à montrer aux acheteurs. Mais les Screenings sont devenus petit à petit victimes de leur propre popularité jusqu’à en perdre totalement le contrôle. De nombreux vendeurs se plaignaient du système des projections bloquées, œuvre de certaines compagnies de RP londoniennes qui, en l'absence d'une organisation centrale et officielle, faisaient la loi en toute liberté.

En 1996, inquiet de la tournure prise par la manifestation londonienne, passée du tremplin élitaire à un marché plus conventionnel avec des centaines de vieux et de nouveaux produits à offrir,
Mike Ryan, à l'époque co-président de la J&M Entertainment, commença à exercer des pressions sur l'industrie cinématographique britannique pour un rendez-vous plus structuré, afin de mieux contrôler aussi bien les produits que les services. Ryan examina aussi la possibilité de trouver des accords avec le London Film Festival (LFF), au programme chaque année au mois de Novembre.
En Février 1997, Sheila Whitaker, qui vient de quitter la direction de LFF, s’empare de l’initiative et présente son plan pour coordonner les London Screenings pre-MIFED et un néo-festival londonien du nom de London International Film Festival and Market (LIFFAM). Le projet prévoyait que chaque manifestation ait lieu à la même période pendant le mois d'Octobre.

Etonné par cette annonce à surprise, le British Film Institute, organisateur officiel du LFF, confirme pour novembre les dates du London Film Festival déjà existantes, mais propose de collaborer à la formalisation des London Screenings. Les représentants du Ministère de la culture, media et sport, et ceux du PACT, l’association des producteurs, pour répondre également aux pressions de l’industrie cinématographique qui cherchait des solutions arbitrales à la situation, demandèrent une étude sur la possibilité de créer à Londres un marché et un festival cinématographique international de premier plan, qui puisse rivaliser avec Cannes et Berlin. Le rapport n’a jamais été officialisé et petit à petit le projet a été abandonné.
Beaucoup de soit disantes organisations, sponsorisées par différentes compagnies cinématographiques attirées par le potentiel lucratif de la manifestation essayèrent de mettre la main sur les London Screenings. Actuellement, les organisateurs et les fournisseurs de service les plus importants sont: London Screenings Ltd dirigés par Joe Joe Dye de Fusion Event, et Soho Screenings de Sandy Mandelberger. Une autre organisation, crée par Alexis Bicat, s'occupe du service de la registration en ligne du marché et la compagnie américaine des relations publiques, Dennis Davidson & Associates se charge de trouver des opportunités aux projections de ses clients, comme le fait à Cannes et à l’American Film Market de Los Angeles.
Malheureusement, encore une fois, la présence de tant de coordinateurs a fait augmenter la confusion qui règne à Londres sur les London Screenings et ceci au profit du rival MIFED et de son organisation centralisée.

Rationaliser les marchés

Les obstacles rencontrés cette année par les London Screenings sont la pointe de l’iceberg des difficultés qui submergent aujourd’hui toute l’industrie cinématographique, en commençant par les ventes des films indépendants et le secteur financier.
Les derniers à arriver sont souvent les premiers à partir et, malgré sa popularité auprès des acheteurs américains, le marché londonien sera cette année l’ombre de lui même, à cause de la désertion d’une bonne partie des distributeurs d’un coté et de l’autre de l’Atlantique.
Nicole Mackey, présidente du groupe Film Export UK et il y a peu de temps encore directrice des ventes chez Signpost Films, a été l’une des premières à boycotter Londres, avec Jane Barclay de la société Capital Films.

Nicole Mackey a expliqué à Cineuropa les raisons de sa décision : «la plupart des compagnies britanniques d’exportation - explique-t-elle - savaient que dès le début les ‘London Screenings’ étaient d’une certaine manière incorrects envers les autres marchés, mais actuellement ils sont devenus impraticables même pour nous qui sommes à Londres. Doubler les frais pour être à Londres et à Milan n’a vraiment aucun sens. C'est pourquoi à la fin de 2001 j'ai eu une rencontre avec les représentants des organisations des vendeurs français, italiens et allemands et avec les organisateurs du MIFED pour comprendre si et comment ils pensaient pouvoir améliorer l’offre des services et les conditions de projection, mais aussi reculer le programme de quelques jours. Ils nous ont répondu affirmativement et, en accord avec un groupe clé de compagnies anglaises et américaines, nous avons décidé de boycotter les prochains Screenings».
Parmi les ‘boycotteurs’ les plus connus figurent les sociétés Capitol Films, Focus Films, IAC Films, Lakeshore, Intermedia, MDP, Miramax Internationa, Myriad Pictures, New Line, Signpost Films et Summit Entertainment.
L'année dernière, après l'annonce du boycottage, toutes les compagnies du Royaume-Uni se sont mises d'accord pour protester, suivies par leurs contreparties françaises. Alison Thompson, à la tête de Pathé International Sales de Londres a exprimé des opinions entièrement partagées par tous les contestataires : «Je ne projetterai rien à Londres et les autres feront la même chose. Personnellement je n'ai jamais été favorable aux ‘London Screenings’, déjà à ses débuts. J'ai toujours pensé que le MIFED fonctionnait assez bien, les structures comme l'organisation, pour réaliser un marché cinématographique efficace, et ceci au-delà des problèmes administratifs. Au cours des trois ou quatre dernières années, j'ai essayé d'être activement présente aux Screenings, mais cette année, je me sens soulagée par le fait que personne n’y participera : avoir deux marchés c’est un peu comme avoir un monstre à deux têtes, deux marchés dilués et en plus l’un après l’autre. Et comme les choses se compliquent de plus en plus, cela n’en vaut plus la peine. Par ailleurs – conclut Thompson -, cette année on attend vraiment le MIFED, étant donné qu’il s'agit du premier marché après Cannes et que les sociétés révélerons les nouveaux titres, un événement positif pour toute la communauté cinématographique internationale».

Joy Wong, directeur des ventes à The Works pense lui aussi que «le MIFED fonctionne mieux que Londres. Les Screenings sont allés à la dérive, sans aucun contrôle et au programme on ne trouve pas que des films en avant-première mais aussi des films déjà vus ailleurs. C’était devenu aussi très cher pour celui qui n’a pas un bureau».
En dehors de ce qu’une douzaine d’agents de vente britanniques parmi les plus importants ont pu nous confirmer au sujet du boycottage et de l’absence certaine de la majorité des acheteurs, les différentes organisations et les sociétés de services qui gravitent autour des Screenings essaient de cacher leur inquiétude: «Cette année nous avons 50 pour cent en moins de réservations et de projections» reconnaît Joe Joe Dye, coordinateur des London Screenings Ltd's. «Mais 90 acheteurs internationaux parmi lesquels Paramount, Aurum Films, BSkyB, Buena Vista, Columbia, Constantin Films, Gaga, Helkon Media, ZDF, Media Trade e UGC ont garanti leur présence».
Selon ce dernier, la réduction draconienne des projections et des locations de bureaux enregistrée cette année à Londres ne dépend pas du boycottage d’une douzaine de vendeurs, mais des capacités du marché et en général du manque de nouveaux produits.
Quelque soient les raisons de ce ‘non événement’, les London Screenings 2002 resteront dans les annales, pour les représentants des vendeurs anglais aussi bien que pour Claudette Alderson de IAC Film comme «un essai pour inciter le MIFED à améliorer ses services», et de Angus Finneu de Renaissance Films comme «un épisode positif pour rationaliser le marché aussi bien pour les distributeurs que pour les sociétés de vente».

Le rendez-vous de Londres de l’année prochaine – si jamais il y en aura un – devra absolument tenir compte des critiques qui lui sont arrivées de tous les cotés et choisir une des deux options qui peuvent la sauvegarder :
- revenir à l'essentiel, c’est-à-dire mettre au programme des films en avant-première, sans même arriver à la location de bureaux, exactement comme étaient les Screenings à leurs débuts;
- ou bien aménager une structure cohérente et univoque, capable d’offrir à toute la communauté cinématographique les mêmes services professionnels à des prix vraiment concurrentiels.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy