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TV publique: une richesse européenne

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- Cet article présente l’évolution de la diffusion TV en Europe et montre comment le cadre institutionnel s’est développé dans différents pays européens depuis la 2e Guerre mondiale.

Les Etats membres de l’Union européenne financent leurs radiotélévisions, par choix politiques, décisions constitutionnelles, ou pression du marché

Une spécificité européenne garante du pluralisme et de la diversité culturelle

L’impact des technologies de la communication sur la société humaine est incontestable. En juillet 1969, Neil Amstrong a marché sur la lune sous les yeux de plus d’un milliard de téléspectateurs et le 11 septembre 2001, les tours du World Trade Center de New York se sont effondrées en direct sur les écrans du monde entier.
Aujourd’hui, la généralisation des technologies numériques, l’expansion du multimédia et le succès rapide d’Internet ont bouleversé l’équilibre établi entre télécommunications et radiodiffusion. Avec l’essor de l’interactivité et des échanges multilatéraux, un nouveau cadre social, économique et politique est né : la Société de l’information. Anticiper sa croissance pour mieux l’encadrer est aujourd’hui une priorité pour tous les opérateurs, les industriels et les pouvoirs publics. Et pour mieux préparer l’avenir, l’analyse du chemin déjà parcouru par la télévision est riche d’enseignements.
Entre les deux guerres, la radiodiffusion s’est développée dans des environnements juridiques différents. En Europe, radios privées et radios publiques coexistaient dans un système concurrentiel, à l’exception des Etats totalitaires qui ont utilisé ce média comme instrument de propagande. Aux Etats-Unis, la radio relevait uniquement du secteur privé et le premier amendement de la Constitution (1) américaine ne permettait pas en théorie aux pouvoirs publics de réglementer la radiodiffusion. Cependant, les contraintes techniques de la gestion des fréquences et la législation antitrust du «Sherman Act» (2) conduisirent l’organisme de régulation FCC (Fédérale Commission for Communication) à attribuer les licences d’exploitation radio avec des obligations de pluralisme, de respect des personnes et de fluidité du marché.
Après 1945, les Etats européens nationalisèrent leurs radios pour des raisons économiques, mais aussi politiques car la plupart des stations des pays occupés avaient servi à la propagande.(3) Ces monopoles publics fonctionnèrent jusqu’aux années 80 (sauf en Grande-Bretagne), contrôlant le développement de la télévision. Toutefois, ils évoluèrent avec les mutations économiques, sociales, politiques, et les exigences du pluralisme de l’information. Ainsi, les Etats membres de l’Union européenne adaptèrent progressivement les structures et le financement de leurs radiotélévisions, par choix politiques (Grande-Bretagne, France), décisions constitutionnelles (Italie, Allemagne, Espagne), ou pression du marché (Belgique, Scandinavie).

1 - «Le Congrès ne pourra faire aucune loi concernant l’établissement d’une religion ou interdisant son libre exercice, restreignant la liberté de parole ou de la presse ou touchant au droit des citoyens de s’assembler paisiblement et d’adresser des pétitions au gouvernement pour le redressement de leurs griefs»

2 - La Cour Suprême confirmera la légitimité de l’application du «Sherman Act» aux médias dans son arrêt «Red Lion» rendu en 1969 :
«La Cour a estimé que le premier amendement entendait maintenir un libre marché afin d’assurer la diffusion de la vérité et qu’il convenait de ce fait de faciliter l’accès aux médias pour assurer la protection de l’intérêt général et des droits individuels, notamment, ceux des minorités.»

3 - En Espagne et au Portugal, qui n’ont pas été occupés, les radios commerciales ne seront pas nationalisées.

L’évolution du cadre institutionnel
de la radiodiffusion publique en Europe

Trois grandes étapes ont rythmé l’évolution de la télévision en Europe. D’abord, les monopoles publics furent contrôlés directement par les gouvernements, avant d’être doté de statuts leur donnant plus d’autonomie par rapport au pouvoir politique. Enfin, avec l’ouverture du secteur à la concurrence du privé, les chaînes publiques s’affirmèrent dans leur rôle de télévision de service public.
Ces trois phases apparaissent nettement en Espagne, en France, en Italie et en Grèce. Ailleurs en Europe, l’autonomie par rapport au politique fut garantie dès le démarrage des services télévisuels : en Allemagne et en Belgique en raison de la structure fédérale, au Portugal avec l’attribution à un opérateur privé, en Irlande et en Autriche à cause de la concurrence des télévisions britanniques et allemandes reçues sur leurs territoires. Aux Pays-Bas mais aussi en Suède, en Finlande et au Danemark, des structures tenant compte des attentes du public furent mises en place très rapidement, tout comme en Grande-Bretagne avec la présence de deux chaînes de télévision dès 1954.

Des télévisions de gouvernement au système dual

En Espagne, la télévision créée en 1956 relevait du secteur public, contrairement à la radio partagée avec les opérateurs privés. Economiquement autonome, financée quasi exclusivement par ses recettes publicitaires, la RTVE est politiquement contrôlée par le gouvernement qui nomme ses dirigeants. La loi du 10 janvier 1980 réaffirme ce monopole sur la télévision nationale, tout en prévoyant la création d'un troisième réseau régional qui sera confié en décembre 1983 aux Régions Autonomes. Cependant la dépendance par rapport au pouvoir politique reste forte : les Parlements des régions désignent les Conseils d’administration gérant les télévisions publiques mises en place (1) et l’exécutif régional nomme les Directeur généraux des chaînes.
En 1982, la Haute Cour de justice juge la télévision privée commerciale compatible avec la Constitution et précise que c’est au pouvoir politique d’organiser l’ouverture du secteur à la concurrence. Il faudra pourtant attendre la loi du 3 mai 1988 pour assister à la création de trois chaînes privées nationales attribuées l’année suivante à Antena3 et TeleCinco pour une diffusion en clair, et à Canal+Espagne (opérateur à péage). Depuis leur naissance, le capital et la programmation des deux chaînes privées en clair ont connu de grands changements, notamment en raison des graves difficultés financières qui n’ont pas épargné non plus la télévision publique RTVE, exclusivement financée par la publicité et en déficit depuis 1990. Compression de personnel, économies de gestion, ventes d’actifs (2), agressivité commerciale et subventions n’ont pas permis à la RTVE d’assurer son financement sans recourir à l’emprunt, au prix d’une dette de près de 4 milliards d’euros fin 2001. Affectées par les mêmes problèmes financiers, les six télévisions publiques régionales ont vu pourtant leurs audiences augmenter, ce qui démontre l’attachement des téléspectateurs espagnols aux chaînes de proximité.

En France, la télévision naissante fut gérée par Radiodiffusion Française et placée sous l'autorité du président du Conseil jusqu’en 1959 et la mise en place de Radiodiffusion Télévision Française, établissement public d'Etat à caractère industriel et commercial, sous la tutelle du ministre de l'Information. La réforme de 1964 avec la création de l’ORTF et le démarrage de la seconde chaîne en couleur est un tournant. Mais l’ORTF est gérée par un conseil d'administration aux pouvoirs encore limités et la télévision demeure sous la coupe du gouvernement. La crise de mai 68 donne la parole aux partisans de la limitation du monopole de l'Etat à la diffusion et à la programmation, et aux tenants de l’ouverture de la production à la concurrence. En 1972, l'autonomie de l’ORTF est renforcée avec une plus grande indépendance de ses dirigeants, l'allégement de la tutelle de l'exécutif, une meilleure cohérence des contrôles du Parlement et la modernisation des structures de l'Office(3). Deux ans plus tard, le désengagement progressif de l’Etat se confirme avec l’introduction d’une forme de concurrence interne au sein du service public par l’éclatement de l’ORTF en sept organismes(4). Cependant, le monopole de la radiotélévision publique est verrouillé par la nomination de ses dirigeants par le gouvernement et par de fortes contraintes pour les nouvelles sociétés, par exemple l’obligation de passer commande à la SFP.
L'ouverture au marché et à la concurrence est encadrée par une série de lois et de réformes qui ont conduit à une sur-règlementation du secteur.
1. La loi de 1982 reconnaît le droit à l'existence des radios et des télévisons privées mais maintient le monopole de l'Etat sur l'usage de fréquences radioélectriques.
2. La loi de 1986 affirme la liberté de la communication et renforce la séparation de l'Etat et des acteurs de l'audiovisuel en confiant à une autorité administrative indépendante (CNCL) la gestion des fréquences et les autorisations d’installation d’équipements privés.
3. La loi de 1989, renforce les compétences de l’instance de régulation, le CSA (ex CNCL). Les «autorisations d'usage des fréquences» qu’elle délivre aux opérateurs privés sont assorties de conventions et il lui est confié une mission de surveillance du secteur public.
Le paysage audiovisuel français(5) demeure donc sous la surveillance étroite de la puissance publique. Néanmoins, face à la concurrence du secteur privé(6), la télévision publique se révèle fragile car elle est éclatée entre cinq opérateurs nationaux(7). Cette faiblesse structurelle sera partiellement compensée en 1989 avec la création d’une présidence commune pour France 2 et France 3 qui gardent cependant chacune un conseil d'administration et une organisation autonome. Enfin, la naissance en août 2000 du holding France Télévisions (France 2, France 3 et France 5) et la signature fin 2001 d’un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens entre France Télévisions et l’Etat, incluant les développements numériques, donne un nouveau dynamisme au service public.

En Italie, la convention du 26 juin 1952 donne pour vingt ans à la Rai, (qui a repris les actifs de l’EIAR) la licence exclusive de diffusion des émissions de radio et de télévision hertzienne. Malgré son statut de droit privé, la Rai détenue par l’IRI (Institut de Reconstruction Industrielle) est contrôlée par le gouvernement qui désigne ses dirigeants. Ecartée de l’antennes, l’opposition saisira en vain la Cour constitutionnelle. A l’expiration de la concession en 1972, le gouvernement réagit au mouvement d’opinion dénonçant le monopole de la Démocratie Chrétienne sur la RAI et ne reconduit la convention que pour un an, en s’engageant à adapter la radiodiffusion publique. Mais c’est la Cour constitutionnelle qui accélère le cours des évènements en juillet 1974, en rappelant que le monopole de la RAI doit permettre des émissions objectives, une information complète et le droit d'accès pour tous à la télévision. Contraint à l’action, le gouvernement transfère en novembre 1974 la tutelle de la Rai à la «Commission parlementaire d'orientation générale et de surveillance des services de radiotélévision» (8) et essaye de préserver le monopole en l’étendant aux transmissions nationales par câble ou tout autre moyen(9). La Cour constitutionnelle va refuser cette extension en juillet 1976, limitant le monopole de la Rai à la diffusion hertzienne nationale et reconnaissant la légitimité des télévisions et radios privées locales, quel que soit le moyen de diffusion.
Les télévisons locales vont alors se multiplier en dehors de tout contrôle réel (150 stations en 1977, 1208 en 1985) et s’organiser en réseaux comme ceux des groupes d'édition Rusconi, Mondadori et Rizzoli. Silvio Berlusconi constitue alors son empire télévisuel : après TeleMilano devenu la première télévision privée de Milan, le réseau Canale5 constitué en 1980 (dix stations du nord-est), puis le réseau Rete10 (dix stations du centre), il achète entre 1981 et 1984 la cinémathèque de Rizzoli, les 23 stations de Ruconi et les 26 de Mondadori. Fort de ses trois réseaux, Canale5, Rete4 et Italia1, Silvio Berlusconi se lance dans «la bataille de l'interconnexion» pour pouvoir concurrencer la RAI et briser l’interdiction aux télés locales de diffuser simultanément le même programme sur plusieurs émetteurs(10). Le gouvernement Craxi lui donne satisfaction en autorisant provisoirement les réseaux privés à diffuser simultanément des émissions préenregistrées (loi du 4 février 1985). Et cette nouvelle concurrence va coûter cher à la RAI qui s’endette lourdement (7,3 milliards de francs en 1989) pour maintenir son audience à 49,3 pour cent en 1991. Pendant ce temps, la Fininvest de Berlusconi devient la troisième entreprise italienne, derrière FIAT et Ferruzi.
Tous ces bouleversements du paysage audiovisuel italien s’étant déroulés aux frontières de la légalité, la loi Mammi du 6 août 1990, officialise la situation existante. Bien que le législateur ait autorisé 12 chaînes nationales(11), les trois chaînes publiques de la RAI et les trois chaînes de la Fininvest se partagent 90 pour cent des téléspectateurs et 91 pour cent des revenus publicitaires.
Cette loi de circonstance n’a pas clarifié l’organisation de la Rai, tiraillée entre des tutelles internes et externes aux compétences entrecroisées(12), un véritable handicap pour un service public en situation concurrentielle. En l’absence d’une nouvelle loi sur la communication audiovisuelle, sans cesse reportée depuis 1998, la Rai s’est efforcée d’adapter ses structures au marché, en développant notamment des activités commerciales complémentaires comme elle est autorisée à le faire depuis le référendum de 1995.
Quant à la loi antitrust du 29 juillet 1997 n’a pas eu d’effet sur l’organisation de la concurrence. Elle limite pourtant un diffuseur national à 20 pour cent maximum des fréquences nationales et à 30 pour cent des revenus de la télévision (redevance et publicité). Et l’application de ces dispositions il réduirait à deux le nombre de chaînes nationales que peuvent détenir la Rai et Mediaset. Ainsi Rete4, une chaîne de Mediaset(13) propriété de Silvio Berlusconi, pourrait passer sur le satellite, et Rai 3 être régionalisée et financée exclusivement par la redevance. Mais rien n’est encore décidé alors que se pose actuellement la question du respect du pluralisme puisque le Premier ministre italien contrôle les trois principaux réseaux télévisuels privés. La constitution d’un troisième pôle audiovisuel(14) serait-elle une solution ? Rien n’est moins sûr car jusqu’à présent la multiplication d’opérateurs commerciaux ne s’est jamais révélée une garantie de pluralisme.

En Grèce, la première chaîne publique de télévision ET créée en 1966, est confrontée deux ans plus tard à la concurrence d’une seconde chaîne ET 2, gérée par le service de l'information de l'armée qui a pris le pouvoir. En 1982, ces deux chaînes se regroupent au sein d’un organisme public (ERT) contrôlé par le Ministre de l'information qui dispose d’un bureau au siège de la télévision. Ce monopole de radiodiffusion s’effrite en 1986 avec le lancement de radios commerciales «pirates» par les municipalités d’opposition d’Athènes, de Thessalonique et du Pirée. Le gouvernement tente sans succès de réaffirmer le monopole de la radiodiffusion publique par la loi du 27 octobre 1987, inspirée du modèle français de l'ORTF, regroupant les deux chaînes de télévision et les quatre réseaux de radio dans une société anonyme à capitaux publics, l'ERT. Cette réforme ne réussit pas à éviter l’explosion de radios, puis de télévisions commerciales ‘sauvages’ bénéficiant du soutien politique de l’opposition. En effet, l’indépendance de la radiotélévision publique est purement formelle : le président et les sept membres du Conseil d'administration sont désignés par le gouvernement. La création du Conseil National pour la Radiotélévision (CNR) en 1989 et le renforcement de ses pouvoirs en 1993 n’auront aucun effet, l’organisme n’ayant pas les moyens d’organiser la concurrence entre opérateurs publics et privés.
Malgré la réforme de 1994 qui a amélioré le financement de l’ERT(15), l’audience de la télévision publique n’a pas résisté à la concurrence anarchique du privé et à la perte de confiance des téléspectateurs qui l’ont toujours assimilée à un instrument des gouvernements successifs. En 1999, une quarantaine de chaînes diffusaient dans la région d’Athènes et une centaine dans le reste du pays(16) mais les budgets limités des chaînes commerciales et le manque de pression concurrentielle des chaînes ont limité le développement d’une industrie nationale de production.


1 - Les Autonomies du Pays-Basque, de Catalogne, de Valencia, d’Andalousie, de Madrid et de Galice, vont se doter de radiotélévision publique.

2 - Vente à Telefonica des 17 pour cent qu’elle détenait dans la plate-forme numérique Via Digital, cession de ses 30 pour cent de Retevison privatisé et remboursement d’un trop perçu de TVA, lui ont permis de réduire sa dette de 2,8 Mds F durant l’exercice 2000

3 - Principales dispositions de la loi du 3 juillet 1972
- Un Président Directeur Général nommé, pour 3 ans renouvelables, par décret en Conseil des Ministres et un Conseil d'administration composé pour une moitié de représentants des auditeurs et téléspectateurs, de la presse écrite et du personnel de l'Office et pour l’autre moitié de représentants de l'Etat, devait garantir l'indépendance de l’Office.
- La tutelle de l'exécutif, qui approuvait le budget, devait se limiter "à l'observation des obligations découlant du caractère de service public de l’Office et au contrôle de l'utilisation que l'Office fait de ses ressources". Un contrôleur d'Etat et la Commission de vérification des comptes des entreprises publiques s’assuraient de la bonne exécution du budget.
- Le Parlement, qui autorisait annuellement la perception de la redevance lors du vote du budget, était associé au fonctionnement de l'Office tant par la constitution d'une délégation parlementaire consultative que par sa participation à la désignation de membres du conseil d'administration.
- L’ORTF devait s’organiser "en unités fonctionnelles correspondant à un ensemble de missions et de moyens, sous forme de régies ou éventuellement d'établissements publics, à l'exclusion de toute emprise d'intérêts économiques privés". Un décret du 24-25 juillet 1972, fixera à huit le nombre de ces régies.

4 - La loi de 1974 a créé : quatre sociétés nationales de programmes, les trois chaînes de télévision TF1, Antenne 2, FR3 et la radio, Radio France ; deux établissements publics à caractère industriel et commercial, Télédiffusion de France, TDF, et l'Institut National de l'Audiovisuel, INA ; une société d'économie mixte, la Société française de Production, SFP.

5 - Les obligations de diffusion et de production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles d'expression originale française ou originaire de la Communauté et les seuils minima d'investissement dans la production d’œuvres indépendantes, satisfont à cet objectif.

6 - Canal+ chaîne hertzienne à péage autorisée en 1983, TF 1privatisée en avril 87, M6 et La Cinq autorisés en février 87, le réseau de La Cinq en faillite en avril 1990 a été réaffecté à La Cinquième et ARTE, chaînes publiques.

7 - France 2 chaîne nationale, France 3 chaîne nationale à vocation régionale, RFO pour les départements et territoires d'outre mer, la Sept/ARTE, partenaire français d'ARTE chaîne culturelle à vocation européenne née en 1990 d'une volonté politique franco-allemande qui partage le cinquième réseau hertzien national, laissé libre par la faillite de La Cinq, avec La Cinquième, chaîne à vocation éducative lancée en décembre 1994. A ces chaînes nationales il convient d’ajouter deux autres organismes pour les émissions vers l'étranger, TV5 et CFI.

8 - L’installation, le 15 mai 1975, de la Commission parlementaire d'orientation générale et de surveillance des services de radiotélévision se traduira par un partage du pouvoir entre les partis politiques, ‘la lottizazzione’ : RAI 1 va revenir à la Démocratie Chrétienne, RAI 2 au Parti Socialiste et RAI 3, qui sera lancée en 1977, au Parti Communiste.

9 - Une décision du 11 août 1975, du Ministère des Postes et Télécommunications avait attribué à la RAI la concession exclusive des services nationaux de radiotélévision.

10 - Plusieurs jugements avaient rappelé que la loi n'autorisait ni l'interconnexion technique, ni l'interconnexion des contenus.

11 - Trois chaînes seront à Tele+, télévision hertzienne à péage et un décret-loi du 13 juin 1992 attribuera les trois dernières fréquences à RETE A (Télé-achat et séries américaines), TMC-Italie alors contrôlé par Feruzzi (40 pour cent) et TV Globo-Brésil (49 pour cent) et Videomusic, ces deux dernières chaînes ont été depuis reprises par le groupe du producteur Cecchi Gori sous les marques TMC1 et TMC 2. Ces attributions n’enpécheront pas des chaînes non autorisées, comme Odéon TV, EURO TV et Italia 7 de continuer à émettre en arguant du caractère suspensif de leur appel.
En outre, sont autorisés neuf réseaux rassemblant des stations autorisées au titre des 92 fréquences régionales ou provinciales et des 478 fréquences locales.

12 - Contrôles internes du ‘Collège Syndical’, Conseil de Surveillance de la société composé de 41 membres reproduisant fidèlement les équilibres parlementaires et de son actionnaire, l'IRI, et externes du Ministère des Postes et Communications, de la Commission parlementaire d'orientation générale et de surveillance des services de radiodiffusion et de la Cour des Comptes en tant qu’entreprise publique.
A l’été 1994, le gouvernement de Sylvio Berlusconi adoptera une disposition confiant la nomination du Président de la RAI aux Présidents des deux chambres afin de limiter le contrôle direct des partis sur la Rai, réforme annulée en décembre 1995 par un amendement de la majorité de centre gauche du Parlement qui réintroduit le contrôle des partis sur la Rai.

13 - Mediaset rassemble les activités audiovisuelles de la Fininvest dont les trois chaînes italiennes Canale5, Italia1 et Rete4, regroupées au sein de RTI (Reti Televisone Italiane), la régie Publitalia, la chaîne espagnole Telecinco, Videotime centre technique et administratif de production de programmes …

14 - Dans les années quatre vingt, la Démocratie Chrétienne ayant perdu le contrôle de la Rai et étant attaquée par les chaînes de Berlusconi alors proche du Parti Socialiste de Craxi, a tenté par deux fois, de créer ce troisième pôle en encourageant les projets Odeon TV soutenue par le géant de l’agro-alimentaire Parmalat, puis TMC-Italie soutenue par la Fiat d’Agnelli.

15 - Les prélèvements effectués sur les factures d’électricité au titre de la redevance, qui finance de l’ordre de 90 pour cent le budget de l’ERT, ont été réévalués et la publicité a été supprimée sur les antennes des deux premières chaînes publiques nationales, et maintenue sur ERT 3 chaîne régionale.

16 - Quatre opérateurs dominent le marché de la télévision nationale : Antenna 1, chaîne populaire lancée fin 1989 (22, 9 pour cent de parts de marché en 1998); Mega-Channel créée en novembre 1989 (19,9 pour cent de parts de marché en 1998); Skai (15,1%) et Star (14,9 pour cent).

Des télévisions d’Etat au système dual

En Allemagne, le fédéralisme adopté en réaction au 3ème Reich attribue la presse au secteur privé et la radiodiffusion au secteur public, plus précisément aux Lander(1). Les principes généraux nécessaires au bon fonctionnement de la radiodiffusion sur l’ensemble du territoire national sont réglés par des Conventions ou des Traités d'Etats, et les conflits de compétence entre Lander ou avec le gouvernement fédéral, responsable des télécommunications, sont arbitrés par le Tribunal Constitutionnel Fédéral. Son «premier jugement sur la radiotélévision», dit jurisprudence ‘TV Adenauer’ du 27 février 1961, annule la décision du gouvernement fédéral de créer une seconde chaîne de télévision. La ZDF, seconde chaîne allemande voit donc le jour en 1962 grâce à une convention signée par l’ensemble des Lander.
C’est la jurisprudence du Tribunal constitutionnel qui va permettre l’introduction de chaînes privées en Allemagne. En effet, le 16 juin 1981, il remet en cause le monopole de la radiotélévision publique, sans pourtant autoriser la radiotélévision privée car la rareté des fréquences hertziennes disponibles ne permet pas le respect du pluralisme. Et c’est ainsi que se développe le câble.
Le 4 novembre 1986, le Tribunal Constitutionnel Fédéral autorise la coexistence de programmes publics et privés et enterre le principe qui régissait les médias : la presse au privé et l’audiovisuel au public. Dans la foulée, Les Länder adaptent leurs législations à l’ouverture de la radiodiffusion au secteur privé. La relative homogénéité des législations de chaque Land favorise l'adoption d'une réglementation commune, d’abord par des accords régionaux, puis en 1987 par un accord national, la Convention d’Etat sur le nouvel ordre audiovisuel.
Le respect du pluralisme par les opérateurs repose sur deux approches différentes. Le secteur public est tenu au ‘pluralisme interne’ dans la programmation de chaque chaîne. Le secteur privé lui, est soumis au ‘pluralisme externe’ garanti par la présence simultanée d’un minimum de trois chaînes de télévision dans une même zone de diffusion. Le secteur public est contrôlé par des conseils intégrés tandis que les télévisions privées sont sous la supervision des instances de régulation de chaque Länd qui leur accordent les licences(2). Cet environnement aurait pu entraîner la création d'une multitude de chaînes, mais les impératifs techniques et les contraintes financières ont joué : la rareté de fréquences hertziennes disponibles et les capacités du câble ont limité le nombre d’autorisations, et le niveau d'investissement exigé n’a permis de financer qu'un nombre limité de nouvelles chaînes(3).
Pour permettre à la télévision publique(4) d’affronter la concurrence dans les meilleures conditions, les législateurs allemands ont veillé à ce qu’elle ne soit pas soumise aux pressions du marché : la constitution a inscrit la redevance comme ‘la source principale’ du financement de la radiotélévision publique. Bien financées, les chaînes publiques allemandes ont donc maintenu un niveau d’audience significatif, mais aussi contraint les très nombreuses chaînes privées à améliorer leurs programmes. Cette réussite s’explique par la confiance du public qui trouve sur les chaînes publiques le reflet de ses préoccupations et de ses diverses cultures(5), et par le soutien des pouvoirs fédéraux et régionaux qui assurent le financement.

En Belgique, l'Institut National de Radiodiffusion créé en 1945 a tiré profit des équilibres internes imposés par le multilinguisme pour gagner une certaine autonomie vis-à-vis du gouvernement. La révision constitutionnelle de 1975 transférant la compétence culturelle aux communautés, va entraîner une évolution différente de la radiotélévision publique dans les deux communautés française et flamande.
En communauté française, l'établissement public de la radiotélévision, la RTBF voit son administrateur général nommé par l’Exécutif de la Communauté, sur proposition du conseil d’administration. En 1983, son monopole prend fin quand Télé-Luxembourg est autorisée à mettre en service un faisceau hertzien permanent entre Luxembourg et les studios de Bruxelles. Télé Luxembourg devenue RTL TVI, société de droit belge détient le monopole de la publicité télévisée jusqu’au décret du 4 juillet 1989 qui autorise la RTBF, jusqu’alors financée par la seule ressource publique, à insérer de la publicité commerciale dans ses programmes. Cette réforme n’évitera pas de graves difficultés financières pour la RTBF, car le marché de la communauté est restreint et près de la moitié des téléspectateurs regardent les chaînes câblées étrangères, principalement françaises.
En Communauté flamande, l’institut public BRTN responsable des programmes de radio et de télévision est doté en décembre 1979 d’un statut inspiré par la télévision publique néerlandaise : la moitié du temps d’antenne est notamment attribuée à des associations culturelles ou sociales. Le monopole de la BRT qui n'a pas subi la concurrence de Télé-Luxembourg, durera jusqu’à la création de la première chaîne privée VTM en 1989.

En Autriche, un référendum entérine en 1966 la création de l'ORF, un établissement public gérant la radio et deux chaînes de télévision. Le monopole de l’ORF sera étendu au câble en 1974.
Le 24 novembre 1993, une décision de justice déclare le statut de l’ORF en infraction avec le droit à la libre expression de la Convention européenne des Droits de l’Homme, et le premier janvier 1994 les radios privées sont autorisées. Dans le domaine télévisuel, il faut attendre 1999 pour assister à la création de la première chaîne commerciale autrichienne, mais la très forte concurrence des chaînes allemandes du câble et du satellite reçues par près de 60 pour cent des foyers autrichiens avait déjà entraîné la mise en place de publicités spécifiquement autrichiennes par les opérateurs allemands.

En Irlande, la télévision nationale dirigée depuis 1961 par l’établissement public RTE est confrontée à la concurrence des chaînes britanniques, ce qui laisse peu de place pour une chaîne commerciale irlandaise, pourtant autorisée par le Parlement en 1988.
En 1995, un Livre vert sur la radiodiffusion a recommandé la création d’une chaîne gaélique et la mise en place d’une instance de régulation pour la radiodiffusion publique et privée. Ce rapport a aussi préconisé la séparation de la radio et de la télévision publique.

Au Portugal, Radio Televisao Portuguesa (RTP), une Sarl créée en 1955 pour gérer la radiotélévision fut nationalisée après la révolution d’avril 1974 et la Constitution entérina son monopole. En autorisant la création de deux chaînes commerciales attribuées en 1992 à la SIC et à TVI, la loi du 7 septembre 1990 mit fin au monopole de la RTP sur la télévision. Le gouvernement répondait à des impératifs politiques, sans tenir compte de la réalité du marché publicitaire d’un pays de 9,8 millions d'habitants, incapable de financer quatre chaînes nationales. De graves difficultés financières en résultèrent, aussi bien pour la RTP principalement financée par la publicité que pour le secteur privé où SIC avait distancé TVI avant que cette dernière ne se relance en 2001 grâce la «Real TV» et de profonds bouleversements de son actionnariat.

1 - Le service public de la radiotélévision sera assuré par 9 offices publics régionaux de radiodiffusion, découpage hérité des autorisations accordées par les forces d’occupations. Afin de régler les questions techniques, juridiques, commerciales communes et de contribuer au programme commun de télévision de l'ARD1, ces 9 offices publics régionaux de radiotélévision créeront en 1950 une communauté de travail, l’ARD. En 1961, les Länder approuveront la création de la ZDF, seconde chaîne publique émettant depuis Mayence sur l’ensemble du territoire de la République Fédérale d’Allemagne.

2 - Bien qu’une autorisation donnée par un land vaille pour l’ensemble du territoire de la République Fédérale, les opérateurs se doivent d’obtenir, de chaque Land où il souhaite diffuser, une position sur le câble ou l’attribution d’une fréquence hertzienne. à charge pour eux s’ils recherchent une couverture plus large d’obtenir des licences dans les différents Länder.

3 - A la fin de 1997, du fait de la libéralisation de fréquences hertziennes, de l’extension du câble et du développement du satellite, vingt et une télévisions privées à couverture nationale partielle, et quarante cinq stations locales ou régionales, étaient autorisées en Allemagne.

4 - La télévision publique est partagée entre les dix établissements publics de radiodiffusion des Länder regroupés au sein de l’ARD, exploitant un programme national de télévision et huit programmes régionaux et la ZDF établissement public diffusant, depuis Mayence, un programme national de télévision ; la chaîne franco-allemande ARTE une chaîne satellitaire 3-SAT; deux chaînes thématiques d’accès gratuit, Phœnix et KinderKanal.

5 - l'ARD1 donne une image homogène du pays tout en reflétant le pluralisme politique et les chaînes de l'ARD 3 une vision contrastée.

Du monopole des télévisions de service public au système dual

Aux Pays-Bas, la naissance en 1919 de la radio publique grâce à l’installation d’un émetteur par une association de passionnés a créé un modèle original : l’Etat prend en charge le réseau et répartit les temps d’antennes entre des associations d’auditeurs finançant leurs programmes par les contributions de leurs membres. Repris après la seconde guerre mondiale, ce modèle est appliqué à la télévision en 1953. La société publique NOS s’occupe de l’exploitation du réseau de diffusion, des émissions d’information, du sport et des programmes éducatifs, et partage le temps d’antenne avec des associations de téléspectateurs.
Fin 1989, le Commissariat aux Médias applique la directive Télévision Sans Frontières et autorise une première chaîne commerciale, RTL-Veronique (devenue RTL 4) qui émet depuis Luxembourg via le satellite ASTRA et est diffusé sur le câble. Depuis, le marché audiovisuel néerlandais est devenu avec l’Allemagne l’un des plus compétitifs d’Europe : dix chaînes de télévision nationales (dont trois publiques) pour 6,3 millions de foyers qui ont aussi accès à une vingtaine de chaînes par câble (dont une dizaine d’étrangères attirant 18 pour cent des téléspectateurs). Les parts de marché de la télévision publique et ses recettes publicitaires se réduisent alors progressivement au profit de chaînes privées soutenues par une industrie de la production performante. Les différentes mesures prises en 1994 et 1994 (autorisation du parrainage) pour améliorer la compétitivité de la télévision publique, sans remettre en cause le principe associatif de la programmation(1), ont eu peu d’effet dans cet environnement très concurrentiel. Le gouvernement a également suivi les conclusions de la commission Ververs et créé une direction centralisée(2) chargée de mettre en place une programmation complémentaire entre les trois chaînes publiques. Mais lors du prochain renouvellement des concessions de la télévision publique, le système associatif pourrait être abandonné, d’autant plus que financement public est désormais totalement assuré par le budget de l’Etat, depuis la suppression de la redevance en 2000.

Au Danemark, le gouvernement a mis fin en 1988 au monopole de la 1ére chaîne de Danemark Radio et choisi un système de duopole public. La seconde chaîne TV 2(3) a été confiée à un établissement indépendant, à capital public, financée majoritairement par la publicité. Parallèlement, un certain nombre de télévisions privées ont été autorisées sur le câble.

En Finlande, 1957 la première chaîne de télévision YLE 1, gérée par l’établissement public Suomen Yleisradio partage son antenne depuis son lancement en 1957 avec MTV, opérateur commercial financé par la publicité et locataire de tranches horaires. Cette formule est étendue en 1964 à la seconde chaîne, puis en 1987 à la troisième.
En 1993, MTV occupe 38 pour cent du temps d’antenne des trois chaînes et le gouvernement décide de privatiser la troisième chaîne qui devient MTV3 (42 pour cent d’audience en 1998). Les deux premières chaînes, YLE 1 et YLE 2 restent dans le secteur public et une seconde chaîne commerciale est autorisée en 1994, Kanal 4. Cependant les mutations technologiques et les mouvements de concentration entre opérateurs laissent présager de profonds bouleversements du paysage audiovisuel finlandais. Pour préparer la télévision publique à la Société de l’Information, le gouvernement lui a donné en 1994 une nouvelle base juridique facilitant l’ouverture de son capital et limitant à 70 pour cent le contrôle de l’Etat.

En Suède, la radiotélévision est gérée jusqu'en 1990 par Sveriges Radio AB, un holding au statut de Fondation, dont le capital est réparti entre actionnaires privés, groupes industriels (20 pour cent), entreprises de presse (20 pour cent) et secteur public (60 pour cent). Exclusivement financée par la redevance et les subventions, la radiotélévision publique est partagée en 1991 entre trois Fondations : la SVT pour les deux chaînes de télévision, SR et Severige UtbidningsRadio pour la radio et la télévision éducative. Trois sociétés anonymes filiales à 100 pour cent des trois fondations(4) assurent l’exploitation des services de radiodiffusion.
En mars 1991, la forte pénétration de chaînes commerciales du satellite et du câble oblige le gouvernement à mettre fin au monopole de la télévision publique et à autoriser la création d’une chaîne nationale privée TV 4, financée par la publicité(5). Face aux chaînes importées(6), TV4 va s’affirmer, ce qui entraîne la diminution de moitié de l’audience des deux chaînes publiques. En 1995, le Parlement décide de baisser le budget de la SVT de 11 pour cent en trois ans, puis la loi de juin 1996 incite la télévision publique à augmenter ses commandes à la production indépendante, à réduire ses effectifs de plus de 10 pour cent et à se réorganiser pour renforcer sa compétitivité.

En Grande-Bretagne, la monopole télévisuel de la BBC lancé en 1936 est remis en cause par Lord Hankey qui fut chargé de planifier le redémarrage de la télévision à la fin de la guerre. En 1946, la licence de la BBC est donc reconduite simplement à titre provisoire jusqu'à décembre 1951. Le renouvellement de la licence et de la Charte de la BBC en 1952 donne l’occasion à la majorité conservatrice d’évoquer la possibilité de développer une télévision régionale. Et deux ans plus tard, le ‘Television Act’ met fin au monopole de la BBC en créant l'Independant Television Authority et en instaurant un duopole de service public télévisuel(7). Les structures de direction de la BBC et de l’ITA se ressemblent d’ailleurs beaucoup, chacune dotée d'un conseil de douze Gouverneurs nommant le Directeur général. L’ITA va évoluer avec souplesse par rapport à ses missions de service public pour permettre aux nouvelles sociétés d'exploitation de l’Independant Television (ITV) de se développer avec des programmes populaires. En 1960, la BBC n’attire plus que 35 pour cent des téléspectateurs, malgré ses efforts pour adapter sa grille à la concurrence. Le gouvernement confie alors une mission d'évaluation de la télévision commerciale et de réflexion sur l'avenir de la télévision britannique, au directeur de la Banque d'Angleterre, Lord Pilkington. Celui-ci fustige le laxisme de l’ITA, érige la BBC en exemple et recommande la création d’une seconde chaîne au sein de la BBC. La naissance de BBC2 en avril 1964 va permettre une programmation plus populaire sur BBC1 et donner à l'ITA la possibilité d’organiser la mission de service public de la télévision commerciale(8).
La télévision britannique vit son âge d’or. Au début des années 70, la BBC attire la moitié des téléspectateurs avec BBC 1 (40 pour cent) et BBC 2 (10 pour cent), tandis qu’ITV séduit le reste de l’audience. Mais cet équilibre est instable car la télévision indépendante dispose de ressources beaucoup plus importantes(9).
En 1987, l’économiste Alan Peacok se livre à une étude prospective sur la télévision à la demande du gouvernement de Margaret Thatcher peu satisfait de la BBC. Contrairement aux attentes de ses commanditaires, il prend position pour la BBC et se montre très critique pour la télévision indépendante. Opposé à tout financement publicitaire de la BBC, il recommande l’indexation de la redevance sur l’indice des prix (mesure adoptée en 1988), sans exclure l’introduction partielle de services à péage sur les deux chaînes de la BBC(10). Le rapport reproche à ITV d'abuser de son exclusivité publicitaire par des pratiques tarifaires prohibitives. Afin de briser ce monopole en faisant jouer la concurrence, il propose de rompre les liens entre ITV et Channel 4 et de vendre les concessions régionales d’ITV pour ouvrir l’audiovisuel à de nouveaux opérateurs. Enfin, pour favoriser l’industrie de la production, le rapport préconise de réserver aux producteurs indépendants 25 pour cent des temps d'antenne d’ITV et des deux chaînes de la BBC.
Le «Broadcasting Act de 1990» reprend l’essentiel de ces idées. L’ITV perd son monopole sur la télévision commerciale qui est partagée entre trois chaînes hertziennes nationales : Channel 3 qui regroupe les opérateurs des quatorze licences régionales et de la télévision du matin, Chanel 4 ‘Trust public’ indépendant et Channel 5. La nouvelle instance de régulation, l’ITC(11), est déchargée de la gestion du réseau assuré auparavant par l’IBA(12) et contrôle l’ensemble des services privés de télévision en Grande-Bretagne quel que soit le support de diffusion : toutes doivent obtenir une licence ou une autorisation.
La BBC, dont la licence et la Charte royale ont été renouvelées en 1996, n’a pas échappé aux turbulences de l’audiovisuel britannique et a dû s’adapter, subissant de profondes réformes pour se maintenir face à la concurrence croissante et développer de nouveaux services relevant de sa mission de service public dans l’environnement numérique.

Au début des années ‘90, le système dual associant radio diffuseurs publics et privés, s’est imposé en Europe. Mais les évolutions des structures des télévisions publiques ont eu des répercussions sur leurs sources de financement.

1 - Chacune des trois chaînes publiques se devait d’avoir une couleur différente : Nederland 1 l’éthique et les valeurs morales, Nederland 2 familiale et confessionnelle, Nederland 3 culturelle et informative, les journaux télévisés, le sport et programmes éducatifs de la NOS étant diffusés sur les trois chaînes.

2 – Un conseil d’administration de trois membres est chargé de définir les stratégies de développement et de concevoir la programmation des trois chaînes publiques dirigées chacune par un coordonateur, dispositif complété par un conseil de surveillance représentant les associations responsables de la programmation.

3 – Le Ministre des Communications nomme cinq des huit membres du Conseil d’administration de TV 2 qui a mission de produire et de diffuser un programme de télévision régionale avec obligation de créer des établissements régionaux gérés par leurs propres conseils d’administrations.

4 – Deux filiales communes, complètent ces dispositifs, l’une la RIKAB pour la perception de la redevance reversée au "Broadcasting Fund Service" du ministère des finances, l’autre la SRF pour les services communs organisée en trois branches : RTH (santé et médecine du travail), SRTVF (bâtiments) et SRFA (comité d'entreprise).

5 – La chaîne commerciale, attribuée en novembre 1991, à Nordic TV/TV4, se doit de diffuser une "proportion considérable de programmes suédois" et être représentative "des différents secteurs de la société suédoise".

6 – TV 3 du groupe Kinnevic de Kanal 5 du groupe SBS et de deux chaînes à péage TV 1000et Canal+Nordic

7 – L’Independant Television Authority (ITA) a "pour devoir d'assurer des programmes de télévision sous la forme d'un service public destiné à répandre l'information, l'éducation et la distraction". L'ITA, sera remplacée, en 1974 lors de l'autorisation des radios privées, par l'IBA, Independant Broadcasting Autority

8 – Le territoire de la Grande-Bretagne sera découpé en 14 régions, correspondant à peu près aux régions d'émission de la BBC, et dans chacune de ces régions l’ITC attribuera une licence de télévision, sauf à Londres où la licence sera partagée entre deux sociétés opérant l'une en semaine et l'autre le week-end. Ces licences seront assorties de cahiers des charges détaillés qui entendaient, notamment, garantir le respect de la mission de service public et aligner la production de l'ITV sur celle de la BBC.

9 – Budget 1968, était de 54 M £ pour la BBC et 100 M £ pour l’ITV.

10 – A l'automne 1988, la BBC ouvrira la nuit un service crypté d'émissions pour les professions médicales, paramédicales et les étudiants en médecine.

11 – L’ITC a vocation à autoriser et contrôler l'ensemble des services de télévision privés diffusés en/ou depuis la Grande-Bretagne (hertzien, câble et satellite) même si ceux-ci n'utilisent pas de fréquences allouées par les autorités britanniques. Les chaînes satellites diffusées depuis la Grande-Bretagne par des satellites non britanniques (non domestic satellite -NDS-) comme BskyB, sur le satellite luxembourgeois ASTRA, doivent obtenir une autorisation de l'ITC, selon une procédure simplifiée de "licence for non domestic satellite". De même, les télévisions émises depuis l'étranger vers le territoire de la Grande-Bretagne sont tenues de demander une autorisation (Licensable Programme Service -LPS-), relevant du régime de la déclaration. Faute de cette licence, l’ITC peut interdire la vente en Grande-Bretagne des systèmes de décodage nécessaires à la réception, la reprise du programme par les câblo-opérateurs britanniques et la commercialisation d'espaces publicitaires en Grande-Bretagne.

12 – Financée par les compagnies indépendantes de télévision, l'ITC qui emploie de l’ordre de 200 personnes, à Londres et dans ses 11 bureaux régionaux, ne participe pas, comme l'IBA, au fonctionnement et à la programmation de Channel 3 mais exerce un contrôle a posteriori de la conformité du programme à la législation et aux contrats de licence ainsi qu’au code déontologique de la radiodiffusion élaboré par le Broadcasting Standard Council -BSC. Les infrastructures techniques de transmission et de diffusion, préalablement gérées par l'IBA, ont été cédées à une société privée, NTL National Transcommunication Limited, au capital de 70 millions de £ créée en 1991, qui assure la transmission et la diffusion hertzienne de la télévision et de la radio privée.

L’évolution du financement de la radiodiffusion publique en Europe Dans la majorité des pays européens, la télévision publique a d’abord été financée par une redevance, dont les revenus augmentaient avec le parc de téléviseurs. La mise en place d’une redevance additionnelle pour la télévision couleur a d’abord permis d’assurer la croissance des revenus indispensables à une télévision en développement. Le nombre de téléviseurs en service arrivant presque à son maximum, les Etats considérèrent alors la publicité comme un bon moyen pour financer la télévision sans trop augmenter la redevance. Cependant, chaque pays de l’Union européenne a choisi des solutions différentes, en fonction des particularismes nationaux. Tandis que la Grande-Bretagne et la Suède refusent fermement la publicité sur les antennes des chaînes publiques, la plupart des autres Etats l’autorisent avec des limites strictes pour ne pas porter préjudice à la presse écrite et par crainte de transférer aux annonceurs le contrôle économique des chaînes publiques.
L’Autriche, la France, l’Irlande, l’Italie et la Communauté française de Belgique choisissent le principe de financement mixte, associant redevance et publicité. L’Allemagne et les Pays-Bas, attachés au principe du financement public, considèrent le financement publicitaire comme un complément nécessaire. Le Danemark, lui, adopte une solution originale en confiant ses deux chaînes publiques à deux entités distinctes, l’une financée par la redevance, l’autre par la publicité.
En l’absence de redevance en Espagne où elle n’a jamais existé et au Portugal où elle a été supprimée à la fin des années 80, les pouvoirs publics essayent en vain de financer exclusivement leurs télévisions publiques avec la publicité, mais l’environnement concurrentiel est trop fort.
La Finlande et la Grèce ont rejoint récemment le camp des pays qui refusent la publicité sur les télévisions publiques (auquel appartient aussi la Communauté flamande de Belgique), l’une après la privatisation de la troisième chaîne, l’autre à cause de l’évolution de son marché télévisuel.
Au-delà des diversités, les modèles de financement de la radiodiffusion publique en Europe doivent être conforme au droit communautaire. Aussi, les Etats membres de l’Union européenne ont souligné dans le protocole d’Amsterdam, que la mission d’intérêt général culturel et social de la télévision publique leur donne l’obligation de définir et d’organiser la mission du service public de radiodiffusion, et de pourvoir à son financement.
Dans l’environnement concurrentiel actuel, le financement des radiodiffuseurs publics (indispensables pour le pluralisme de l’information) ne peut ignorer l’équilibre économique nécessaire entre opérateurs publics et privés. C’est la raison pour laquelle des règles limitent le financement publicitaire des télévisions publiques. Dans la même logique, des mécanismes ont été instaurés par les Etats membres pour garantir la transparence des relations financières avec les pouvoirs publics : aides directes ou indirectes, contrôle de l’exécution de leur mission de service public et de l’utilisation de leurs ressources. De son côté, la Commission veille à ce que le financement des télévisions publiques n’altère pas les conditions des échanges, et elle s’assure de la pertinence des procédures nationales garantissant la transparence de leur financement des radiodiffuseurs publics.

Aujourd’hui, les pays de la Communauté européenne disposent de systèmes audiovisuels équilibrés entre opérateurs publics et commerciaux, ce qui répond aux attentes du téléspectateur à la fois «citoyen» et «consommateur. Dans l’environnement analogique de la télévision, caractérisé par la rareté, cet équilibre garantit le pluralisme des opinions et la diversité culturelle, sources de la richesse de l’Europe. Désormais, opérateurs publics et privés, pouvoirs publics nationaux et communautaires, doivent prévoir et organiser leur avenir numérique.

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