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Le cinéma européen soutient le dialogue interculturel - Etude de cas: Caramel

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- Caramel, est le premier long-métrage de Nadine Labaki, d'origine Libanaise. Le film qui a débuté à Cannes 2007 au sein de la section Quinzaine des Réalisateurs, est devenu un cas unique non pas à cause du cliché du conflit, mais grâce aux vies de cinq femmes libanaises qui se croisent avec des questions universelles et qui ont hypnotisé le public du monde entier.

Caramel – Un Liban tel qu’on nous le montre pas aux actualités

Pour la productrice française Anne Marie Toussaint, la foi dans l’importance du dialogue interculturel s’est traduit par un an de sa vie passé à soutenir la libanaise Nadine Labaki dans son projet de convertir sa vision créative en un premier film qui fut récompensé par de nombreux prix. CARAMEL, une comédie dramatique avec une distribution presque entièrement féminine, aura terminé son tournage quelques jours à peine avant le retour de la guerre au Liban en 2006. Après sa présentation triomphale au Festival de Cannes, le plus grand festival de cinéma au monde, le film s’est imposé comme un porteur de flambeau pour l’affirmation d’un culturel message positif, un antidote précieux au dérapage du Liban dans un retour vers le cauchemar de la guerre.

« En tant que productrice, j’adore sortir des sentiers battus. A chaque fois, c’est un vent d’air frais », livre Anne Dominique Toussaint, la productrice française de Caramel.

La carrière d’Anne Marie est jalonnée de films qui sortent effectivement des sentiers battus, de films qui apportent aux audiences de cinéma des visions fraîches et nouvelles. En 2002, Anne Dominique a produit la comédie dramatique Respiro. Réalisé à partir d’un très petit budget avec une distribution inconnue et un réalisateur dont ce n’était que le second film, Respiro n’en a pas moins gagné des prix prestigieux, dont le Grand Prix de la Semaine de la Critique au Festival de Cannes.

La prise de risque sur Caramel, une comédie dramatique sur un groupe de jeunes femmes dans le Beyrouth d’aujourd’hui, aura été d’un autre ordre de grandeur. « J’ai pris la décision de commencer à filmer au Liban sans garantie que nous serions en mesure de terminer le film, parce qu’un tiers du budget nous manquait encore ». Pari tenu : ayant visionné des rushes, les télévisions et exportateurs de films en France avanceront le reste du budget, permettant ainsi à Anne Dominique et sa jeune réalisatrice Nadine Labaki, de compléter la post-production à Paris.

Née au Liban, Nadine n’avait jamais scénarisé ou réalisé de longs métrages avant Caramel . « J’étais de passage à Beyrouth en 2003 et j’ai été frappé par la qualité de son travail de réalisatrice de clips musicaux. C’était vital, visuellement mémorable et elle semblait avoir un talent particulier pour obtenir les meilleures performances des ses actrices » observe Anne Dominique. « Elle se sentait limitée au Liban et souhaitait déployer son talent ; je l’ai donc encouragée à écrire un scenario ». Sur les conseils d’Anne Dominique, Nadine dépose alors un dossier auprès de la Résidence du Festival de Cannes. La Résidence est à la fois un lieu physique – une superbe villa au centre de Paris – et une expérience d’immersion totale dans la scénarisation pendant une période de 6 mois, permettant à de jeunes cinéastes et scénaristes de s’octroyer une période sabbatique durant laquelle ils peuvent développer exclusivement leurs projets. Nadine est immédiatement sélectionnée parmi des centaines de candidatures venues du monde entier pour être l’un des six résidents de la villa.

En mars 2005, Nadine dépose un premier scénario achevé dans les bureaux des Films des Tournelles, l’entreprise de production d’Anne Dominique, au centre de Paris. « J’ai tout de suite aimé le projet, dit Anne Dominique C’était vivant, drôle, poignant avec des personnages qu’on voit très rarement à l’écran : des jeunes femmes arabes luttant pour tenter de trouver des opportunités et donner un sens aux conflits dans une culture en transition ». A partir de cet instant, les deux femmes entrent dans une période qu’Anne Dominique évoque avec l’expression « parcours du combattant », pour tenter de financer le projet. En termes européens, ce projet représentait un petit budget, mais pour le Liban, pays dont l’industrie du cinéma reste en gestation, il s’agissait d’un défi important. Malgré les obstacles financiers, le projet réussit néanmoins à entrer en production grâce à des financements venus du monde arabe.

A Beyrouth, le distributeur Sabban Media offre une avance modeste contre les droits cinéma et vidéo/DVD dans tous les pays arabes. ART, la plus importante plateforme de télévision à péage dans la région, achète également un droit d’antenne pour diffusion sur son empreinte pan-arabe.
Le projet est également soutenu à ce stade par deux fonds publics français et dédies au soutien aux projets venus des pays en voie de développement. Ce sont le Fond Sud et l’Agence pour la Francophonie. Fond Sud, géré en partenariat entre le Centre National de la Cinématographie (CNC) et le Ministère des Affaires Etrangères, a été lancé en 1984. Le fond offre des subventions modestes, qui font néanmoins effet de levier car la plupart des projets candidats ont des budgets ne dépassant pas les 1,5 millions €. « Entre le Fond Sud et l’Agence pour la Francophonie, nous avons pu couvrir 10% du budget très en amont, ce qui nous a été très utile pour nous lancer ». Lorsqu’elles rentrent de Beyrouth, le tournage achevé, Anne Dominique et Nadine se voient offrir une avance commerciale de la société d’exportation Roissy Films, contre les droits de vente du film dans le monde entier. Cette avance permet de réduire un déficit qui reste important. Bac Films, un distributeur très expérimenté, contribue également une avance sur la distribution en salle et en DVD sur le territoire français. Le budget est enfin clos, lorsque que la chaîne culturelle franco-allemande Arte offre de couvrir le déficit restant, contre des droits de diffusion limités.

« La production n’est jamais le vrai défi » remarque Anne Dominique. « Le véritable test, c’est la distribution et l’accès au marché. Un film comme Caramel a besoin qu’on lui mette le pied à l’étrier, quelque chose qui va l’aider à sortir du rang et le faire remarquer ». De ce point de vue, le film aura reçu exactement ce qu’il méritait : sélectionné pour la très prestigieuse Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes, il reçoit un accueil triomphal et une vague d’attention des medias. La politique aura sans doute joue son rôle : le tournage de Caramel s’est achevé le 3 juillet 2006. Le 12 juillet, les bombardements israéliens commençaient, plongeant à nouveau dans le cauchemar répétitif de la guerre.

« Caramel a très bien marché au Liban » observe Anne Dominique. « Son impact a été tellement plus profond que les 130,000 entrées en salles, ce qui, en soit, est un très bon résultat pour un pays avec si peu de salles de cinéma. Le film a servi à affirmer aux yeux du monde ce que sont les libanais : des êtres humains complexes à multiples dimensions et non pas des victimes sans défense ou des fourbes. Le cinéma a cet effet parfois. Il peut nous ouvrir aux autres en révélant ce que nous avons en commun. Voilà les films que je veux faire ».

CARAMEL a reçu le soutien du Centre National de la Cinématographie et du Fond Sud (France)

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