Le cinéma européen soutient le Dialogue Interculturel - Etude de cas: Rainbow Producer
- Le Directeur de la Berlinale Dieter Kosslick rappelle le dévouement et la contribution à plusieurs films mineurs du célèbre producteur français Humbert Balsan, qui est mort tragiquement en février 2005.
Le Producteur arc-en-ciel – un homme et sa quête pour un cinéma multiculturel
Dieter Kosslick, directeur de la Berlinale, se souvient avec un chagrin mêlé
d’admiration de l’engagement auprès d’un cinéma multi-culturel du producteur
de film Humbert Balsam, décédé tragiquement à la veille de la Berlinale 2006.
L’amitié entre Humbert et Dieter fut cimentée par la passion partagée des
deux hommes pour l’idée d’attirer l’attention du public européen vers des films
reflétant la condition et les aspirations de tout l’humanité.
Si Balsam avait choisi de focaliser une énergie et un talent considérables vers
une autre activité au cours de vingt dernières années, beaucoup moins de
films témoignant des mutations culturelles dans le monde arabe, et de la lutte
identitaires des jeunes européens d’origine arabe, auraient vu le jour.
Beaucoup des films produits à travers l’entreprise d’Humbert Balsam ont reçu
le soutien financier du Filmfoderung Anstalt, et fonds régionaux allemands,
ainsi que du Fond Sud français et des Agences Européennes du cinéma
(EFAD).
« Ah, mais la main de l’homme doit s’étirer au-delà de ce qui est à sa portée,
ou à quoi bon le paradis ? ». Cette citation célèbre du poète et auteur de
théatre anglais Robert Browning aurait pu être la devise du producteur de
cinéma français Humbert Balsan lorsqu’il était encore en vie. Cet ancien
acteur devint de son vivant l’un des producteurs européens les plus
prolifiques et éclectiques de sa génération. En fin de compte, c’est sans doute
sa dévotion même et le stress et l’épuisement qu’elle engendra, qui aura
mené à cette mort précoce : le 10 février 2005, il se suicida dans les bureaux
parisiens de Ognon Pictures, l’entreprise de production dont il était le
fondateur et qu’il avait menée énergiquement à une position de leadership
dans le marché du cinéma de qualité à rayonnement mondial.
Avant la tragédie, Balsan s’était assuré un statut très spécial au sein de ses pairs européens. Il fut non seulement l’un des producteurs les plus dynamiques de co-productions européennes de qualité, mais fut particulièrement dédié à la cause de donner leur chance à de nouveaux cinéastes. En tant que français passionné par l’idée de refléter les mutations de la société dans lequel il fut élevé, cela se traduit par une utilisation délibérée de son savoir faire de producteur pour contribuer à réduire le fossé culturel entre la France contemporaine et le monde arabe, d’où sont originaires un forte proportion des français aujourd’hui issus de l’immigration.
Les dernières années de la vie de Balsan virent aboutir ses patients efforts de développement des auteurs arabes. Le Grand Voyage, d’Ismael Ferroukhi, film doux-amer dans lequel un jeune français musulman non-pratiquant et d’origine arabe accompagne sans conviction son père en pèlerinage a la Mecque, reçut plusieurs prix prestigieux et trouvant un audience enthousiaste dans les salles. La Porte du Soleil de Youri Nasrallah, épopée historique sur les palestiniens, remporta un grand succès critique et contribua beaucoup à la promotion de perspectives nouvelles sur le conflit israélo-arabe.
L’un des proches présent aux funérailles de Balsan était Dieter Kosslick, le président de la Berlinale. L’amitié entre les deux hommes remontait à 1994. A cette époque, Dieter dirigeait le fond régional Nordrhein Westfalen Film Stiftung. A ce titre, il aida Balsan à produire La Lumière des Etoiles, un drame de la deuxième guerre mondiale montrant l’amitié fragile qui se développe entre un jeune français et un jeune soldat allemand. « Plus j’ai découvert Humbert, plus le projet m’a paru correspondre à sa personnalité » observe Dieter. « La plupart des films sur la deuxième guerre réduisent les soldats allemands à de simples caricatures. Mais ce scénario se focalisait sur le fond commun d’humanité derrière la tragédie de la guerre. Il représentait ce qui a été le centre d’intérêt d’Humbert toute sa vie : utiliser le cinéma pour démontrer que ce que nous avons en commun est beaucoup plus puissant que ce qui nous oppose ».
L’amitié entre Humbert et Dieter fut cimentée à travers une passion partagée pour un cinéma de qualité à rayonnement mondial. Dieter aimait la générosité d’Humbert et son habitude d’être en permanence entouré d’une tribu amis et collègues. « Ce n’est pas surprenant qu’il était à ce point amoureux du monde arabe », songe Dieter. « Il partageait leur sens de l’hospitalité, leur sens de la famille et l’art de la conversation. Toutes ces choses, ces valeurs humaines, il les utilisa comme une sorte de passeport culturel, qui le mettait à l’aise avec quiconque, partout dans le monde ».
Dieter remarque également qu’à travers son oeuvre, Humbert aura démontré un intérêt obsessionnel pour la « politique de la réconciliation ». Et cette politique n’était pas incompatible avec la fermeté : Humbert semblait comprendre mieux que quiconque que tout processus de réconciliation doit d’abord passé par une confrontation avec des réalités peu gratifiantes. Cette croyance l’amena à soutenir les oeuvres d’auteurs tels que Youssef Chahine, le cinéaste dissident le plus célèbre d’Egypte, dont les films dénonçaient courageusement la corruption politique et les hypocrisies des hiérarques dans le monde arabe. Le Destin, réalisé par Chahine en 1992, fut considéré pour la Palme d’Or à Cannes cette année là et sa sortie provoqua les attaques véhémentes des intégristes islamiques en Egypte. Depuis ce temps là, Humbert continua à apporter son soutien à Chahine, à travers le producteur égyptien du cinéaste, Gaby Khoury.
« J’aime à croire que la Berlinale incarne l’esprit des producteurs tels que Humbert » déclare Dieter. « Je crois en un cinéma qui ouvre l’esprit et j’essaie de refléter cela dans la manière dont nous programmons Berlin. Ce que des gens comme Humbert nous rappellent, c’est que ce médium peut faire la différence, parfois. Le cinéma peut nous faire prendre conscience du fait que si nous n’avons pas la capacité de regarder au-delà de nos frontières et de faire preuve de curiosité et de respect envers d’autres cultures, nous nous condamnons collectivement à répéter les conflits du passé ». L’un des festivals de cinéma les plus influents du monde, qui a donné l’impulsion initiale à la carrière internationale de nombreux films courageux, la Berlinale fonctionne sur la même philosophie et la même vision que celles qui inspirèrent Humbert Balsan durant une vie tragiquement écourtée.
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