Le Cinéma européen soutient le Dialogue Interculturel - Cas d'étude: La Zona de Rodrigo PláA
La Zona – talent mexicain, ressources espagnoles, cri d’alarme universel
« On pourrait dire que La Zona est l’histoire d’un vol à main armé qui tourne mal. En réalité, c’est l’histoire d’une société brisée et divisée, l’histoire de deux mondes qui se craignent et se ha_ssent. Que faire, lorsque l’inefficacité et la corruption de ceux qui sont censés administrer la justice ne nous laissent d’autres choix que de nous protéger nous-mêmes ? »
Rodrigo Plà, le jeune premier réalisateur et co-scénariste du film hispanomexicain La Zona ne croit pas à la vertu de garder le secret quant aux thèmes sous-jacents de ce polar pessimiste et tendu. Membre d’une génération de latino-américains de plus en plus désenchantés par les promesses non tenues de régimes successifs, Plà croit au contraire en la nécessité de faire des films engagés et provocants, à caractère politique. La Zona, c’est le cinéma polémique à son meilleur, visant clairement les hypocrisies d’une société injuste et divisée.
Superficiellement, La Zona raconte l’histoire de deux jeunes venus des deux pôles opposés d’un spectre social fracturé. L’écolier adolescent Alejandro vit avec sa famille huppée à l’intérieur de « La Zona », une enclave à haute sécurité pour privilégiés et fortunés à l’intérieur d’une grande ville ou la pauvreté est dominante. Après que leur tentative de vol à main armée aie mal tournée, les trois jeunes délinquants – qui se ont réussi à s’introduire dans La Zone à la faveur d’un orage, tente de s’échapper. Seul l’un d’entre eux, Miguel, parvient à éviter le coup de filet brutal des agents de sécurité de La Zone et la violence revancharde des citoyens. S’étant caché, il trouve un allié inattendu en le jeune Alejandro qui accepte de l’aider, avec réticence tout d’abord, puis avec une conviction croissante plus cet enfant du privilège prend conscience de la violence et des mensonges qui sont le prix à payer pour la sécurité et le confort de sa famille.
L’histoire de la production de La Zona est également celle d’une relation entre deux mondes, bien qu’il s’agisse d’une relation plus sereine que celle que dépeint le film. Cette relation est typique des connexions créatives entre l’Espagne et l’Amérique latine dans le domaine du cinéma. Avec son budget de 3 millions de dollars, le film aura coûté plus que la majorité des films mexicains. « La Zona a nécessité ce type de budget international de façon à permettre à Rodrigo d’exprimer sa vision cinématographique d’un monde qui est devenu amer », dit le co-producteur espagnol du film, Alvaro Longoria, de Morena Films. « S’il avait du reposer seulement sur un financement mexicain, le film n’aurait jamais eu l’impact qu’il a eu. L’accès au financement international est stratégique pour les cinéastes latins et Espagne, nous pouvons faire la différence en soutenant les ambitions de ces cinéastes », ajoute-t-il.
Mesuré à l’étalon du cinéma indépendant anglo-américain, 3 million de dollars n’est peut être pas grand-chose pour un long métrage. Cependant, pour le cinéma latino-américain, c’est un gros budget et Rodrigo s’est montré très discipliné dans ses efforts pour assurer que ces moyens sont reflétés sur l’écran. Les décors sont convaincants, les séquences d’action réalisées avec brio et réalisme et la photographie par le chef-opérateur Emiliano Villanueva est vive et expressive.
Pour financer le projet, Alvaro et ses partenaires mexicains ont fait appel à pas moins de six sources majeures de financement au Mexique, en Espagne et dans le reste du monde. La contribution mexicaine a été constituée d’un mélange de concession fiscale, investisseur privé et l’agence de soutien au cinéma Fidecine (Fon de de Inversíon y Estímulos al Cine). L’Espagne a contribué un prêt bancaire accordé avec des termes de repaiement très favorables par une institution bancaire membre d’un Accord souscrit entre l’ ICAA (Instituto de la Cinematografía y de las Artes Audiovisuales) et l’ICO (Instituto de Crédito Oficial) et dont les intérêts sont partiellement garantis et subventionnés par l’ICAA. De surcroît, le film répond aux critères lui permettant de recevoir un soutien automatique du l’ICAA, lié au nombres d’entrées en salles en Espagne. Des financements institutionnels supplémentaires ont été apportés pas Ibermedia, un Programme basé à Madrid et dédié intégralement au financement de co-productions entre l’Espagne, le Portugal et quinze pays de l’Amérique latine. Sur la base du sujet et du scénario, Wild Bunch , un producteur et exportateur international de films très expérimenté, basé à Paris, a couvert une partie du budget manquant avec un minimum garanti couvrant la valeur des territoires pour lesquels les droits sur le film n’étaient pas encore pré-vendus. Le solde a été couvert grâce à des pré-ventes aux télévisions espagnoles et une avance modeste contre les droits d’exploitation en salle en Espagne.
La Zona est sans aucun doute un exemple prééminent de coopération interculturelle, mais le film a-t-il réalisé ses ambitions d’attirer de l’audience hors du Mexique ? Quelques mois après avoir achevé sa production, le film était déjà acheté par des distributeurs dans onze pays européens. Bien qu’il ait connu une performance décevante en Espagne, La Zona a réalisé 150 000 entrées en France après ses trois premières semaines d’exploitation et plus de 200 000 euros dans les cinémas italiens. Un test important pour le film sera sa distribution aux Etats-Unis, ou la forte communauté latino-américaine représente un public potentiel important pour un thriller de qualité en espagnol. Plus significatif peut-être, est le fait que le film a généré un un débat critique très vigoureux sur les inégalités sociales et la politique de la planification urbaine et de la sécurité.
Pour Alvaro, le pari aura été gagnant. La visibilité internationale du film et son succès critique aideront à lancer la carrière de Rodrigo en tant que nouveau réalisateur possédant une vision originale. « A l’avenir, je veux rester focalisé sur l’Amérique latine. Le réservoir de talent là bas est tellement plus vaste que celui de l’Espagne et les conditions de vie sont telles qu’on peut y trouver des sujets très fort partout », remarque Alvaro. « Mon rôle est de mobiliser des ressources espagnoles et européennes pour donner a ce talent latinoaméricain des opportunités de présenter leurs créativité sur un canevas plus vaste et de toucher une audience internationale ».
Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.