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Carla Juri • Actrice

Interview - Shooting Stars 2013 - Suisse

Carla Juri, jeune actrice de 27 ans, représente la Suisse aux Shooting Stars de la 65e Berlinale.

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Carla Juri, entre douceur et immondices

Elle tient le rôle principal dans le film tiré de Zones humides (Feuchtgebiete), les confessions érotiques de Charlotte Roche. Mais Carla Juri, jeune actrice suisse de 27 ans, s’est faite connaître avec un tout autre rôle, celui de l’amante de Dällebach dans le film de Xavier Koller Eine wen iig, der Dällebach Kari. Durant le Festival international du film de Berlin, la jeune Tessinoise représente également la Suisse aux Shooting Stars. Portrait.

On ne sait pas très bien ce qui met feu à ce brasier intérieur, mais quand Annemarie sourit à son Kari, c’est tout le salon de coiffure qui semble s’illuminer. Et pourtant, cette jeune fille de bonne famille paraît si fragile et à fleur de peau qu’elle nous inspire plutôt de l’inquiétude, elle qui a osé défier l’esprit de classe pour tomber amoureuse de ce drôle de Dällebach. Indépendamment de ce que l’on peut penser du contemplatif Eine wen iig, der Dällebach Kari de Xavier Koller, le personnage d’Annemarie a marqué les esprits. D’ailleurs, le rôle valut à Carla Juri le Prix du Cinéma Suisse 2012 de la meilleure interprétation féminine.

Et voici qu’elle joue le rôle principal dans Feuchtgebiete (Zones humides), l’adaptation de David Wnendt du roman à scandale de Charlotte Roche. Son personnage, Hélène, 18 ans, hospitalisée pour l’opération d’une fissure anale,  avec délices et dans un langage volontairement provocateur la saleté, le sexe et les secrétions corporelles.

Lorsque dans le courant d’un entretien via skype, on la questionne sur sa décision d’accepter le rôle, elle répond avec beaucoup de réserve. Le tournage s’est déroulé dans la plus grande discrétion, et le film lui-même n’est pas encore terminé. La jeune actrice ne souhaite donc rien dévoiler de concret au sujet de l’intrigue ou du tournage. On est frappé par le sérieux avec lequel elle parle de son travail, en bernois parsemé de mots en anglais, ses phrases ponctuées par son rire ingénu.

Ambri - New York - LA

Carla Juri est actuellement à Berlin, où elle participe à l’événement des Shooting Stars, durant la Berlinale. Elle consacre donc beaucoup de temps aux entretiens, mais travaille aussi à la postsynchronisation de Finsterworld, une tragicomédie allemande de Frauke Finsterwalder. En outre, elle sera bientôt à l’affiche du thriller anglais Fossil d’Alex Walker, et tient un petit rôle dans Lovely Louise de Bettina Oberli.

Il se passe donc bien des choses dans la vie professionnelle de cette jeune femme, qui partage son temps entre trois villes, Rome, Berlin et Londres. Comme pour s’excuser, Juri explique que cela tient aux trois agences qui gèrent chacune une région linguistique. Elle tient à mettre à profit son plurilinguisme, un atout important pour sa carrière.

Carla-Caterina Juri passe son enfance au Tessin, dans le village d’Ambri. Avec son père avocat, elle s’entretient en allemand ou en dialecte tessinois. Avec sa mère, lucernoise d’origine, elle parle en suisse allemand ou en italien. Lorsqu’on lui demande d’où vient donc son bernois, elle rit: il lui serait resté après son rôle d’Annemarie. En effet, un intense travail linguistique avait fait partie de sa préparation. Mais l’accent serait gentiment en train de s’estomper.

L’anglais, Carla Juri l’a appris adolescente, lorsqu’à l’âge de quinze ans elle partit seule pour fréquenter une High School dans l’Etat de New York. A l’époque, sa motivation avait plus à faire avec le hockey sur glace qu’avec de quelconques ambitions linguistiques : la délicate jeune femme jouait dans une équipe de garçons à Ambri, et l’entraîneur, un canadien, lui suggéra d’étudier dans un Sports College outre-Atlantique, où elle aurait la possibilité d’intégrer une équipe féminine.

Carla Juri rentre en Suisse pour passer sa maturité, mais elle retourne aux Etats-Unis pour suivre en 2005-2007 une formation de comédienne à Los Angeles. C’est là que, sous l’égide de son professeur et mentor Douglas Matranga, elle se familiarise avec la Méthode et avec la technique de Meisner (d’après Sanford Meisner, élève de Stanislavski). Après quelques engagements au sein du Theatrical Arts Theatre Company de Los Angeles, elle part en 2008 pour Londres, où elle poursuit sa formation au Actors Centre et participe à deux courts métrages.

La peur comme moteur

C’est en Suisse qu’elle reçoit pour la première fois un second rôle dans un long métrage. Dans le film mosaïque de Cihan Inan 180° (2009), elle interprète le personnage d’une femme à la recherche de la victime d’un accident automobile dont elle et son amant sont la cause. Sa prestation lui valut le Prix du Cinéma Suisse pour le meilleur second rôle.

Dans ce rôle déjà, l’actrice apparaissait sensible et délicate, ses accès de colère ne la mettant que plus à nu. Oser quelque chose de complètement différent avec le personnage d’Hélène et son penchant pour l’obscène et le scabreux, fut-ce donc une expérience libératrice ou plutôt terrifiante? «Ni l’un ni l’autre. Mais j’étais impressionnée par le projet, ce qui est toujours pour moi une bonne raison d’accepter un rôle. Je choisis des personnages qui présentent un défi. Instinctivement, je sens que c’est intéressant du moment que je prends un risque.»

Ses paroles laissent transparaître un certain jargon professionnel. La technique, qu’elle se nomme Méthode ou Meisner, sert aussi de stratégie pour tout soumettre à un point de vue professionnel, et donc pour se protéger. «Ce qui compte pour moi, c’est de rester transformable.» Mais elle avoue être encore en train de digérer l’expérience. «Chaque film est un voyage, un processus. » Qu’est-ce qu’elle en a retiré ? « Ne pas juger le résultat.» Cela, ils seront bien assez à le faire. Notamment les réalisateurs, producteurs et agents qu’elle rencontrera durant cette Berlinale. Avant que l’entretien prenne fin, elle ajoutera d’ailleurs qu’elle s’est beaucoup réjouie à l’annonce de sa sélection aux Shooting Stars.

Kathrin Halter

SHOOTING STARS

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