email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

VENISE 2024 Semaine internationale de la critique

Critique : Don’t Cry, Butterfly

par 

- VENISE 2024 : Ce premier long par la Vietnamienne Dương Diệu Lính est un elixir magique contre l'angoisse maternelle, la rébellion filiale et le cinéma d'horreur de monstres et créatures

Critique : Don’t Cry, Butterfly
Nguyễn Nam Linh et Bùi Thạc Phong dans Don’t Cry, Butterfly

Les réalisateurs d'Asie du Sud-Est tendent à croire aux esprits, et cependant, dans Don’t Cry, Butterfly, Dương Diệu Linh arrive mieux que d'autres à les tenir à distance. Après deux actes initiaux où l'on est amené à croire que les superstitions de ses personnages sont dans leur tête, elle introduit davantage d'éléments perturbateurs formels et visuels, tirant son récit sur un terrain psychologiquement tendu, quand ses collègues opteraient pour une résolution simple de la transcendance. Hélas, avant cela, le film a du mal à décoller et nous captiver comme le papillon du titre (dont la signification est aussi confirmée à la fin). Le film a fait sa première mondiale à la Semaine internationale de la critique de Venise.

Dương construit son récit en équilibre sur le conflit entre une mère, Tam (Lê Tú Oanh), et sa fille Ha (Nguyễn Nam Linh), dans un foyer de la classe ouvrière de Hanoï. Tam, dont le parcours évoque (pas nécessairement intentionnellement) les intrigues de Juliette des esprits de Fellini et Alice de Woody Allen, essaie de ramener son mari volage (dont elle a découvert qu'il avait une liaison en l'apercevant avec quelqu'un d'autre parmi la foule à un match de football télévisé) à la fidélité conjugale. Elle entre donc en contact avec une influenceuse spirite qu'elle trouve sur les réseaux sociaux, et qui lui prescrit de dissoudre des cendres sacrées dans de l'eau. La manoeuvre produit des effets, mais pas sur l'individu visé.

Par ailleurs, bien sûr, il y a un schisme générationnel entre Tam et Ha. La seconde, qui porte une coupe pixie à la Faye Wong dans Chungking Express, voudrait faire ses études à l'étranger et fuir son pays, encouragée par son sympathique petit ami Trong (Bùi Thạc Phong), qui vit dans l'appartement d'en face (ils vivent dans un grand ensemble à l'allure brutaliste, fonctionnelle, très conforme au sujet). Bien qu'ils aient un environnement social (constitué par des personnages secondaires comme par exemple les collègues d'âge moyen de Tam à la salle de mariage où elle travaille), le film peut faire l'effet d'une pièce de chambre involontaire, les personnages centraux étant résignés à vivre dans ces appartements, et les conflits établis dans l'intrigue ne se développant pas de manière assez riche. Plus tard, Dương tente de rendre Tam plus antipathique : émancipée par sa capacité de plus en plus grande à contrôler son mari, elle use des pouvoirs métaphysiques acquis grâce à la spirite sur sa fille aussi. Sur le plan philosophique, on voit que plus son influence croît, plus son libre-arbitre lui est nié.

Dương s'était déjà penchée sur ce genre de thème dans les courts-métrages qui ont précédé Don’t Cry, Butterfly – elle a, de son propre aveu, une prédilection pour les "femmes d'âge moyen irritables". Avant que les éléments de réalisme magique et de body horror susmentionnés n'interviennent, dans le final, la réalisatrice n'arrive pas tout à fait à rendre le dispositif aussi intéressant dans le format long. Et puis, tandis qu'une tache d'humidité sur le plafond se métamorphose en une créature à tentacules proche de celle de Possession de Żuławski, presque pour punir Tam de ses interférences avec la réalité, la temporalité du film est renversée et on quitte Don’t Cry, Butterfly plus convaincu qu'on ne l'était précédemment, en soupçonnant Dương d'avoir, subrepticement, frustré le spectateur à dessein, de manière à ce que la fin produise cet immense impact. 

Don’t Cry, Butterfly est une coproduction entre le Vietnam, Singapour, les Philippines et l'Indonésie qui a réuni les efforts de Momo Film Co, FUSEE et Kalei Films. Les ventes internationales du film sont gérées par Barunson E&A.

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy