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INDUSTRIE Europe

Tribune des cinéastes européens

par 

- Piratage, droits d’auteur, pays de destination, territorialité, soutien à MEDIA, fiscalité des GAFAN, plateformes : les créateurs s’engagent

Tribune des cinéastes européens

A l’occasion du 68e Festival de Berlin, 160 cinéastes issus de 24 pays interpellent les pouvoirs publics sur des enjeux cruciaux pour l’avenir de la création européenne. Parmi les signataires figurent notamment Ken Loach, Fatih Akin, Luc et Jean-Pierre Dardenne, Cristian Mungiu, Agnieszka Holland, Luca Guadagnino, Joachim Trier, Ursula Meier, Pablo Berger, Marco Bellocchio, Isabel Coixet, Robert Guédiguian, John Boorman, Costa Gavras, Matteo Garrone, Juan Antonio Bayona, Barbara Albert, Corneliu Porumboiu, Hans-Christian Schmid, Bela Tarr, Ole Christian Madsen, Bertrand Tavernier, Lucas Belvaux, Stephan Komandarev et Fernando Trueba.

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Ci-dessous la tribune dans son intégralité.

La culture européenne est la mise en commun de toutes les singularités, façons d’être et de voir, traditions, langues et histoires propres à chaque pays. A l’heure du Brexit et des nationalismes montants, l’Europe doit comprendre que sa force demeure dans sa capacité de dialogue entre union et identités spécifiques. C’est notre force et non pas notre faiblesse : ne pas comprendre cette dualité nous mènera à notre perte.

Cinéastes, nous portons le projet d’une véritable Europe de la création, guidée par l’Exception culturelle. Nous sommes convaincus que le numérique est une chance immense pour la création et la circulation des œuvres : la diversité peut ainsi être exposée dans chaque Etat-Membre, auprès de tous les spectateurs. Il n’y a pas de petit ou grand Etat européen de la création ; il y a une formidable richesse de regards. 

L’ère du numérique, des nouvelles technologies et des nouveaux usages doit être l’occasion de proposer une vision et une ambition politique fortes ! Alors que des arbitrages politiques aux conséquences importantes vont être rendus cette année, nous, cinéastes européens, demandons :

LUTTE CONTRE LE PIRATAGE ET DROIT D’AUTEUR : FAISONS DE L’EUROPE LE PREMIER DÉFENSEUR DE LA CRÉATION ! 

La lutte contre le piratage est une priorité absolue, commune aux institutions européennes et aux Etats-Membres. Chaque œuvre, et chaque travail consenti pour l’accomplissement de cette œuvre, ont une valeur ! Une grande Europe de la Création est possible si nous affirmons, au cœur de l’économie numérique, la défense de droits fondamentaux, et un partage de valeurs équilibré entre tous les acteurs de la chaîne.

Par ailleurs, le projet de directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique est une occasion unique d’assurer aux auteurs une rémunération juste, proportionnelle et inaliénable lorsque leurs films et œuvres audiovisuelles sont regardés sur des plateformes numériques. Il est temps de mettre en place un mécanisme européen qui garantisse aux auteurs une juste rémunération pour l’exploitation à la demande de leurs œuvres partout en Europe.

L’APPLICATION DES PRINCIPES DE PAYS DE DESTINATION ET DE TERRITORIALITÉ POUR QUE NOTRE ÉCOSYSTÈME RESTE VERTUEUX. 

Une plateforme ou un diffuseur qui tire profit de la diffusion d’une œuvre ne peut en aucun cas s’exonérer de contribuer au financement de la création. Dans le cadre de la directive sur les Services de Médias Audiovisuels (SMA), assurons-nous que chaque acteur qui diffuse des œuvres pour les spectateurs d’un Etat-Membre, par quelque mode que ce soit (plateforme, télévision payante ou en clair, hertzien ou numérique, etc.), obéisse impérativement aux règles de ce pays.

Le principe du pays de destination permettra  à chaque Etat-Membre de définir librement l’investissement de tous les acteurs (y compris les plateformes) dans la production d’œuvres nationales, et de conduire ainsi sa politique culturelle au service de la diversité des œuvres. Par ailleurs, le taux de 30% d’œuvres européennes dans les catalogues des plateformes numériques – inscrit dans cette révision de la directive, reste un plancher, laissant aux Etats-Membres toute la latitude de fixer un seuil plus élevé. 

Dans le cadre de cette nouvelle directive SMA, assurons-nous aussi que le contrôle du respect de ces obligations d’exposition et de contribution, ainsi que les sanctions auxquelles serait condamné tout acteur qui ne les remplirait pas, soient réels et efficaces. Qu’il soit garanti par un organe européen indépendant et suffisamment fort pour imposer ses décisions, ou par les institutions régulatrices de chaque pays. 

Nous défendons par ailleurs l’idée d’une Europe respectueuse du principe de territorialité, qui refuse qu’une œuvre soit diffusée sur des territoires pour lesquels les droits n’ont pas été acquis. Dans le cadre du règlement Câble-Satellite, garantissons aux créateurs, et aux cinématographies les plus fragiles, les moyens nécessaires au financement de leurs œuvres et combattons toute stratégie de contournement.

UN PROGRAMME MEDIA PERENNISE POUR EN GARANTIR LA DOUBLE AMBITION CULTURELLE ET ECONOMIQUE.

Depuis plus de 25 ans, le Programme MEDIA de la Commission européenne joue un rôle déterminant pour la vitalité de la diversité culturelle. Un tiers des films produits en Europe ont par exemple bénéficié d’une aide à la distribution, à leur circulation dans toute l’Europe, et, depuis 2001, MEDIA a cofinancé 14 futures Palmes d’Or.

Alors qu’il est déjà un des plus petits programmes financés par la Commission européenne et le seul consacré à notre secteur, les crédits du Programme MEDIA, en ce moment au cœur des débats budgétaires européens, pourraient être encore réduits. Conscients de son soutien déterminant, tant pour les films que pour les publics qui les découvrent, renforçons et pérennisons ce programme emblématique de l’attachement européen au cinéma. Les défis sont trop nombreux : accordons nos moyens à nos objectifs, imaginons de nouvelles voies de coopérations pour une meilleure production, promotion et circulation des œuvres

UNE FISCALITE EUROPEENNE (ET MONDIALE) EQUITABLE.

Alors que les citoyens et petites ou moyennes entreprises participent à l’effort collectif, payant des impôts sur le territoire où ils sont rémunérés, les GAFAN (Google, Amazon, Facebook, Apple, Netflix) et certains acteurs globaux s’en exonèrent "légalement", ou n’y contribuent que d’une manière dérisoire. Cette injustice nourrit la colère des peuples et accentue la concurrence déloyale entre acteurs vertueux et non vertueux. Les GAFAN sont des sociétés américaines soutenues politiquement par leur pays d’origine. L’Europe, si elle veut garder une place majeure dans l’avenir, se doit d’inventer des lois adaptées au monde numérique d’aujourd’hui, afin d’imposer des règles équitables : dans le cas contraire, cela reviendrait à créer, au sein même de l’Union, des "paradis anti-culturels", chevaux de Troie d’une culture dominante. 

ENFIN, RAPPROCHONS PLUS ETROITEMENT ENCORE L’EUROPE ET LE CINEMA.

Des solutions innovantes sont aussi nécessaires. Tirons profit du numérique pour qu’il n’y ait plus de zones blanches où les œuvres sont indisponibles. Le cinéma, dans toute sa diversité, doit irriguer l’ensemble des territoires : un outil européen de référencement des œuvres encouragerait la circulation des films dans les Etats-Membres où ils seraient encore indisponibles plusieurs années après la sortie initiale.

Travaillons avec les plateformes. Encourageons-les à éditorialiser le cinéma européen et à le valoriser auprès des millions de spectateurs des Etats-Membres. Sur ces services, lors des transpositions en lois nationales, soyons ambitieux et allons, pays par pays, au-delà du plancher de 30% d’œuvres européennes bientôt imposé par la réglementation européenne.

Enfin, à travers un "Festival des cinéastes européens" présentant les œuvres primées de chaque pays, et voyageant d’une capitale européenne à l’autre, faisons la promotion de nos plus belles créations. Invitons le public à plébisciter la diversité européenne. 

Créateurs, citoyens ou acteurs politiques, ensemble, mobilisons-nous autour des valeurs et d’une culture qui nous rassemblent. Les cinéastes et citoyens sont attentifs aux échanges menés en ce moment même entre la Commission, le Conseil et le Parlement européens. Dans le cadre de ces  échéances, soyons fiers de défendre un cinéma européen vivace, vu par le plus grand nombre, exposé par toutes les formes de diffusion, à l’intérieur et à l’extérieur de notre continent. Soyons à la hauteur de ce défi.

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