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TORONTO 2022 Discovery

Luis De Filippis • Réalisatrice de Something You Said Last Night

“Pour moi, c’est ça, le pouvoir du cinéma : il transmute les expériences de quelqu’un d’autre et permet ainsi de se reconnaître dans leurs combats et leurs victoires”

par 

- La réalisatrice italo-canadienne nous parle de son combat pour un monde plus inclusif et du potentiel qu’a le cinéma de modifier les stéréotypes sociaux

Luis De Filippis • Réalisatrice de Something You Said Last Night

La réalisatrice italo-canadienne Luis De Filippis nous a parlé avec passion de son premier long-métrage, Something You Said Last Night [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Luis De Filippis
fiche film
]
, qui a été sélectionné à Toronto, où il a gagné le Changemaker Award (lire l'article), et qui est à présent au programme de la section New Directors de San Sebastian. Elle évoque son combat pour un monde plus inclusif et sa prédilection pour les personnages subversifs, qui ont le droit de faire des erreurs et d’être qui ils veulent être.

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Cineuropa : Qu’est-ce que cela signifie pour vous, de raconter des histoires liées à l’identité trans d’un point de vue personnel, des histoires qui amènent de la légèreté et de la poésie à des personnages trop souvent marginalisés ou considérés comme différents ou dysfonctionnels ? Que signifie pour vous l’affirmation selon laquelle "ce qui est personnel est politique" ?
Luis De Filippis : Je vois dans l'utilisation du médium cinéma une opportunité de faire redescendre les personnages trans du piédestal qui les rend inaccessibles. Par le passé, on a vu beaucoup de tableaux de personnages trans où ils sont avilis ou sensationnalisés, mais à présent, une correction presque excessive de cela s'opère par laquelle on voit les personnages trans comme des chantres de la bonne morale : ils ne peuvent rien faire de mal. Pour moi, mettre de la légèreté et de la poésie dans les histoires de personnages trans signifie raconter des histoires où les trans font des erreurs ou peuvent être égoïstes. Quand on représente des personnages trans, ou n’importe quel type de personnage marginalisé, comme des êtres humains faits de chair et de sang, on peut retrouver en eux notre propre humanité : il devient difficile de refuser leurs droits à des gens si vous voyez face à eux votre propre humanité qui vous renvoie votre regard comme un miroir. Pour moi, c’est ça le pouvoir du cinéma : il permet de transposer les expériences de quelqu’un d’autre de manière à ce qu'on se reconnaisse dans leurs difficultés et leurs victoires. Ceci résume aussi l’idée que "ce qui est personnel est politique" telle qu"elle est présente dans mon travail.

Comment faites-vous pour combiner avec autant de précision et de force des éléments fictionnels et des éléments liés à votre propre expérience, en supposant que Something You Said Last Night est en partie autobiographique ?
Je ne dirais pas que Something You Said Last Night est purement autobiographique : le film contient des éléments empruntés à ma propre vie, c’est certain, et émotionnellement, j’ai fait le même parcours que Renata, mais les détails ont été embellis ou puisés dans les histoires et le vécu de personnes de mon entourage. Je pense que le film est un collage d’expériences personnelles. Par nature, je suis quelqu’un qui observe et mes grands-parents, des deux côtés de ma famille, ont instillé en moi la passion de raconter des histoires depuis toute jeune. J’ai grandi en entendant des histoires de famille dont j'ai toujours supposé qu'elles étaient complètement factuelles mais à présent, rétrospectivement, je me rends compte qu'elles tenaient en partie du mythe et de la fable. Raconter des histoires, pour moi ne veut pas seulement dire relater des faits ; les histoires sont plutôt, peut-être, des leçons d’empathie.

Sur le plan stylistique, votre film rappelle la poésie du quotidien de Philippe Garrel et la puissance émotionnelle des films d’Andrea Arnold. Quels réalisateurs et artistes admirez-vous le plus ?
Je suis très honorée d’être comparée à Andrea Arnold, car son cinéma est une énorme source d’inspiration pour moi, et une référence importante dans ce film. Je suis aussi inspirée du travail de Céline Sciamma, Naomi Kawase, Sofia Coppola et Lucrecia Martel – mais je pourrais continuer, la liste est longue.

Vos comédiens sont formidables. Carmen Madonia en particulier est époustouflante. Comment avez-vous trouvé vos acteurs et comment vous avez-vous travaillé avec eux ?
Carmen est merveilleuse, et elle n'avait aucune expérience du jeu d'acteur avant. J’aime à dire que c'est Carmen qui nous a trouvés. Une amie m’a parlé d’elle un soir, en rentrant du travail : Carmen est entrée dans son magasin et mon amie a été d'emblée convaincue que c’était elle, la fille que je cherchais. Une semaine plus tard, j’ai rencontré Carmen et je lui ai fait lire une scène sans lui fournir aucun contexte, et elle a été incroyable. À partir de là, nous avons travaillé ensemble avec une coach d'acteurs, Vivien Endicott-Douglas, et nous avons fait des ateliers autour de plusieurs scènes. Avoir ce temps de préparation avec Carmen a été inestimable : ça m'a permis de retravailler le scénario pour y intégrer certains de ses "-ismes".

Ramona Milano [Mona], Joey Parro [Guido] et Paige Evans [Siena] ont passé des auditions traditionnelles. Ils apportaient tous quelque chose de spécial dans le projet, et quand nous les avons réunis sur Zoom (à cause du Covid), il était vraiment évident que quelque chose d’incroyable se passait entre eux. Dès le départ, ils étaient, tous les quatre, tout simplement très à l'aise ensemble. Nous sommes allés sur le lieu de tournage deux jours avant que l’équipe n'arrive et nous avons passé du temps ensemble à jouer aux cartes, à boire de la tequila et à construire l’histoire de la famille. Ce temps que nous avons passé ensemble transparaît dans leurs interprétations. Je pense aussi qu’ils sont réellement devenus une petite famille, à en juger la manière dont ils s'aiment et s'agacent les uns les autres. Tout est là quand on les voit, c’est vraiment très spécial.

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(Traduit de l'anglais)

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