email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

ITALIE

Paola Cortellesi • Réalisatrice d'Il reste encore demain

“L’humour m'a servi à montrer avec plus de force encore la cruauté de la violence exercée à l'encontre de la femme et la quête d'une échappatoire"

par 

- La réalisatrice du film phénomène de l'année nous parle du prix qu'elle a remporté à Haugesund, le Prix Eurimages Audentia, qui promeut la parité dans le secteur de l'audiovisuel européen

Paola Cortellesi • Réalisatrice d'Il reste encore demain

Le premier long-métrage en tant que réalisatrice de la comédienne Paola Cortellesi, Il reste encore demain [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Paola Cortellesi
fiche film
]
, produit par Wildside et Vision Distribution, a été le phénomène cinématographique de l’année. Après sa première mondiale comme film d’ouverture de la Fête du Cinéma de Rome, il est sorti dans les salles italiennes le 26 octobre 2023, réalisant 5,4 millions d'entrées, pour des recettes totales de près de 37 millions d’euros. En mars 2024, Il reste encore demain a été lancé en France, où il enregistré plus de 4 millions d’euros au box-office et à ce jour, il a été vendu pratiquement partout dans le monde.

Il reste encore demain, tourné en noir et blanc en hommage au néoréalisme, se passe dans la Rome d’après-guerre et s'articule autour du personnage de Delia, mariée à un homme qui la maltraite et mère de trois enfants, une femme qui se bat avec courage pour un futur meilleur pour tous. Parmi les dizaines de festivals où le film a été invité, recevant au passage de nombreux prix, on peut citer le Festival de Haugesund, où Cortellesi a décroché le prix du public ainsi que le Prix Audentia d'Eurimages,  qui promeut la parité dans le secteur du cinéma en Europe.

Dans les motivations du Prix Audentia, on peut lire : "Nous avons été fascinés par la (...) facétie cinématographique du film et sa capacité unique à faire fusionner des sujets sérieux et de l'humour dans un mélodrame classique. Nous ne savions pas (...) que la représentation de la violence domestique, du combat des femmes et du développement de la société pouvait être maniée avec autant d'aise et d'esprit". Nous en avons parlé avec la réalisatrice.

Cineuropa : Pensez-vous que cette combinaison de drame et humour, qui a été soulignée dans la motivation du jury du Prix Audentia, a été la clé du succès universel du film ?
Paola Cortellesi :
Je pense que l’élément humoristique y a contribué, oui. Dans les récits de mes grands-mères sur la vie à cette époque, il y avait des détails drôles, maladroits, ceux du monde réel d'alors. Je voulais que l’élément humoristique guide le spectateur à travers le récit réaliste d’un quotidien parfois absurde et naïf, non pas pour édulcorer la gravité de la violence, mais au contraire pour en faire ressortir encore plus vivement la cruauté et, ensemble, chercher une issue. Nous voulions rendre ridicules les personnages les plus négatifs, comme Ivano et son père, pour en saper la force : un méchant, s'il est ridicule, on peut l'affronter, il ne fait plus peur.

Dans le secteur du cinéma, les femmes sont encore minoritaires dans les rôles clefs, derrière la caméra. Le dernier rapport de l’Observatoire européen de l'audiovisuel indique que 26 % seulement des réalisateurs/trices de longs-métrages européens sont des femmes. En Italie, le nombre de films réalisés par des cinéastes femmes est passé de 21 en 2019 à 41 en 2023. Vermiglio [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Maura Delpero
fiche film
]
, de Maura Delpero, a gagné un Lion d’argent à Venise et il a été désigné comme candidat italien pour les Oscars. Il tempo che ci vuole [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Francesca Comencini
fiche film
]
, de Francesca Comencini, a également remporté tous les suffrages. Et pourtant, en moyenne, les réalisatrices disposent de budgets inférieurs à ceux qu'on accorde à leurs collègues de sexe masculin. Le problème de la parité se situe aussi, et surtout, dans les ressources qui sont mises à la disposition des femmes cinéastes. Qu’en pensez-vous ?
Les chiffres progressent, et ça me fait plaisir. Nous savons bien, cependant, que la route est encore longue pour arriver à la parité au cinéma aussi. Je ne connais pas le budget de Vermiglio ni celui d'Il tempo che ci vuole, mais j'en connais la valeur et la beauté. Le talent de ces deux réalisatrices extraordinaires et le succès que leurs films sont en train d’avoir est un pas en avant de plus pour que la roue tourne dans un sens favorable à toutes les femmes qui font ce métier.

Le succès d'Il reste encore demain vous a amenée, ces derniers mois, à rencontrer beaucoup de scolaires et de simples spectateurs aimant aller au cinéma et discuter des films. Quel public avez-vous rencontré et comment avez-vous vécu cette expérience ?
À dire vrai, la plupart des spectateurs n'étaient pas des cinéphiles assidus. Le cadeau, pour moi, a été de les retrouver en salle, peut-être sur le conseil de proches, et de les voir contents et d'écouter les souvenirs, pensées et émotions de femmes et d’hommes qui avaient envie de partager des expériences personnelles avec les gens autour d'eux – gens qui pour un instant, n'étaient plus des étrangers. Quant à la possibilité de rencontrer des milliers d'élèves tout jeunes, ça a été une formidable opportunité de dialogue et de croissance pour moi.

Ça vous paraît important, aujourd’hui, dans ce moment très critique pour les salles de cinéma, d'"accompagner" son film, de le promouvoir en faisant sentir sa présence comme auteur ?
Je crois que c’est fondamental d’accompagner les histoires en transmettant sa passion, en racontant le travail qu’on y a mis. On parle de "magie du cinéma", et c'est vrai, mais si ce qu'on voit à l'écran invoque quelque chose de magique, le travail de création, ce qu'on fait sur le plateau et ce qui suit, ça c'est de l’artisanat. Le film est la réunion d'une foule de composantes pensées, créées et assemblées par des travailleuses et travailleurs avec des compétences spécifiques. Raconter la construction des choses, y compris des rêves, ça donne à notre métier force et dignité.

(Traduit de l'italien)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy