email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

DINARD 2025

Harris Dickinson • Réalisateur d'Urchin

“Je sépare très nettement les rôles de réalisateur et d'acteur”

par 

- L'étoile montante du cinéma, devant et derrière la caméra, nous parle de son premier long-métrage, un film sans concessions sur un jeune sans-abri pris dans une spirale descendante

Harris Dickinson • Réalisateur d'Urchin

Ses prestations dans des œuvres comme Sans filtre [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Ruben Östlund
interview : Ruben Östlund
fiche film
]
et Babygirl ne laissent aucun doute sur la question : Harris Dickinson est un jeune acteur extrêmement talentueux, porté à faire des choix de carrière provocateurs. Cette intégrité a sans doute contribué à lui valoir le rôle de John Lennon dans les prochains biopics consacrés aux Beatles, mais c’est sa visite au Criterion Closet (regardez la vidéo), où il a parlé avec éloquence de Kenji Mizoguchi et d'Harmony Korine, entre autres, qui a donné à l'auteur de ces lignes l’envie de l’interviewer, au moment où son premier long-métrage comme réalisateur, Urchin [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Harris Dickinson
fiche film
]
, est en train de séduire le public des festivals à travers le monde.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)
RuidoFilm_esther fernandez

Urchin, dont le personnage central est Mike (Frank Dillane, prix d’interprétation masculine à Cannes dans la section Un Certain Regard pour ce rôle), un SDF alcoolique d’une vingtaine d’années qu'on voit errer dans les quartiers est de Londres tandis qu’il tente de se sevrer et de gagner quelques sous, s'ancre fermement dans la tradition du réalisme social britannique, dans une version dynamisée par des éléments oniriques voire fantasmagoriques, et examine de près la précarité en Grande-Bretagne aujourd’hui. Le sujet n'est certainement pas nouveau, mais à l’instar des derniers films en date de Ken Loach, il met fortement en évidence l’impact des politiques d’austérité des gouvernements britanniques qui se sont succédé depuis les années 2010.

Nous avons rencontré Dickinson pour en savoir plus sur le film, présenté cette semaine au Festival du film britannique et irlandais de Dinard et bientôt dans les salles du Royaume-Uni et d'Irlande, avec Picturehouse Entertainment.

Cineuropa : Ce sujet tombait-il sous le sens, pour votre premier long-métrage ? D'où est venue l'idée de départ ?
Harris Dickinson : C’était un sujet qui me tenait profondément à cœur. L’addiction en particulier a toujours été présente autour de moi. Dans le film, le fait d'être sans-abri est moins le sujet principal, disons, qu'une conséquence de ça. J’ai passé beaucoup de temps à faire des recherches : à travailler avec différents consultants, à visiter des prisons et à parler avec différentes organisations œuvrant dans le champ de la liberté conditionnelle, la réforme pénitentiaire, la justice restaurative, etc. Toutes ces recherches s'informaient entre elles : mon travail sur le terrain a informé le scénario, et inversement. Juste avant le premier confinement, j'ai voulu m’engager concrètement, et j’ai découvert l’excellent travail accompli par les organisations Project Parker et Under One Sky à Londres. Je ne voulais pas simplement rester derrière un clavier à écrire : "Ça, ce n’est pas bien".

Cherchiez-vous à corriger les idées reçues qu'on peut avoir aujourd’hui sur les sans-abris ou à réfléchir au fait que la question est liée à celle de la santé mentale, un sujet auquel nous sommes désormais plus sensibilisés ?
Si je peux dresser le portrait de quelqu’un qui évolue dans un ensemble de circonstances très précaires, avec une histoire et des traumatismes complexes, ce que les spectateurs vont en retirer ne dépend pas de moi. Et si je peux faire ça en privilégiant une attitude qui ne consiste pas à juger ou à formuler un message moralisateur, en présentant l’histoire de Mike avec sincérité, à travers un prisme plein d’amour, alors on arrivera sans doute à une analyse plus riche que ce qu'on aurait eu autrement.

La rencontre de Mike avec Simon (Okezie Morro), l’homme qu’il a attaqué, après l'agression, est un des moments les plus forts du film. Comment avez-vous abordé la mise en scène de cette séquence et comment envisagiez-vous son impact sur les événements qui suivent, qui dérapent encore davantage ?
Je pense que la justice restaurative vise en grande partie à permettre à la victime et à l’auteur des faits de se parler face à face et de réparer certains dommages – de revenir sur les faits tels que chacun les a vécus, de trouver des réponses ou d'arriver au pardon, de se réapproprier le récit des faits. Le plus souvent, cela fonctionne, mais pour un très petit nombre de personnes, ça ne marche pas. Ça peut être très frontal et éprouvant. Je pense que Mike croit vraiment, à ce moment-là, qu'il est prêt à faire cette démarche.

Votre passage à la réalisation me renvoie au parcours de Brady Corbet, qui a lui aussi joué pour de nombreux cinéastes proches de sa sensibilité. Pensez-vous que vos parcours d’acteur et de metteur en scène sont intimement liés, comme dans le cas de Corbet ?
L’un nourrit l’autre, chacun à sa manière. En tant qu’acteur, j’ai énormément appris sur la manière dont se passe un tournage, sur la vulnérabilité et le fait de se mettre à nu, sur ce que signifie maintenir cet espace en tant que réalisateur, et je suis résolument très intéressé par les réalisateurs qui font du cinéma d’auteur, les visions distinctives, singulières, guidées par l’intégrité, mais pour moi, les rôles de réalisateur et d’acteur restent tout à fait séparés. Quand je suis comédien, j’ai envie d’entrer dans un autre univers et de me faire confiance alors qu’en tant que réalisateur, j'ai plus envie de tout contrôler !

Vous avez pu embaucher comme directrice de la photographie Josée Deshaies. Avez-vous apprécié les films qu'elle a fait récemment avec Bertrand Bonello ?
C'est-à-dire que
Bonello est un monument. C’était dingue, que Josée accepte de tourner avec nous, franchement, totalement dingue. Je viens de revoir L'Apollonide : souvenirs de la maison close [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Adèle Haenel
fiche film
]
, et, évidemment, il y a La Bête [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Bertrand Bonello
fiche film
]
. J’ai adoré les cadrages de Josée. Sans oublier Passages [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film
]
, bien sûr. Ses compositions sont d’une grande élégance et laissent énormément de place au jeu et au langage corporel, et j'ai trouvé intrigante la manière dont elle voit le monde (elle n’était jamais venue à Londres). Elle place la barre très haut, et j’adore ça.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy