20/08/2021 - Le nouveau documentaire de Janko Baljak est davantage un hommage à l’œuvre de Želimir Žilnik qu’une simple biographie de l’emblématique réalisateur

Želimir Žilnik est un cinéaste dont le style et l’approche uniques brouillent la frontière entre le documentaire et la fiction. Ses fictions ont la véracité caractéristique des documentaires alors que ses documentaires ont cette tension propre aux fictions. En plus de cinquante ans de carrière, il a réalisé plus de 60 films, courts et longs-métrages, documentaires, fictions et films hybrides, dans lesquels il a cherché à exposer la part de vérité qui se cache sous la surface. Il fait aujourd’hui l’objet d’un documentaire, ŽŽŽ (Journal About Želimir Žilnik), écrit et réalisé par le célèbre documentariste Janko Baljak. Le film, majoritairement tourné dans le format télé et court-métrage, aborde des sujets socialement pertinents pour la Serbie et l’ex-Yougoslavie à partir des années 1990.

ŽŽŽ (Journal About Želimir Žilnik) a été présenté en avant-première dans la compétition documentaire de la 27^e édition du Festival de Sarajevo. La présence du maestro au cœur de ce documentaire devrait suffire à lui assurer une grande visibilité, notamment dans la région de l’ouest des Balkans et dans les festivals spécialisés. Le film sera, le cas échéant, diffusé à la télévision où le caractère informatif de son sujet et la clarté de sa construction devraient fonctionner.

Le titre du film est en réalité un jeu de mots sur Newsreel on Village Youth in Winter (1967), premier court-métrage documentaire qui a révélé Žilnik et a offert une nouvelle perspective sur la réalité de la Yougoslavie socialiste. Mais Baljac choisit d’ouvrir le film par une discussion sur une autre œuvre controversée de Žilnik, à savoir Freedom or Cartoons (1972), film inachevé dont la production a été arrêtée par les autorités. ŽŽŽ (Journal About Želimir Žilnik) est construit comme un genre de road-movie dans lequel Žilnik, accompagné de Baljak et son équipe, revisite ses anciens films, les lieux de tournage, les membres de l’équipe et les collègues, les sujets qui ont survécu, comme l’iconique Pirika, star de Little Pioneers (1968) et Pirika on Film (2013), et les films qui s’en sont inspirés. Bien entendu, les œuvres majeures de la carrière de Žilnik sont citées, comme Early Works (1969), lauréat du Lion d’Or. Il y a également la procédure judiciaire engagée autour de l’interdiction du film après sa réalisation, la relation du jeune Žilnik avec la "Vague noire yougoslave", dont il est question dans son court-métrage documentaire Black Film (1971), son exil en Allemagne au cours duquel il a réalisé cinq courts-métrages en une année seulement, son retour en Yougoslavie, son film dénonçant la schizophrénie et la violence des années 1990, comme dans Tito’s Second Time Among the Serbs (1994) et Marble Ass (1995) et sa tentative pour aborder, le plus humainement possible, l’état actuel du capitalisme et la crise des réfugiés dont il est question dans ses derniers films. Cependant, les efforts engagés pour récupérer les bandes encore existantes de Freedom or Cartoons et le terminer pour en faire une sorte de témoignage sont le fil conducteur du film.

Avec une carrière aussi riche, Žilnik, narrateur et guide, est certainement l’atout majeur de cette œuvre. Il a en effet de nombreuses histoires et anecdotes à partager avec le public. La mission de Baljak est de le diriger et de le "conseiller", ce qu’il fait avec beaucoup de respect, tout en capturant l’esprit de Žilnik, poursuivant d’une certaine façon son œuvre. Sur une musique de Predrag Vranešević et avec un montage d’Aleksandra Milovanović, qui associe habilement les images récemment filmées aux anciens travaux de Žilnik, mais également aux documents d’archives comme des coupures de journaux, ŽŽŽ (Journal About Želimir Žilnik) est un film agréable et très instructif, doublé d’un vibrant hommage à ce grand cinéaste.

ŽŽŽ (Journal About Želimir Žilnik) est une production serbe de Siniša Bokan pour Arbos, avec un soutien financier de Film Centre Serbia.

(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)