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IDFA 2022

Critique : Apolonia, Apolonia

par 

- Dans son fascinant film, qui l’a emporté à l’IDFA, Lea Glob se propose de tracer le portrait d’une artiste et termine avec deux portraits

Critique : Apolonia, Apolonia

Lea Glob a suivi la peintre qui donne son nom à son documentaire Apolonia, Apolonia [+lire aussi :
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pendant de longues années. Si longtemps, à vrai dire, qu’on a du mal à dire, à ce stade, ce qui a pu happer son intérêt au départ, à leur première rencontre en 2009. "J'avais l'impression de la connaître tout en ayant en même temps en face de moi une inconnue", dit Glob dans le film. Et c’est toujours le cas.

Ce film simple et intime qui a gagné l'IDFA (lire l'article), aussi différent qu'il puisse être du film qui a triomphé l'année dernière à Amsterdam, le très long Mr. Landsbergis [+lire aussi :
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de Sergei Loznitsa, ne se fixe pas comme objectif de révéler les mystères de quiconque. L'idée est plus d’observer les difficultés de la vie d'Apolonia Sokol, de l’accompagner dans ces moments exaspérants où on se sent au bord de quelque chose et qu'on essaie de comprendre ce que c'est, en fait, cette chose qu'on aimerait faire. Et en l'espèce, ça marche dans les deux sens, car Apolonia (qui pourrait, physiquement, être la soeur de Sean Young) filme aussi Glob de temps en temps. Elles sont toutes les deux curieuses l’une de l’autre et de ce que la vie peut leur rapporter semble-t-il. Elles sont d'égale à égale.

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Il est intéressant de noter que leurs relations avec les hommes, si elles sont suggérées, restent en arrière-plan. Les liens les plus importants du film sont ceux d'Apolonia avec le théâtre de Paris où elle a grandi enfant, et avec l’artiste ukrainienne et cofondatrice du Femen Oksana Shachko, qui est en elle-même une fascinante figure. Quand elle perd la première de ces connexions, Apolonia semble complètement perdue en tant qu'artiste. On peut être un "esprit libre", mais se languir tout de même d'un point d'ancrage physique, semble-t-il. Quand il disparaît, les choses se compliquent.

Très vite, dans la cacophonie des langues différentes et des conseils contradictoires, elle passe du statut d’artiste prometteuse à celui d'artiste au bout du rouleau qui essaie de faire son trou à Los Angeles, où il est moins cher d’acheter l’artiste que l'art, dit le film. Il y a certaines observations intéressantes sur ce qu’il faut pour réussir sur ce marché aujourd’hui, ou sur n’importe quel marché à vrai dire, tandis qu'on pousse Apolonia à peindre de plus en plus vite, et donc à s'épuiser par volonté d'en faire trop. La réflexion est valide, et s'applique aisément à de nombreux autres domaines, y compris le journalisme : si on veut réussir, il faut tenir le rythme. Après, eh bien le travail peut en souffrir et ça va se voir. Vous pouvez même le remarquer vous-même.

Ces différentes prises de conscience composent un portrait très complexe, où espoirs et frustrations se heurtent quasiment chaque minute, et pourtant Apolonia, Apolonia reste étrangement motivant. On n'évitera pas les souffrances insoutenables, ni les déceptions, mais c'est tellement beau d'observer des jeunes femmes qui ont la liberté d'essayer plein de choses.

La partie peut-être la plus révélatrice, mais aussi la plus bouleversante, du film est le moment où Apolonia s'entend dire (du moins c'est elle qui le rapporte) qu’elle est plus intéressante que ce qu’elle crée. Elle se dit que c'est parce qu’elle est une femme, et elle n'a sans doute pas tort, mais d’une manière un peu retorse, c’est aussi pour cela qu’elle est un aussi bon sujet de film. Glob n’arrive pas à quitter cette femme des yeux, qu’elle soit joyeuse, qu'elle craque et s'effondre ou qu'elle soit juste en train de se tailler la frange, et ce sentiment est franchement contagieux.

Et puis elle aussi change : elle grandit, et quand elle dit finalement : "je vais éteindre la caméra maintenant", on a le sentiment que c’est une étape difficile mais néanmoins nécessaire pour toutes les deux. Leurs histoires sont loin d’être finies, mais ce moment particulier de leur vie est déjà dans le passé. Il y aura d’autres combats, différents (plus grands, on l'espère) et qui sait, peut-être que Glob rallumera sa caméra, au bout d'un moment.

Apolonia, Apolonia a été produit par HBO MAX et Danish Documentary Production (Danemark), en coproduction avec Staron Film (Pologne). Les ventes internationales du film sont assurées par CAT&Docs.

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(Traduit de l'anglais)

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