Critique : Tony, Shelly and the Magic Light
par Martin Kudláč
- Le premier long-métrage par Filip Pošivač, un film de marionnettes en stop motion qui célèbre la différence, mélange aventure, mystère, profondeur émotionnelle et commentaire social
Un nouveau venu rejoint le monde du divertissement familial tchèque animé : Filip Pošivač, dessinateur et animateur renommé dans son pays, surtout connu pour son travail sur la série animée Hunger Bear Tales, vient de dévoiler au Festival de Zlin son premier long-métrage en tant que réalisateur, Tony, Shelly and the Magic Light [+lire aussi :
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Le récit se concentre sur Tony, un garçon de 11 ans dont le corps est luminescent depuis sa naissance. Cette anomalie l’amène à porter toute une gamme de masques excentriques et, surtout, rend ses parents intensément protecteurs, de sorte qu'ils le supervisent presque à chaque instant. L'enfant vit pratiquement isolé du monde extérieur, mais à l’approche de Noël, l'existence de Tony est bouleversée par l’arrivée d’une fillette mystérieuse appelée Shelly qui emmènage dans son immeuble. Leur rencontre marque le début d'un parcours aventureux qui va les mettre tous les deux au défi de revoir l'idée qu'ils se font du bien et du mal, de la familiarité et de la différence, à travers le motif de la lumière et de l’obscurité.
Comme Tony, Shelly est solitaire. Sa vie passée sur la route avec sa mère, danseuse professionnelle, ne lui a jamais offert le moindre semblant de stabilité. Elle a une imagination active, subtilement indiquée par la capacité qu'a sa lampe de poche de transformer des objets et des scènes ordinaires en des spectacles vivants et riches. La réalisatrice Jana Šrámková, auteure du scénario du film, suggère discrètement que Shelly a peut-être le syndrome d’Asperger. Sa mère souffre d'une dépression récurrente, et accorde de fait, par inadvertance, un certain degré d’autonomie à sa fille. Ensemble, les deux enfants entreprennent de résoudre le mystère de la force maléfique qui se tapit dans leur immeuble, une créature qui consomme toute la lumière et traque les émotions humaines.
Si le récit s'articule avant tout autour de l’aventure des deux enfants, l’influence du monde adulte parcourt subtilement l’intrigue. Les personnages des autres habitants de l’immeuble sont dépeints dans un style exagéré, comme de légères caricatures qui rappellent l’esthétique de Tim Burton et Henry Selick. Une palette de couleurs plus vive est employée pour les escapades des jeunes personnages. L’histoire couvre trois générations, favorisant une alliance peu commune entre l’enfant et la plus vieille génération, qui est au coeur du mystère de l’esprit de l'immeuble et de la menace qu’il représente.
L’équipe d'animation a produit un travail de design complexe sur les marionnettes, et la fluidité de l’animation en stop motion est telle qu'on la confond presque, par moments, avec des images de synthèse. La direction artistique adopte une approche légèrement hyperbolique pour dépeindre les vastes couloirs – car l'action se déploie principalement à l'intérieur de l'immeuble et dans ses parties souterraines, à l'exception de quelques scènes dans la cour. La cheffe opératrice slovaque Denisa Buranová (By a Sharp Knife [+lire aussi :
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interview : Iveta Grófová
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Le film aborde aussi un sujet social plus vaste, très à propos en ces temps polarisés, à travers la manière dont il célèbre les identités uniques des enfants et met en avant leur rapport sain avec qui ils sont respectivement, encourageant ce faisant les petits à se défendre et s'assumer courageusement tout en promouvant le dialogue ouvert avec les parents, se tenant ainsi soigneusement à l’écart, d'un côté comme de l'autre, de la leçon de morale peu originale et du didactisme.
Tony, Shelly and the Magic Light a été produit par la société tchèque nutprodukce et la slovaque nutprodukcia, en coproduction avec la Télévision tchèque, la Radio-Télévision slovque, Kouzelná animace et l'enseigne hongroise Filmfabriq. Les ventes internationales du film sont gérées par LevelK.
(Traduit de l'anglais)
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