26/09/2023 - L’Argentin Martín Rejtman présente qui réunit une comédie qui conjugue réflexion philosophique, critique moqueuse et portrait compatissant de ses personnages

Gustavo, interprété avec aisance et grâce par Esteban Bigliardi, est le héros absolu de La práctica [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Martín Rejtman
fiche film],  qui marque la première participation de l’Argentin Martín Rejtman à la compétition officielle du Festival de San Sebastian. Il s'agit d'un professeur de yoga argentin qui vit à Santiago du Chili, où il a déménagé pour son épouse, dont il se sépare à présent. Ils dirigaient ensemble une académie où ils enseignaient cette pratique millénaire, mais du fait de cette rupture, le centre lui revient à lui, et Vanesa (Manuela Oyarzún), car ainsi se nomme l'(ex)-femme de Gustavo, garde leur maison et les meubles. Il y a un déséquilibre dans la manière dont chacun aborde ce moment difficile : elle est décidée et complètement fermée à l'idée d'une possible réconciliation devant la psy qu'ils voient tous les deux. De son côté, il n’accepte pas du tout ce qui est en train de se passer, à tel point qu'il choisit la maison de son (ex) beau-frère et sa femme comme lieu de résidence temporaire tandis qu'il essaie de se rassembler.

Avec tous ces ingrédients, on pourrait croire qu'on va assister à une comédie des sentiments classique, mais ce que fait Rejtman est différent, radicalement différent, même. La manière presque mécanique dont les personnages disent leurs dialogues, la fixité des plans et leur agencement schématique au montage donne un ton assez froid à l'ensemble. Il cadre parfaitement avec l’état mental de Gustavo, abasourdi et en repli sur lui-même. C’est que notre héros est clairement dépassé. Une élève allemande qui se sent agressée d'une manière ou d'une autre et se retrouve frappée d'amnésie après un coup reçu pendant un tremblement de terre, une mère qui n’a pas du tout coupé le cordon ombilical, un vol dans les vestiaires dont le principal suspect est un nouvel élève… et on pourrait allonger la liste à l’infini.

En somme, la vie de Gustavo est un désastre, et il n'a pas l'air capable d'en reprendre les rênes – si tant est que des rênes existent pour sa vie. Et au milieu de ce désastre défilent des personnages aussi hauts en couleur qu'adorables, chacun à sa manière. Rejtman nous présente toutes ces créatures, son héros compris, avec une distance tendre. Il pourrait parfois sembler qu’il les juge de manière un peu parodique, mais la sensation qui ressort de l'ensemble est une sensation de fascination. Il semble que ce que le réalisateur argentin cherche à faire ici, c’est se rendre au chaos déconcertant mais passionnant qu'est l'existence. Dans une histoire où les éléments dramatiques ne manquent pas, la comédie s'impose à travers des situations absurdes, des virages dialectiques désopilants et des gestes subtils mais précis qui permettent au spectateur de s'identifier aux personnages, aussi différents de lui qu'ils puissent être et aussi inexplicables et incohérentes que leurs décisions puissent paraître.

Ce qui ne fait aucun doute, c’est que le regard de Rejtman est original. Le réalisateur parvient à créer un univers à travers des éléments reconnaissables, en mettant sur le tapis certaines des obsessions qui ravagent la majorité des êtres humains qui transitent à travers ce XXIe siècle fou. Distant mais chaleureux, absurde mais lucide, déroutant et limpide à la fois : tous ces adjectifs décrivent bien ce film devant lequel on passe un excellent moment.

La práctica est une production de la société argentine Un Puma, avec la coproduction de Quijote Films (Chili), Rosa Filmes (Portugal) et Pandora Filmproduktion (Allemagne). La société américaine Visit Films s'occupe des ventes internationales.

(Traduit de l'espagnol)