LOCARNO 2025 Cinéastes du présent
Critique : Don't Let the Sun
par Veronica Orciari
- Dans son premier long, situé dans un futur dystopique inondé d’un soleil brûlant, Jacqueline Zünd explore l’isolement et l’espoir, usant du silence et des visuels pour livrer un récit pénétrant

La documentariste suisse Jacqueline Zünd est en lice dans la section Cinéaste du présent du Festival de Locarno avec son premier long-métrage de fiction, Don't Let the Sun [+lire aussi :
interview : Jacqueline Zünd
fiche film], également nominé pour le Léopard vert WWF, destiné au film du festival qui évoque le mieux un sujet d'intérêt environnemental, en plus d'être éligible pour le Prix Swatch du meilleur premier long-métrage. L’intrigue réunit deux éléments extrêmement originaux : Jonah (Levan Gelbakhiani) est un type assez singulier d’acteur qui apporte du réconfort aux inconnus en faisant semblant d’être un de leurs proches dans un monde où, du fait de la chaleur du soleil, les gens vivent la nuit.
Le film, qui se passe dans une ville futuriste désolée dont on ignore le nom, se sert de l’isolement occasionné par la crise climatique (qui rappelle le confinement appliqué pendant la crise du Covid, combiné aux catastrophes naturelles qui inondent désormais les actualités) pour narrer une histoire très intime sur la parentalité et l’espoir en l’avenir, malgré son contexte pessimiste. Quant aux services que Jonah fournit, Zünd (co-autrice du scénario avec Arne Kohlweyer) en a eu vent en tournant son documentaire Almost There [+lire aussi :
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fiche film] au Japon, où elle a trouvé une agence proposant des acteurs professionnels pour jouer toutes les figures dont les particuliers peuvent avoir besoin : meilleur ami, mari, fille ou même pleureur/reuse aux enterrements. Dans Don't Let the Sun, une fillette de neuf ans appelée Nika (jouée par la très convaincante Maria Pia Pepe) marque un point de rupture dans les activités relativement stables de Jonah. À mesure que le duo apprend à mieux se connaître, qu’elle s’ouvre davantage à lui et se met à le traiter comme une figure paternelle, Jonah se découvre une facette qu'il ignorait.
Le film utilise le silence un outil narratif puissant. La plupart des scènes comprennent très peu de dialogues et reposent principalement sur l’atmosphère générée par la combinaison des images et des sons, sporadiques et soigneusement choisis (mention spéciale pour la musique de Marcel Vaid). Le soleil menaçant, qui évoque Sunshine [+lire aussi :
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interview : AndrewMacdonald
interview : Danny Boyle
fiche film] de Danny Boyle bien que les circonstances soient très différentes, est la toile de fond parfaite pour une histoire qui invoque salut et espoir à travers le portrait délicat qu'il fait de ses personnages. La photographie poussiéreuse du chef opérateur Nikolai von Graevenitz contribue grandement à cette allure dystopique d’ensemble, particulièrement dans les plans larges, et la "chaleur" peut se faire sentir tout au long du film.
Don't Let the Sun est un exemple clair de film dont la finesse technique et la prémisse intéressante arrivent à sauver le résultat final, qui déçoit tout de même un peu par sa retenue compte tenu du potentiel qu'avait le film sur le papier. On a l'impression qu'une pièce du puzzle est manquante (peut-être qu'un aspect un peu plus brut ou une certaine "imperfection" auraient aidé) et que l’approche peu chaleureuse de la relation entre les personnages pourrait ne pas plaire à tout le monde. En d’autres termes, le film de Zünd est peut-être trop "parfait" et dépourvu de spontanéité. Ceci étant dit, le film repose sur une histoire très forte qui devrait attirer l’attention pour son inventivité et sa fraîcheur dans un marché sursaturé, avec des qualités formelles qui piquent l'intérêt.
Don’t Let the Sun a été produit par Lomotion (Suisse) en coproduction avec Casa Delle Visioni (Italie) et SRF - Schweizer Radio und Fernsehen (Suisse). Les ventes internationales du film sont gérées par Sideral Cinema.
(Traduit de l'anglais)
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